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«Unité Modèle» au Théâtre d'Aujourd'hui: Sortir du moule

«Unité Modèle»: Sortir du moule
Valérie Remise

On en connaît tous un. Un être plus passionné par le grain de votre comptoir que par votre conversation. Un proche qui vous pique une jasette interminable sur l'année de la bouteille qu'il vous sert au souper. Une personne pour qui un osso buco est un plat simple, qu'on fait à la va-vite. Bienvenue dans Unité Modèle, une pièce de Guillaume Corbeil qui démonte les apparences du petit monde parfait les unes après les autres. Retour.

C'est au son d'une musique techno endiablée qu'on nous a invités à entrer au Théâtre d'Aujourd'hui. Sur scène, une unité modèle brille au gré de l'éclairage qui suit le rythme de la musique. Dans la salle, des chanceux sont invités à siroter un verre de champagne en attendant la présentation de Diorama. Dio-ra-quoi? Une compagnie qui se fait un point d'honneur de vous prouver qu'elle a l'unité pour vous, pour tous les moments de votre vie.

Du célibat sain et sympathique aux premiers émois amoureux, du couple passionné à la famille aimante, de la retraite à la mort... Diorama a pensé à tout. Dans la peau de deux vendeurs sans scrupule, Patrice Robitaille et Anne-Élisabeth Bossé sont hilarants. Dynamiques, allumés, intenses, ils veulent faire découvrir à l'assistance tout le bonheur qui les attend dans un logement construit par Diorama. Si bien qu'entre clins d'œil, tentatives cocasses de persuasion (« Ah allez, on leur fait profiter de notre promotion VIP? C'est tellement un bon public! ») et sourires complices, les personnages se lancent dans la mise en scène grotesque d'une vie de couple « parfaite » entre remarques sur le confort de l'unité, les multiples choix de matériaux pour le plancher ou la disposition possible de la porte d'entrée.

Plus que des unités, c'est du rêve qu'ils vendent. Avec beaucoup de justesse, Corbeil arrive à souligner ce drôle de discours ambiant : aujourd'hui, il fait bon de parler simplicité en buvant un verre d'une bouteille à 500 dollars, de danser jusqu'au petit matin sur notre table en bois de grange en se « foutant du matériel » — pour mieux l’huiler pendant 2 heures le lendemain à l'abri des regards —, de porter un pyjama « simple et sans prétention » d'un designer réputé dont on va échapper le nom devant ses invités, comme ça, sans y penser. Vivre dans le moule en clamant son originalité.

Dans l'unité modèle, on voit le vernis s'écailler, les tons s'assombrir, la vérité jouer du coude à coups de malaises et de regards lourds de sens. Le vrai couple sortir de son propre cadre pour exploser devant nos yeux. Lorsque la femme éclate en sanglots, le point de non-retour est atteint. Quand l'homme tentera de toutes ses forces de la ramener dans le moule, dans l'unité, elle résistera de toutes ses forces. Anne-Élisabeth Bossé, qu'on connaît mieux pour les éclats de rire qu'elle provoque que pour ses grands rôles dramatiques, semblait malheureusement un brin à côté de ses souliers lorsqu'elle a atteint ce moment clé de la pièce. Dommage, puisque l'interprétation était irréprochable jusque là.

Unité Modèle, à voir? Ne serait-ce que pour la plume fine de Guillaume Corbeil, la critique sociale hyper efficace, la belle complicité des acteurs et la mise en scène très bien menée de Sylvain Bélanger, la réponse est oui. Sans hésiter.

Unité Modèle, du 12 avril au 7 mai 2016 au Théâtre d'Aujourd'hui. Pour plus de détails, c'est ici.

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