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Paul Boutilier : l'entraîneur le plus intéressant de la LHJMQ?

Paul Boutilier : l'entraîneur le plus intéressant de la LHJMQ?

BILLET - C'était censé être une petite entrevue de routine au sujet du meilleur défenseur junior du monde : Thomas Chabot. Mais une heure plus tard, quand j'ai quitté son entraîneur Paul Boutilier, je me pinçais presque. Portrait d'un homme de hockey à la fois fascinant et fort impressionnant.

Il suffit de lire son curriculum vitae pour conclure que l'entraîneur chargé du développement des défenseurs des Sea Dogs de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, est un oiseau rare...

Natif de la Nouvelle-Écosse, Paul Boutilier a lui-même été un défenseur étoile dans la LHJMQ avec les Castors de Sherbrooke au début des années 1980. Repêché au premier tour (21e au total) par les Islanders de New York en 1981, il a disputé 213 matchs dans la LNH et a remporté une Coupe Stanley avant de terminer son parcours de hockeyeur en Suisse.

Après sa carrière, Boutilier a terminé ses études universitaires et a accédé au circuit canadien de curling en tant que joueur. Il a aussi été président du World Curling Tour. Il a par ailleurs dirigé l'équipe de hockey universitaire de Saint Mary's pendant quelques années avant de se lancer dans le commerce international et de remplir des mandats pour le Canadien National au Vietnam et en Chine.

Après toutes ces aventures, il a enseigné le marketing international à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard pendant quelques années, jusqu'à ce que le goût d'enseigner le hockey recommence à le tenailler.

« Je regardais le hockey à la télévision et je voyais les défenseurs commettre des erreurs. Et j'ai fini par me lancer dans un projet pour tenter de déterminer comment évoluait cette position et de quelle manière l'enseignement aux joueurs était dispensé. Au début des années 2010, j'ai fini par rédiger un document assez volumineux et je l'ai envoyé à quatre équipes de la LNH », raconte Boutilier, qui vient tout juste de célébrer son 54e anniversaire.

Cinq mois plus tard, Paul Boutilier avait presque oublié cet envoi postal lorsqu'il a reçu un appel du directeur général des Predators de Nashville, David Poile.

- J'ai reçu ton enveloppe et j'ai lu ton programme de développement des défenseurs du début à la fin. Quand est-ce que je peux t'embaucher?, lui a lancé Poile.

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Pendant deux ans, Boutilier a donc été chargé de veiller au développement des jeunes espoirs des Predators à la ligne bleue. Il voyageait de ville en ville pour les rencontrer et travailler avec eux individuellement. Puis, en 2014, les Sea Dogs lui ont offert de retourner sur le terrain et de mettre son programme en application quotidiennement avec leur brigade de jeunes défenseurs.

Quand Boutilier raconte son histoire, il est difficile de ne pas faire 2+2.

Les amateurs qui s'intéressent aux séries éliminatoires de la LNH savent que les Predators ne badinent pas avec le développement de leurs jeunes défenseurs. Et ceux qui suivent les séries éliminatoires de la LHJMQ (et qui ont vu Équipe Canada junior au dernier Championnat mondial) savent que Thomas Chabot, des Sea Dogs, est probablement le meilleur jeune hockeyeur jouant à l'extérieur de la LNH en ce moment.

Chabot a été sélectionné au premier tour (18e au total) par les Sénateurs d'Ottawa en 2015.

Encore lundi soir, lors du troisième match de la grande finale de la LHJMQ, le défenseur originaire de la Beauce a maîtrisé du début à la fin la rencontre qui opposait Saint-Jean à l'Armada de Blainville-Boisbriand.

Toujours sur la patinoire (il aurait été utilisé plus de 36 minutes selon un confrère de RDS), Chabot possède une vision du jeu et une fluidité sur patins nettement au-dessus de la moyenne. Durant la même présence, Chabot est capable de mener une attaque jusque derrière la ligne du but adverse, de revenir à temps dans sa zone pour briser une contre-attaque, puis de relancer les siens avec une longue passe précise.

On dirait Monet ou Van Gogh, alors que ses pairs donnent l'impression de faire de la peinture à numéros. Il est probablement le meilleur défenseur à avoir joué dans le circuit junior québécois depuis des décennies.

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« Il y a des joueurs qui atteignent un certain niveau et qui plafonnent. Mais Thomas ne cesse de progresser. La plupart des voitures sur le marché ont quatre ou cinq vitesses sous le capot, et certaines voitures luxueuses en ont même huit. Mais Thomas, lui, en a 9 ou 10.

« Il a les qualités physiologiques nécessaires pour passer 30 minutes sur la patinoire et il patine de façon très naturelle. Au cours des dernières années, Thomas a appris à équilibrer sa façon de jouer et il est devenu très efficace. Plus il est efficace, plus il est dominant », constate Paul Boutilier.

L'entraîneur des défenseurs des Sea Dogs ne lésine pas lorsqu'il est question de ses athlètes. Dès le mois de juillet, il les visite un par un chez leurs parents afin d'amasser de précieuses informations et pour tisser des liens, autant avec les joueurs qu'avec les parents.

« Il y a des entraîneurs qui évitent les parents à tout prix, mais ce n'est pas dans mes valeurs. Si des parents ou des grands-parents ont passé leur vie à acheter des patins et des bâtons à leur enfant ou petit-enfant, il n'y a rien de mal à leur expliquer en quoi consiste le plan pour la prochaine saison. »

Sa philosophie d'entraîneur?

« Durant une présence de 40 secondes sur la patinoire, un défenseur exceptionnel peut avoir la rondelle sur sa palette pendant environ deux secondes. Pour les défenseurs moyens, c'est environ une seconde. Tout mon enseignement tourne autour des informations que prend le défenseur pendant les 38 ou 39 autres secondes, explique Boutilier, qui a fait partie du premier programme d'excellence de Hockey Canada (Équipe Canada junior) en 1982.

« Je ne veux pas que mes défenseurs deviennent des spectateurs durant le match. Si on leur enseigne à bien utiliser les 39 autres secondes de leur présence sur la glace et à éliminer les options qui ne sont pas valables, il ne leur restera qu'une décision à prendre durant le court moment où ils seront en possession de la rondelle, et ce sera la bonne. C'est le seul moyen de gravir les échelons. Il faut être capable de tout faire plus rapidement, tout en étant très efficace.

« Quand les défenseurs développent ces réflexes, ils deviennent plus calmes, plus confiants et plus constants. Le jeu semble alors se dérouler au ralenti autour d'eux. »

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Tout au long de notre entrevue, Paul Boutilier rappelle que l'aventure des Sea Dogs est le résultat d'un solide travail d'équipe. N'empêche, les performances de Chabot et de la brigade défensive de cette équipe, dont fait partie l'espoir du CH Simon Bourque, sont vraiment impressionnantes.

Rien n'est laissé au hasard pour leur permettre de s'améliorer.

Par exemple, au cours du dernier mois et demi de la saison, les arrières des Sea Dodgs ont tiré quelque 10 000 rondelles orange (plus lourdes que les rondelles conventionnelles) afin d'améliorer la qualité de leurs tirs.

« Nous nous sommes beaucoup amusés avec cela. Mais au bout du compte, un gars comme Chabot a rehaussé la vitesse de son tir frappé de 10 milles à l'heure », soutient l'enthousiaste entraîneur.

Appelé à diriger l'une des trois équipes canadiennes lors du dernier Défi mondial des moins de 17 ans, Paul Boutilier a étonné la direction de la fédération nationale en leur expliquant qu'il allait assumer la fonction d'entraîneur-chef en gérant le banc du côté des défenseurs.

Cela n'avait jamais été fait. Habituellement, l'entraîneur en chef dirige les attaquants et un adjoint s'occupe des arrières.

« Et pourquoi pas? », dit Boutilier.

« J'ai joué avec Randy Carlyle et il a été l'un des très bons défenseurs de l'histoire de la LNH. Quand je le vois diriger ses équipes de la LNH en s'occupant des attaquants, je me demande pourquoi il prive ses défenseurs des précieuses infos qu'il pourrait leur donner. Sans compter que les infos qu'il peut livrer aux attaquants sont assez limitées. À titre d'exemple, il n'a jamais pris une mise au jeu de toute sa vie. »

L'entraînement des Sea Dogs commençait et il a bien fallu mettre fin à l'entrevue. Dommage. J'aurais pu continuer à écouter Paul Boutilier pendant des heures.

Le talent de Thomas Chabot est exceptionnel, et sa superbe progression n'est certainement pas le fruit du hasard.

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