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Macron-Le Pen : y aura-t-il un effet Whirlpool?

Macron-Le Pen : y aura-t-il un effet Whirlpool?

Difficile de prendre la pleine mesure de l'effet réel de ce qui s'est passé dans les derniers jours à Amiens, dans le nord de la France, quand les deux candidats à l'élection présidentielle sont allés à la rencontre de travailleurs victimes de la mondialisation. Difficile parce qu'on est loin, parce qu'il m'est impossible de prétendre bien comprendre la dynamique de l'élection en France et aussi de savoir si les images de ce qui s'est passé marquent l'imaginaire des gens ou pas.

Une analyse de Gérald Fillion

Cela dit, les images sont fortes, allez les voir sur le web, vous allez les trouver facilement. Marine Le Pen, du Front national, parti d’exrême-droite, est accueillie à bras ouverts par des ouvriers, qui ont appris récemment la fermeture de leur usine. Plusieurs se font prendre en photo avec la candidate, une femme se réfugie dans ses bras, en pleurs. Aux journalistes, plusieurs affirment que Marine Le Pen est celle pour qui ils vont voter le 7 mai pour diriger les destinées de la France.

Le même jour, l’autre candidat, le centriste libéral Emmanuel Macron, est allé aussi à la rencontre des travailleurs, après avoir été accusé par Marine Le Pen de privilégier les rendez-vous de Chambre de commerce, loin du terrain et du réel. Il est resté sur place pendant 45 minutes à tenter d’expliquer son projet à des travailleurs dubitatifs, désabusés, qui l’ont interpellé sans ménagement, le huant à plusieurs reprises.

Emmanuel Macron a dit qu’il ne pouvait rien promettre, qu’il ne voulait pas taxer les entreprises qui délocalisent des emplois, comme son adversaire le propose. Emmanuel Macron est reparti sans avoir convaincu un nombre important de travailleurs de voter pour lui et de croire aux bienfaits de l’ouverture des marchés. À la guerre des images, il est clair que Marine Le Pen a marqué des points ce jour-là. Mais, la combativité d’Emmanuel Macron a pu faire son effet également.

Le symbole de la mondialisation qui fait mal

Le 24 janvier dernier, la multinationale Whirlpool a décidé d’annoncer la fermeture d’une usine en France pour délocaliser un total de 600 emplois vers la Pologne. Ce jour-là, cette grande entreprise est venue rappeler combien la mondialisation peut aussi faire des victimes. Cet événement s’est produit des milliers de fois depuis 20 ans dans les pays avancés et ce sont des centaines de milliers de travailleurs qui se sont retrouvés au chômage, des centaines de milliers de familles qui ont dû revoir leurs calculs.

Ainsi, trois mois avant le premier tour de la présidentielle en France, une grande entreprise a fait le choix de poser le geste qui choque, qui ne passe plus dans la population, le geste qui participe à la colère des électeurs, ce geste qui a probablement nourri le vote en faveur du BREXIT au Royaume-Uni, en faveur de l’élection de Donald Trump aux États-Unis.

Face aux décisions brutales, comme celle de Whirlpool en France, les travailleurs sont démunis, ils sont vaincus. Les politiciens n’arrivent pas ou ne veulent pas changer les choses. Ils répondent que lorsque vous souhaitez favoriser l’essor de vos entreprises sur la scène internationale, il est difficile en retour de taxer les sociétés qui déplacent des emplois pour faire des profits supplémentaires. C’est le message dominant chez les leaders politiques aujourd’hui.

C’est ce qu’a dit également, en gros, le candidat Emmanuel Macron aux travailleurs d’Amiens alors que Marine Le Pen a promis que Whirlpool n’allait pas fermer à Amiens. Le discours d’Emmanuel Macron est en phase avec une vision répandue du libéralisme économique. Celui de Marine Le Pen va à contre-courant. Qui dit la vérité aux travailleurs?

Qui dit vrai?

Est-ce qu’Emmanuel Macron parle vrai et a raison de dire qu’il faut laisser les entreprises se développer et favoriser la liberté d’entreprendre? A-t-il raison d’affirmer, sans détour, devant les travailleurs : « On n’arrivera pas à maintenir les emplois qui existent tout au long de la vie, je ne vais pas vous raconter de craque »?

Ou est-ce que Marine Le Pen dit la vérité et a raison de promettre un « bras de fer avec le groupe [Whirlpool] pour le dissuader de fermer ce site »? En affirmant que « Whirlpool Amiens ne fermera pas. J’en prends l’engagement », va-t-elle trop loin? Les travailleurs peuvent-ils croire de telles promesses?

Il est clair qu’il y a de la stratégie et de la communication dans les interventions d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. La candidate du Front national a préparé ce terrain à Amiens, à l’avance, selon L’Obs.

Mais, au-delà de cette tactique, l’affaire Whirlpool illustre parfaitement la rupture entre les élites et une partie du peuple, dont on a parlé à plusieurs reprises ensemble au cours de la dernière année. Cette rupture est flagrante quand on prend connaissance des propos tenus par l’économiste Jacques Attali, soutien d’Emmanuel Macron, il y a quelques jours sur TF1, où il a dit que « Whirlpool, c'est une anecdote. Le cas de 300 personnes n'est pas du ressort du président. »

C’est très exactement le genre de propos qui alimentent la colère, le ressentiment, et qui donnent du carburant à Marine Le Pen. Difficile de dire si l’affaire Whirlpool est un point marquant dans cette campagne. Mais, elle montre combien certains leaders politiques auraient tout intérêt à écouter davantage la population.

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