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Le robot nourricier: une installation interactive qui met l'homme face à son rapport à l'alimentation (VIDÉO)

Le robot nourricier: l'homme face à son rapport à l'alimentation (VIDÉO)

Un robot, un homme. Sur la table, neuf cuillères. Alors que la personne s’approche, le robot identifie son visage. Il veut le nourrir. Il attrape l’une des cuillères et la met dans la bouche de l’homme, redevenu l’espace d’un instant un nourrisson, ou bien un vieillard. Car quand on y pense, rares sont les moments où l’on se fait nourrir. Le spectateur acceptera-t-il d’ingérer de la nourriture sans savoir de quoi il s’agit ? Est-il prêt à se faire nourrir par une machine ? Lui fait-il confiance ?

« Orchestrer la perte / Perpetual demotion » est une installation robotique créée par l’artiste en arts numériques Simon Laroche et le doctorant et chercheur en gastronomie David Szanto, au Musée d’art contemporain de Montréal en 2014. Dans son volet Hedonistika, l’exposition Physical/ité présentait des oeuvres qui mêlent et confrontent l’alimentation, la technologie et l’art. À cette occasion, l’artiste et le chercheur conçoivent cette machine nourricière étrange, où les préparations qu’ingèrent les spectateurs sont toutes autant importantes que la façon dont ils les ingèrent.

On ne questionne plus l’acte de se nourrir, cet événement quotidien et extrêmement banal. Pourtant, il résulte d’un geste intime, et peu de personnes sont chargées de nous nourrir. Pour développer ce robot-là, Simon a d’abord imaginé certaines de ses caractéristiques, comme sa taille et ses matériaux. « La première étape était d’anticiper cette relation robot-spectacteur. Le robot devait être plus grand, pour qu’il se penche vers lui. Je voulais que l’homme soit comme assujetti. Ça le met dans une posture inhabituelle, inconfortable, où il subit l’expérience », précise l’artiste.

Après différents tests et en continuant des recherches, Simon s’intéresse aux robots qui nourrissent les animaux dans les fermes, et décide d’adapter un modèle trouvé dans l’industrie de l’alimentation. Il penche pour un fini très lisse et chromé, volontairement impersonnel, en cachant le maximum d’indices mécaniques comme les vis ou les boulons. « Le robot est en miroir chromé pour être le plus anonyme possible, il renvoie essentiellement l’image déformée de l’humain. L’un des spectateurs disait d’ailleurs après l’expérience, que de s’être fait nourrir par la machine, et en se voyant déformé dans le reflet, lui avait donné l’impression d’être devenu vieux, d’être en perte de contrôle », raconte-t-il.

Pour la préparation, David Szanto a réfléchi au contexte de chaque exposition, et incorpore dans la pâte des ingrédients culturels propres à chaque pays, et même à chaque lieu d’exposition. Questionnant l’industrie alimentaire, l’une des préparations représentait par exemple un combat entre la nourriture industrielle et la nourriture naturelle. Pour l’occasion, deux types de fermentation étaient mélangées, un fromage chimique et un fromage italien biologique. L’expérience consistait à observer quelle fermentation allait prendre dessus sur l’autre.

Mais est-ce bon ? « Pas vraiment, remarque Simon, certaines pâtes étaient même particulièrement désagréables. Ça fait partie des intentions de l’expérience. Un robot ne doit pas être nécessairement utile ou forcément bénéfique », précise-t-il.

Le goût est un sens invasif, intime et essentiellement subjectif. Des personnes détestaient le goût d’une pâte, alors que d’autres le trouvaient bon et épicé.

Sans être sur le mode de la dénonciation, l’expérience encourage les gens à se questionner sur eux-même, sur l’instrumentalisation et l’abandon de méfiance face à une machine pourtant froide et à la forme inhumaine.

« Il suffisait qu’une personne fasse l’expérience pour que toutes les autres s’empressent de la faire. Il ne faut pas plus à l’homme que de voir un autre homme le faire pour qu’il perde tout son instinct de méfiance », indique l’artiste.

En travaillant avec des robots, Simon investigue sur la facilité avec laquelle on projette des attitudes humaines à des machines automatisées. Et l’illusion est là. Alors que le robot cherche son chemin jusqu’à la bouche de la personne, on croirait à une forme de timidité, voire de tendresse. Il ne s’agit pourtant que d’impulsions électriques savamment orchestrées. « Le mouvement est primordial. Un geste brusque d’une machine inspire beaucoup de violence, alors qu’un mouvement délicat appelle d’autres émotions. Ce rapport permet d’enquêter sur la part machinique dans l’humain, et l’intention humaine qu’on prête à tort aux machines », signale Simon.

Source: Numa.media

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