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L'agneau, une industrie qui rêve d'être aussi grosse que le boeuf

L'agneau, une industrie qui rêve d'être aussi grosse que le boeuf

Les pâturages de l'Alberta sont parsemés de troupeaux de vaches, l'élevage phare de la province. Mais au nord-est de Red Deer, sur la ferme de la famille Polson, le bœuf n'y est pas roi. La majorité des activités se passent dans l'immense grange où résonne le bêlement assourdissant des brebis et de leurs petits.

Un texte de Tiphanie Roquette

Nathanael Polson élève chaque année plus de 2500 agneaux et ce n’est qu’un début. D’ici 2019, il espère presque doubler sa production en produisant 4000 jeunes moutons par an.

« Ça rapporte bien et j’aime ça », affirme l’éleveur.

Le fermier a toujours eu des vaches et, encore aujourd’hui, il possède une centaine de têtes de bétail. La crise de la vache folle et la longue période de vache maigre qui a suivi l’ont cependant poussé à se diversifier. « J'étais frustré d'être à la merci du marché », se remémore Nathanael Polson.

Petit à petit, son cheptel de mouton s’est accru. Cet élevage représente maintenant plus de 70 % de son activité et l’avenir lui paraît prometteur.

« Cette année, les prix sont les plus élevés que nous avons vus. Ça m’encourage pour les années à venir et ça n’a pas l’air de s’arrêter », croit M. Polson.

Demande croissante

Selon le spécialiste du marché de l’agneau à Agriculture Alberta, Jason Wood, le prix de l’agneau dans la province depuis le début de l’année est, en moyenne, 43 % plus élevé qu’il y a trois ans et 20 % supérieur à la moyenne sur cinq ans.

Les gros exportateurs que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont diminué leur cheptel et concentrent plus leurs efforts de commerce sur l'Asie, dit-il.

Les indicateurs au Canada sont aussi favorables. « C'est la demande anticipée. On peut voir quelques bonnes années, mais dans le domaine agricole, quelques bonnes années ne suffisent pas à encourager les investisseurs. Il faut une croissance durable et c'est ce qu'on semble voir au Canada à long terme et c'est pour cela qu'on ne devrait pas être surpris de voir quelques projets se réaliser », croit le professeur en distribution et en politiques alimentaires à l'Université Dalhousie, Sylvain Charlebois.

L’abattoir et usine de transformation Sungold Specialty Meats, installé à Innisfail, à une heure de route au nord de Calgary, a ainsi entrepris une transformation depuis six ans. Dix millions de dollars ont été investis pour moderniser l’usine.

Le directeur général Miles Kliner voit beaucoup d’avenir dans sa filière. L’objectif pour Sungold est de plus que doubler la production d’ici trois à cinq ans.

« L’agneau au Canada a toujours été une petite portion du marché des protéines au Canada, mais c’est certainement un marché en croissance », croit M. Kliner.

La différence de consommation entre le bœuf et l’agneau est immense, mais alors que la consommation de viandes rouges ne cesse de diminuer, celle de l’agneau est plutôt stable avec des pointes de croissance.

Selon M. Kliner, les communautés ethniques pour qui l’agneau est source majeure de protéines sont le moteur de cette consommation.

De nombreux défis

Transformer l’agneau de marché spécialisé en aliment de base n’est cependant pas sans défis, au premier desquels se situent les réticences des consommateurs moyens, dit le professeur Charlebois. « L'agneau a un goût très distinct qui ne peut pas nécessairement plaire à tout le monde. Ça, c'est une chose. La deuxième chose c'est que l'agneau est une viande qui est un peu plus difficile à cuire ou à préparer que d'autres types de viande que ce soit du porc, du boeuf ou du poulet. »

L’agneau et son statut de bébé animal répugnent aussi certains Canadiens. Pour M. Charlebois, l’industrie va devoir se doter d’une bonne stratégie de marketing pour convaincre les plus frileux et atteindre une production industrielle.

Une nécessité qu’a bien comprise l’usine Sungold. Depuis un an, l’entreprise a introduit une nouvelle gamme de produits prêts à cuire pour rendre la viande plus accessible.

Il y a un mystère autour de la viande d’agneau, mais ce n’est que ça, une mystère.

Le directeur général cite lui d’autres embûches aux ambitions d’expansion de son industrie. La plus importante difficulté est de trouver assez de producteurs.

Même si la consommation domestique est encore faible, le Canada importe 60 % de ses besoins. Les éleveurs ovins sont historiquement petits en comparaison à des puissances de l'industrie telles que l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La population de moutons a également diminué au Canada de plus de 13 % depuis 2002.

Sungold a donc commencé à développer des partenariats d’affaires avec des fermiers pour les encourager à accroître leur élevage et produire de l’agneau toute l'année.

Nous changeons la donne. Il n’y a rien de tel en Amérique du Nord.

Il espère ainsi changer progressivement le visage de l’élevage en Alberta et au Canada.

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