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Agression d'un touriste sikh à Québec: loin d'être un cas isolé

EXCLUSIF - Agression d'un touriste sikh à Québec: loin d'être un cas isolé

QUÉBEC – La scène disgracieuse de l’agression d’un touriste torontois de confession sikhe survenue à Québec en mars dernier n’était pas un événement isolé.

Supninder Singh Khehra a été tabassé par trois hommes dans la Vieille-Capitale durant le congé pascal. Ses agresseurs ont pointé le turban de l’homme de confession sikh à plusieurs reprises avant de s’en prendre à lui, comme on peut le voir dans une vidéo diffusée par le réseau CTV.

Voyez ci-dessous la vidéo en question.

Selon des données obtenues en vertu de la Loi d’accès à l’information, Québec arrive en tête de liste des villes où on retrouve le plus de crimes haineux dans la province, malgré une nette amélioration de son bilan. Au moment d’écrire ces lignes toutefois, le SPVM n’avait toujours pas fourni de données similaires pour la ville de Montréal.

En 2013, le Service de police de Québec (SPVQ) répertoriait 60 crimes haineux dans la Vieille-Capitale, contre 50 l’année suivante et 18 en 2015. En date du 1er avril, on répertoriait déjà 13 cas cette année.

Les Noirs, les Arabes / musulmans et les gais sont les victimes les plus nombreuses d’actes haineux. Pour ces groupes, l’arrondissement Cité-Limoilou est particulièrement dangereux.

En comparaison, la ville de Laval, avec une population qui compte 100 000 habitants de moins, rapportait uniquement cinq crimes haineux en 2013, sept en 2014 et dix en 2015. On répertorie toutefois 17 cas en date du 1er avril 2016.

La Ville de Longueuil n’a fourni les informations que pour les deux dernières années, soit 10 en 2014 et 11 en 2015.

Les chiffres n'ont pas été dévoilés pour Montréal. Cependant, le maire Denis Coderre et le directeur du SPVM Philippe Pichet ont annoncé mercredi la création du Module incidents et crimes haineux qui sera chargé «de répertorier et d'analyser les incidents et les crimes à caractère haineux sur son territoire».

Nouvelle comptabilité

Malheureusement, la diminution de crimes haineux rapportés à Québec ne signifie pas nécessairement une baisse d’incidents. «C’est relié à la méthode administrative qui est utilisée pour catégoriser ces événements-là, explique la porte-parole du SPVQ, Marie-Ève Painchaud. Les règles de ce qui est un crime haineux se sont précisées.»

«Les chiffres pour 2015 et 2016 sont bien décortiqués. Pour 2013, il peut y avoir eu une autre méthode [de comptabilité], c’est possible», ajoute-t-elle.

La porte-parole souligne également qu’un événement ponctuel a pu faire grimper en flèche le nombre de crimes haineux en 2013-2014.

Cet événement pourrait être le débat sur la Charte des valeurs, croit le coprésident de l'Association des musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec (AMAL-Québec). Il affirme que le nombre d’incidents rapportés à son association a connu une hausse importante durant cette période.

«Le débat a été très électrique au Québec, il est possible qu’il y ait eu plus de crimes haineux autour de ces moments-là», dit Haroun Bouazzi.

Un problème sous-estimé?

De façon plus générale, il affirme que les corps de police du Québec sous-estiment le nombre d’incidents qui se produisent chaque année. «Les services de sécurité au niveau des villes ne prennent pas au sérieux la situation et, au contraire, continuent à ne pas avoir une politique claire pour qu’on ait une réelle idée du phénomène», dit Haroun Bouazzi.

Il rappelle que le SPVQ a affirmé que les hommes qui ont tabassé le touriste torontois de confession sikh «ne ciblaient pas une communauté religieuse spécifiquement», malgré les références faites à son turban sur la vidéo. D’ailleurs, aucune agression contre un sikh n’est répertoriée dans la réponse à notre demande d’accès, qui couvre pourtant la période de l’incident.

La véritable raison de l’agression serait un accrochage survenu un peu plus tôt entre le touriste et un de ses agresseurs quelques minutes auparavant. Mais, pour Haroun Bouazzi, il est «évident que c’est un crime haineux».

Le coprésident d’AMAL-Québec estime qu’un travail de sensibilisation doit être fait auprès des policiers, mais aussi auprès des communautés susceptibles d’être victimes de crimes haineux afin que les incidents soient rapportés. «Souvent, les gens qui portent plainte ne savent pas qu’ils sont obligés de spécifier [qu’il s’agit d’un crime haineux] pour que ce soit pris en compte», dit-il.

Quant à la situation dans la Vieille-Capitale, Haroun Bouazzi croit que le climat d’intolérance y est exacerbé par les radios de droite et le maire Régis Labeaume.

«Il y a une double conjoncture, estime-t-il. D’un côté, il y a les radio-poubelles où des prédicateurs de la haine n’arrêtent pas d’expliquer que les minorités en question sont un danger. Mais il y a aussi des gens qui sont garants d’une certaine morale publique, dont des leaders politiques comme le maire de Québec actuellement, qui s’est permis d’avoir des jugements de valeur sur les femmes en burkini, comme quoi ça n’a pas sa place dans les piscines municipales, et qui a eu un certain nombre de réflexions désobligeantes par rapport aux réfugiés syriens.»

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Pur hybride entre la bande dessinée et la street culture, Eldiablo (papa de la série Lascars) a été un un graffiti-artist de la première heure, membre d'un des collectifs les plus prolifiques et imaginatifs dans les années 80 et 90 (PCP-Petits Cons de Peintres) . Reconverti depuis dans l'écriture et la réalisation, il n'a jamais tout à fait lâché ni la bombe ni les pinceaux. Eldiablo est l’auteur de nombreuses BD dont Monkey Bizness, Un homme de goût, Rua Viva... Il raconte aussi en dessins depuis cette années ses péripéties de Français immigré à Montréal à travers la bande dessinée Wesh Caribou, dans la revue Fluide Glacial. Consultez ses oeuvres sur le web de même que sur Tumbr iciet ici.

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