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Ce que Jérémy Gabriel a dit à «Tout le monde en parle»

Répondant avec beaucoup d’assurance, Jérémy en a soufflé plusieurs, si on se fie aux réactions sur les réseaux sociaux.

Jérémy Gabriel est allé faire le point, à Tout le monde en parle, dimanche, sur le litige l’opposant à Mike Ward et l’intention, confirmée la semaine dernière, de ce dernier, d’aller en appel pour avoir gain de cause.

Répondant aux questions de Guy A.Lepage et aux interventions de Dany Turcotte avec beaucoup d’assurance, Jérémy en a soufflé plusieurs, si on se fie aux réactions sur les réseaux sociaux, par sa maturité et son éloquence. Le jeune homme s’est même permis quelques pointes d’autodérision.

«Comment briser l’image du petit Jérémy avec un verre de vin, c’est la meilleure affaire», a-t-il notamment blagué. «Je suis capable de rire de moi, avec ce que je suis», a tenu à préciser Jérémy.

«La liberté d’expression, c’est bon aussi pour Jérémy», lui a écrit Dany Turcotte sur la carte remise à la fin de l’entretien.

José Bové

«Tout le monde en parle» - 16 octobre 2016

Voici ce que Jérémy Gabriel a dit, dimanche, à propos de…

La requête en appel de Mike Ward

«De façon objective, il faut voir que c’est un débat qui a attiré l’attention, qui a été extrêmement important pour amener des balises dans notre société. Moi, je pense que c’est quand même une bonne affaire que ça soit rendu en appel, parce que ça va approfondir l’opinion des gens à ce sujet-là.»

L’argument voulant que de mettre lui-même de l’avant son handicap le prédispose aux critiques

«C’est mitigé. Son but à lui (l’avocat de Mike Ward, Julius Grey), c’est de banaliser les propos en tant que tel, les propos de Mike Ward. Par contre, on ne peut pas parler juste d’une critique, quand on regarde un spectacle comme ça, où on utilise mon handicap comme une façon de m’isoler. Que je sois une personnalité publique ou non, c’est une façon de l’utiliser pour rire de moi. Et on utilise en plus cet argument-là pour me discriminer, me rabaisser au rang de : «Tu devrais mourir, j’essaie de te tuer en te noyant dans une piscine…» Il faudrait voir ça comme une blague. Je trouve que c’est de banaliser énormément les propos, c’est banaliser l’impact psychologique que ça peut avoir. On ne peut pas parler juste d’une critique quand il y a une tribune où des centaines de milliers de personnes regardent ça. Pour moi, c’est irresponsable.»

La possibilité que cette affaire se rende jusqu’en Cour suprême

«Te sens-tu prêt toi aussi?», a interrogé Guy A.Lepage.

«Parfaitement», a répliqué Jérémy.

L’éventualité d’un règlement hors-cour

«Si ç’avait pu se régler hors-cour, c’aurait tellement été plus facile. Pour moi et ma famille, l’option de la poursuite, qui était engagée par la commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ce n’était pas la première option. Parce que c’est eux qui l’ont enclenchée. Nous, c’est sûr qu’au départ, c’était préférable qu’il y ait un dialogue.»

Ce qu’il aurait aimé dire à Mike Ward

«Au palais de justice, je l’ai vu (Mike Ward), mais je ne lui ai pas parlé, non. Si j’avais pu avoir cette opportunité, oui, vraiment (NDLR : il aurait aimé pouvoir parler à Mike Ward). Moi je lui aurais expliqué ce qui s’est passé à partir du moment… À partir du moment où je l’ai entendu pour la première fois, que j’ai regardé ça, et que moi j’étais à terre de voir qu’il pouvait utiliser mon handicap pour dire que je n’avais pas plus de valeur qu’une autre personne… Il fait une blague, il me noie, il veut que je meure, je ne suis pas encore mort, et c’est donc bien pas juste, et moi, mon but, c’est qu’il faut que je crève, et c’est ça ma destinée…

À 13 ans, je n’avais rien pour me défendre. Si j’avais pu lui expliquer le sentiment de détresse que tu vis… Moi, je n’avais pas la maturité de comprendre ça. Moi, ma vie était belle, j’avais des ambitions, j’avais des buts, et j’avais été élevé par une famille qui m’a montré pendant des années à accepter le handicap. Ma mère m’a répété combien de fois : «Jérémy, tu es beau, Jérémy, tu es intelligent, comprends ça, peu importe ce que les gens vont dire, tu as une force en toi et garde-là». Ça, c’est un cadeau que ma mère m’a fait quand elle m’a élevé. Chanter pour le pape, oui, ça attire l’attention, et oui, ça attire la critique. De la critique, il y en a eu. Sauf qu’aller aussi loin et aussi profond dans des insultes, et après ça, le mettre sous le prétexte de l’humour, et après me dire qu’il faut que je le digère, c’est ça qui était inacceptable et qui ne marchait pas.»

Les retombées positives que cette saga a pu lui amener

«Est-ce qu’il y a eu des retombées positives? C’est une bonne question. C’est sûr que oui. J’ai eu une attention. Est-ce que c’est vraiment positif? Je ne sais pas. Parce que j’ai eu un flot de haine sur les réseaux sociaux, à la télévision, un peu partout. C’est difficile à vivre. L’année qui a suivi la première audience du procès a été quand même difficile.»

Les réseaux sociaux

«Moi, je suis connecté depuis que j’ai 14, 15 ans. C’est indispensable pour un jeune de ma génération d’avoir Facebook, d’avoir Twitter. J’en ai lu, vous n’avez même pas idée à quel point j’ai vu des affaires, j’ai lu des choses qui m’ont mis à terre… C’est sûr que tout le monde autour de moi disait : «Jérémy, prends pas le temps de lire ça, tu as d’autre chose à faire». Moi, il a fallu que je fasse : «Bon, bien, je me déconnecte, j’arrête de regarder ça». Je n’ai pas à donner de valeur à ça. Par contre, c’est sûr qu’il y a eu des impacts négatifs suite à ça, c’est certain, et c’est à assumer aujourd’hui.»

Les blagues sur lui faites par d’autres humoristes (RBO, Peter Macleod, Infoman…)

«Il y a plusieurs humoristes, c’est vrai, moi je les ai vus, le paquet de beaux sketchs qu’il y a eu à mon sujet dans les années 2000, sur le petit Jérémy - j’aime ça le différencier de ce que je suis aujourd’hui, parce que c’est un personnage différent. C’est différent, parce qu’il n’y a pas eu d’acharnement, et il n’y a pas eu de motif discriminatoire visé sur mon handicap, sur mon implant, qui amenait à rire du fait que je meurs, à descendre la dignité minimale qu’on a… C’est ça la grosse différence entre Mike Ward et les autres humoristes.»

Son premier extrait I don’t care, écouté plus de 460 000 fois en moins d’une semaine sur YouTube

«Je suis né complètement sourd. Par contre, malgré la surdité, j’ai découvert la musique, j’ai découvert le chant. Quand j’ai réussi à expliquer ça à ma mère, à lui dire : «Maman, moi ce que je veux faire, c’est chanter…» Petit, à 2, 3 ans, j’étais capable de me coller sur les gros haut-parleurs de mes parents et écouter les grosses tunes des années 90 qui jouaient à cette époque-là, d’écouter ça, d’être passionné, de rester des heures là, de développer ce goût-là pour la musique, de vouloir chanter… C’est devenu ma passion, c’est devenu une façon de m’exprimer. De vouloir surpasser la vision que les gens avaient de moi. Les gens me dévisageaient pareil, de toute ma vie, (il y avait) des regards…

Je me suis dit : «Tant qu’à attirer l’attention des gens, ça va être pour des bonnes raisons». J’aurais pu décider de faire autre chose, mais moi je voulais chanter. C’est niaiseux, c’est plate pour le monde qui trouve que ça n’a pas rapport, parce que c’est vrai qu’un sourd, ça ne chante pas (rires) (…) Un sourd n’apprend pas à parler, n’a pas les ressources pour se développer. Moi, je les ai développées. J’ai eu cette chance d’avoir plein de gens extraordinaires comme, d’abord, mes parents, tous les intervenants qui ont travaillé avec moi, depuis que j’ai 2, 3 ans, jusqu’à l’âge de 12, 13 ans, c’est ça qui fait en sorte que je surpasse le handicap, et que je suis capable d’être dans le monde, en public, et de faire : «Moi, je suis bien dans ma peau».

Et non seulement ça me tente de me surpasser, mais ça me tente de dire à Jos Bine qui est devant sa TV : «Moi, je suis né en ne sachant pas parler, avec plein de problèmes, avec un handicap, j’aurais pu m’apitoyer sur mon sort, j’aurais des raisons de m’apitoyer sur mon sort». Mais je ne voulais pas donner raison à ça.»

Le fait de chanter en anglais

«Je n’ai pas écrit les textes, c’est les frères Perruno, qui ont écrit les textes, qui ont écrit et produit I don’t care, et toutes celles (les chansons) qui vont suivre pour le EP, qui va arriver après les Fêtes. C’est venu d’un désir d’atteindre le plus de gens possible. Je vise une carrière internationale, mais c’est petit à petit. Les médias rapportent que le petit Jérémy vise une carrière internationale, et le monde aime bien rire de moi avec ça. Et ils ont bien raison, c’est vrai, ils peuvent rire autant qu’ils veulent. C’est vrai que c’a pu paraître farfelu quand on regarde ça. Mais c’est petit à petit. Moi, mon but, c’est d’arriver à atteindre une notoriété, ici, au Québec, avec la musique, avec la chanson. Après ça, au Canada. Après ça, si ça peut aller ailleurs, c’est ce que je souhaite, c’est à ça que j’aspire.»

«Ce que je dis dans la chanson, c’est "I don’t care what they think about me", je m’en fous de ce qu’ils pensent de moi, ce qu’ils vont dire. Ça s’adresse aux gens qui m’ont dit, depuis que je suis tout petit, que je n’aurais pas de vie, que je n’aurais pas de carrière, que je n’atteindrais pas mes buts. Moi, je dis I don’t care, je vais passer au travers».

Les humoristes qui ont pris sa défense

«Je dois les remercier. C’est important d’être reconnaissant des gens qui utilisent leur tribune pour, justement, remettre les pendules à l’heure. Plusieurs artistes vont être d’accord avec ce que je dis : aujourd’hui, on ne fait plus juste face à la critique, on fait face à un flot de haine, et c’en est déstabilisant. Je dois remercier ces gens-là, qui prennent leur temps d’antenne pour me défendre, et qui ne le font pas juste pour moi, qui le font pour plusieurs personnes qui se retrouvent à l’avant-plan. Non seulement ce n’est pas seulement une question de critique, on fait face à de la haine, et on devient impuissant par rapport à ça. Et il faut que ça change.»

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