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Des étudiants en ostéopathie accusés de pratique illégale de la médecine

Des étudiants en ostéopathie accusés de pratique illégale de la médecine

Trois étudiants en ostéopathie d'une école de Montréal sont accusés de pratique illégale de la médecine. Tous les trois, de même que deux de leurs enseignants, font face à de multiples chefs d'accusation portés par le Collège des médecins, qui réclame même la fermeture de la clinique de l'établissement.

Un texte de François Dallaire, de l’émission La facture

Le Collège des médecins nous a habitués à des accusations contre des charlatans. C’est plutôt unique qu’il accuse des étudiants. « S'ils posent un diagnostic et qu'ils font un traitement, ils sont en infraction avec les lois québécoises, c'est sûr et certain », affirme Charles Bernard, président du Collège des médecins.

Les événements reprochés se seraient produits à la clinique du Collège d’études ostéopathiques de Montréal (CEO). Une enquêteuse du Collège des médecins s’est fait passer pour une patiente.

Selon l’acte d’accusation, trois étudiants et deux professeurs ont alors « diagnostiqué des maladies, déterminé des traitements médicaux et prescrit des traitements » alors que, en vertu de la loi, « ces activités sont toutes réservées » aux médecins.

Les étudiants, les enseignants, de même que le directeur général de l'établissement font face à 33 chefs d’accusation. Des amendes totalisant 372 750 $ sont réclamées. L’une des accusées, une finissante en ostéopathie, se voit réclamer 82 500 $.

« C'est un peu triste, reconnaît Charles Bernard, mais il faut que ça cesse, et nous, le seul moyen qu'on a, c'est de les amener en justice pour les faire reconnaître coupables de pratique illégale de médecine. »

Une première

C’est la première fois que le Collège porte des accusations contre une maison d’enseignement, des enseignants et des étudiants.

Selon Charles Bernard, les élèves sont des victimes collatérales. « Je ne suis pas sûr qu'ils vont avoir des carrières extraordinaires, et l'autre aspect de l'arnaque, c’est le côté financier. Je pense que ces jeunes-là, de bonne foi, déboursent des montants d'argent importants, plus élevés que la scolarisation universitaire au Québec, pour avoir un diplôme, entre guillemets, un peu bidon, dans le sens que ça ne donnera pas accès à un ordre professionnel, à une profession reconnue. »

Aucun des accusés n’a accepté de nous rencontrer, ni de nous parler. Tous contestent les allégations de pratique illégale de la médecine.

Le président du Collège d’études ostéopathiques de Montréal nous a cependant écrit. « Nous pensons que, soit le président du Collège des médecins est mal informé soit il est de mauvaise foi », écrit Philippe Druelle.

« Dire qu’il n’y aura pas de profession en ostéopathie est un manque d’honnêteté [...] sachant que le Collège des médecins a fait partie du comité consultatif [visant la reconnaissance professionnelle des ostéopathes] », ajoute-t-il.

Cette école est le plus ancien établissement enseignant l’ostéopathie du Canada. Plus de 1450 ostéopathes y ont été formés depuis 1981. Son fondateur et président milite depuis plusieurs années pour que les ostéopathes soient reconnus à l’intérieur d’un ordre professionnel.

L’Office des professions a mis en marche un processus qui devrait conduire sous peu à une recommandation visant une reconnaissance de la profession.

Le président du Collège d’études ostéopathiques de Montréal ajoute qu’il « aurait espéré que toutes les démarches pour la reconnaissance de la profession se fassent dans la sérénité, sans attaque de dernière minute ».

Ce que le Collège des médecins reproche au directeur général, il pourrait le reprocher à d'autres ostéopathes. « C'est sûr qu'on ne peut pas poursuivre tous les ostéopathes, mais ceux qu'on poursuit, qui sont sanctionnés, au moins, ils font la manchette et ça éveille un peu la conscience des gens », affirme Charles Bernard.

Sans ordre, c’est le désordre

Aujourd'hui, tout le monde peut se déclarer ostéopathe, reconnaît Louise Cantin, directrice d’Ostéopathie Québec, le plus important regroupement d’ostéopathes de la province. « Vous pouvez faire une formation en ligne de deux heures et vous pourrez porter le titre d'ostéopathe. Tant qu'il n’y aura pas d'ordre professionnel, n'importe qui peut utiliser ce titre-là », dit-elle.

La facture a enquêté sur l’un d’entre eux, Pierre Coallier. Non seulement il a été condamné à 23 500 $ d’amende pour exercice illégal de la médecine, mais il figure aussi sur la liste des charlatans du Collège des médecins depuis l’an dernier.

Pierre Coallier a fondé une école, l’Institut d’enseignement ostéopathique du Québec.

« Je trouve ça épouvantable. Épouvantable! Et c’est désolant pour le travail qu'on fait, désolant aussi pour la population, désolant pour les patients qui subissent des préjudices-là », s’exclame le président du Collège des médecins.

Un fouillis

Les 1700 ostéopathes que l’on dénombre au Québec sont formés dans l’une ou l’autre des neuf écoles privées de la province. Ils sont regroupés dans l’une ou l’autre des sept associations professionnelles. Avec ses 1300 membres, Ostéopathie Québec est la plus importante.

La conséquence de ce désordre, c’est qu’en l’absence d’ordre professionnel, même un ostéopathe reconnu incompétent par son association professionnelle pourrait continuer à exercer.

C'est malheureux, déplore Louise Cantin. « Parce que nous ne sommes pas un ordre professionnel, si nous décidons de le radier, chose que nous avons déjà faite dans le passé, cette personne-là peut possiblement se retourner vers une autre association d'ostéopathes [et y être admis] », dit-elle.

« Ça, c’est l'état actuel des faits. Tant que l'ostéopathie ne sera pas réglementée », ajoute Mme Cantin.

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