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Des enfants réfugiés syriens privés de travailleuses sociales à Montréal

Des enfants réfugiés syriens privés de travailleuses sociales
Hands raised in classroom
FangXiaNuo via Getty Images
Hands raised in classroom

La moitié des travailleuses sociales auprès des jeunes sont absentes et ne sont pas remplacées au CSSS Bordeaux-Cartierville Saint-Laurent. Ce territoire a pourtant de grands besoins puisqu'il accueille une des principales concentrations de réfugiés syriens au Québec. Des dizaines de dossiers de familles québécoises se retrouvent aussi au point mort.

Un texte de Thomas Gerbet

Il n'y a plus aucune travailleuse sociale en poste à l'école secondaire Saint-Laurent qui accueille 2000 élèves dont de nombreux réfugiés. À la rentrée de septembre, elles étaient deux. Mais après leur départ en congé prolongé, elles n'ont pas été remplacées.

« Les écoles nous appellent, tous les partenaires appellent, parce qu’il n’y a pas de service. », raconte l'intervenante sociale Lydia Tremblay, représentante syndicale de l'APTS au sein des équipes de travailleuses sociales du Centre de santé et de services sociaux Bordeaux-Cartierville Saint-Laurent.

Des familles en attente d'un rendez-vous avec un travailleur social depuis des semaines, voire des mois, se disent en colère contre le système et « les filles sont visées directement par les insatisfactions », dénonce-t-elle.

«On nous dit qu’on ne remplace pas, parce qu’il n’y a pas d’argent pour le faire.» - Lydia Tremblay, intervenante sociale au CSSS Bordeaux-Cartierville Saint-Laurent, représentante locale du syndicat APTS

État des effectifs de travailleuses sociales, psychologues et psychoéducatrices auprès des jeunes du CSSS

  • Équipe Santé mentale jeunes : entre 5 et 7 absentes sur un total de 8 (la direction et le syndicat ne s'entendent pas sur le chiffre)
  • Équipe Crise Ado Famille Enfance (CAFE) : 2 absentes sur 4
  • Équipe scolaire : 3 absentes sur 7

Grands besoins de travailleurs sociaux pour les réfugiés syriens

L'arrivée d'élèves réfugiés syriens dans les écoles du territoire desservi par le CIUSSS du Nord-de-l'Île de Montréal a ajouté des centaines de dossiers psychosociaux à traiter. Beaucoup de ces familles ont vécu des traumatismes importants dans leur pays d'origine et sur la route de l'exil (agressions, abus, décès violents de proches, etc.). « Ils arrivent ici avec des troubles majeurs, dépression, anxiété... », raconte l'intervenante Lydia Tremblay.

Les réfugiés syriens ont aussi besoin des travailleurs sociaux pour être accompagnés dans leur intégration, pour comprendre le système, tout ça dans une langue qui n'est pas la leur. Difficile d'offrir cette aide qui demande du temps quand il manque la moitié des ressources humaines.

«Les filles sont brisées.» - Lydia Tremblay, intervenante sociale au CSSS Bordeaux-Cartierville Saint-Laurent, représentante locale du syndicat APTS

Les équipes de travailleuses sociales sont décimées. Ces derniers temps, il y a presque un départ chaque semaine. Surtout des congés de maladie pour épuisement professionnel, affirme le syndicat. Cette semaine, il y a aussi eu une démission.

« Il n’y a pas de remplacement, donc la surcharge de travail est de plus en plus forte. On met de la pression sur les intervenantes pour qu’elles gèrent les urgences (crises suicidaires, problèmes de santé mentale graves), mais pendant ce temps, d'autres situations se détériorent. », poursuit la représentante syndicale qui a contacté Radio-Canada pour dénoncer cette situation.

« Nous sommes conscients des enjeux et de la problématique liée à cette situation exceptionnelle et nous comptons combler les besoins dans les meilleurs délais. », répond le CIUSSS du Nord-de-l'Île de Montréal. Mais pourquoi a-t-il fallu attendre une crise pour réagir?, se demandent les intervenantes auprès des jeunes.

La réforme Barrette en cause?

Selon la représentante syndicale de l'APTS, la réforme du ministre de la Santé a eu des effets néfastes qui sont à la source de l'épuisement des travailleuses sociales. « Auparavant, les familles avaient généralement une seule référente, mais comme les équipes ont été éclatées, il arrive que des familles en aient plusieurs, et soient ballottées d’un service à l’autre », raconte Lydia Tremblay.

«La réorganisation du ministre Barrette a créé des sortes de maisons des fous qui reposent sur des volcans en ébullition.» - Lydia Tremblay, intervenante sociale au CSSS Bordeaux-Cartierville Saint-Laurent, représentante locale du syndicat APTS

Selon la direction nationale de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, ces problèmes ne sont pas exclusifs à ce CIUSSS et les non-remplacements causent de la pression ailleurs dans le réseau.

Le CIUSSS promet d'agir

« Les services à la population sont maintenus », a dans un premier temps communiqué la direction du CIUSSS du Nord-de-l'île de Montréal. Elle a aussi nié toute surcharge de travail pour les travailleuses sociales qui ont perdu la moitié de leurs collègues.

En entrevue à Radio-Canada, la directrice des services intégrés de première ligne du CIUSSS, Mathilda Abi-Antoun, a toutefois fini par reconnaître qu'« il peut y avoir des délais un peu plus longs (dans le traitement des dossiers) » et qu'« il peut y avoir, de façon circonstancielle, une augmentation de la charge de travail ».

«On a l’intention de combler ces absences très rapidement.» - Mathilda Abi-Antoun, directrice des services intégrés de première ligne du CIUSSS

Pourquoi ne pas avoir effectué les remplacements plus tôt cet automne, quand la situation a été décriée par les professionnelles sur le terrain? « Ce sont des postes très spécialisés, qui demandent des compétences majeures. On ne peut pas trouver quelqu’un qui remplace en une ou deux semaines », répond Mathilda Abi-Antoun.

Le CIUSSS a affiché une première offre d'emploi le 17 novembre, soit plusieurs semaines après que le problème eut été soulevé par les intervenantes. Selon l’équipe en place, les choses ont commencé à bouger au moment où Radio-Canada s’est mise à investiguer. Le CIUSSS réfute cette interprétation.

De son côté, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys ne veut pas s'inquiéter, pour le moment. « La situation est récente », dit sa porte-parole Gina Guillemette. Elle compte sur les autres professionnels présents à l'école pour pallier le manque. Il n'a pas été possible de joindre la direction de l'école secondaire Saint-Laurent, malgré nos appels répétés.

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