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Dans «Kong: Skull Island», la femme est enfin autre chose qu'une victime

Dans «Kong: Skull Island», la femme est enfin autre chose qu'une victime

Destruction de la nature, obstination de l'homme à démontrer son impérialisme, vengeance, guerre, mais aussi amour... Toutes les thématiques qui ont fait le succès des King Kong ont trouvé leur place dans Kong: Skull Island. Toutes, sauf une et pas des moindres : la victimisation de la femme.

La sortie du film de Jordan Vogt-Roberts apporte avec elle son lot de bonnes surprises. Si Kong: Skull Island est porté par des effets spéciaux et un prestigieux casting composé de Tom Hiddleston, Brie Larson, John Goodman, Samuel L. Jackson et John C. Reilly, c'est la représentation de la femme indépendante qui révolutionne le scénario.

Exit la jeune femme naïve mise à nue pour appâter la bête du scénario original imaginé par Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933. «Dans cette première œuvre, Ann Darrow est la victime de tout le monde. Elle est une actrice qui meurt de faim, agrippée par un réalisateur véreux et devient un appât pour le singe qui la déshabille et la transforme en objet sexuel», constate pour Le HuffPost France Mélanie Boissonneau, docteure en Études Cinématographiques.

Pour la professionnelle, le King Kong imaginé par Peter Jackson en 2005 est déjà sensiblement différent : «Le côté sexuel est gommé, mais l'héroïne passe de la femme objet à la femme spectacle. Kong l'oblige à danser jusqu'à l'épuisement». Mélanie Boissonneau, qui a écrit Pin-up ! Figures et usages de la pin-up cinématographique au temps du 'pré-Code', relève tout de même qu'Ann Darrow, interprétée cette fois-là par Naomi Watts, a plus de droit sur son image : «Elle se rebelle et c'est, en partie, grâce à cela qu'une relation d'amitié sincère se crée entre les deux personnages qui sont finalement assez similaires : deux monstres pour la société qu'il faut domestiquer».

En 2017, Kong: Skull Island opère une grande évolution en montrant à l'écran une Brie Larson mordante. Dès les premières images, l'actrice démontre la carrure de son personnage. Photographe de guerre qui dénonce les agissements de l'armée américaine au Vietnam, elle ne recule pas face au combat. Aux côtés du téméraire Tom Hiddleston, la reporter ne compte pas rester en arrière. «Dans les deux autres films, elle n'a pas le choix de partir, contrairement à cette nouvelle version où la photographe prend part à l'expédition de son plein gré, en toute indépendance», note Mélanie Boissonneau.

L'évolution de la femme influencée par celle de Kong

Si la position du personnage féminin dans la narration a autant changé, c'est qu'elle est influencée par la représentation de Kong. En 84 ans, le singe a gardé sa suprématie, mais sa symbolique, elle, a évolué au fil des époques.

Pour la docteure en Études Cinématographiques, «dans le premier scénario de 1933, Kong représente vraiment la masculinité et la puissance patriarcale. Il s'agit ainsi du principal aspect dont Ann Darrow est victime». En revanche, en 2005, le singe est davantage la figure de l'autre, de l'étranger. «Là encore, cela influence la représentation d'Ann Darrow, qui est finalement victime du rejet de ses semblables et de sa solitude. Il y a un côté absurde à leur présence dans l'univers du film.»

«Kong traduit aujourd'hui la crise des genres ni plus, ni moins, analyse Emmanuel Ethis, sociologue du cinéma, auteur de Le cinéma près de la vie et recteur de l'Académie de Nice. Ce King Kong relativise notre position par rapport à la vie animale et resitue ce que doit être notre place dans le vivre ensemble en milieu clos - ici sur une île isolée du reste du monde», confie-t-il au HuffPost. Pour ce sociologue, la figure de Kong est une espèce androgyne, «sans stéréotype de sexe».

Le sexisme en voie de disparition dans les remakes?

«Il y a une vague de réparation des grands mythes cinématographiques», observe Mélanie Boissonneau. Prenant en exemple Star Wars: The Force Awakens de J.J Abrams, la professeure explique qu'il s'agit d'une reprise de la trame narrative de la première trilogie Star Wars. La différence majeure est que le personnage est une femme, Rey, interprétée par Daisy Ridley.

Elle porte le même constat sur Mad Max: Fury Road de George Miller. «Il y a une volonté de refaire les films cultes pour les corriger. Il ne s'agit pas là d'un acte conscient de féminisme, ça relève d'avantage d'une directive marketing. Quoiqu'il en soit, on trouve aujourd'hui quelques héroïnes consistantes et c'est une évolution», conclut-elle.

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