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Au cœur de l'industrie pétrolière mondiale, la machine à corrompre d'Unaoil

Au cœur de l'industrie pétrolière, une machine à corrompre monégasque
Hundreds of various colored safety lights illuminate rising vapor trails at a large oil refinery complex near Los Angeles at night.
halbergman via Getty Images
Hundreds of various colored safety lights illuminate rising vapor trails at a large oil refinery complex near Los Angeles at night.

Par Nick McKenzie, Richard Baker, Michael Bachelard et Daniel Quinlan

On ne trouve aucune trace d’Unaoil dans les classements des plus grands groupes mondiaux. Mais depuis presque vingt ans, cette entreprise familiale monégasque se serait livrée à une corruption systématique du secteur pétrolier à l’échelle mondiale, distribuant des millions de dollars en dessous de table pour le compte de mastodontes comme Samsung, Rolls Royce, Halliburton, le constructeur français Technip ou la branche offshore du groupe australien Leighton Holdings.

La divulgation d’un grand nombre de courriers électroniques et de documents vient aujourd’hui confirmer les soupçons qui pesaient sur le secteur pétrolier, et met à nu les activités du grand argentier de l’économie mondiale, adepte de l’achat de dirigeants et du truquage de contrats dans le monde entier.

La divulgation d’une grande masse de documents confidentiels lève pour la première fois le voile sur l’étendue réelle de la corruption dans le secteur pétrolier, et met en cause des dizaines de groupes, de hauts fonctionnaires et d’hommes politiques de premier plan au sein d’un réseau planétaire et sophistiqué de malversations et de versements de pots de vin.

Six mois d'enquête, des milliards de dollars de contrats publics

Après six mois d’une enquête qui s’est étendue sur deux continents, Fairfax Media et The Huffington Post révèlent que des milliards de dollars de contrats publics ont été attribués directement à la suite de pots de vin versés pour le compte de très grandes entreprises comme le géant américain Halliburton ou les poids-lourds coréens Samsung et Hyundai.

Au centre de cette enquête, Unaoil, une société monégasque dirigée par le très mondain clan Ahsani. Après une prise de contact grâce à une annonce immobilière codée publiée dans le Figaro, une série de rencontres clandestines et d’appels nocturnes ont permis aux journalistes d’obtenir communication de centaines de milliers d’emails et de documents appartenant aux Ahsani.

Ce véritable trésor révèle leur proximité avec les membres des familles royales, leur participation à des réceptions luxueuses et la manière dont ils tournent en ridicule les agences anti-corruption ou supervisent un réseau secret d’intercesseurs et d’intermédiaires dans les pays producteurs de pétrole.

La corruption alimente les inégalités déjà marquées à l’échelle mondiale, et fait partie des facteurs déclencheurs des printemps arabes. Fairfax Media et The Huffington Post sont en mesure de révéler comment Unaoil a découpé le marché pétrolier moyen-oriental au bénéfice de groupes occidentaux entre 2002 et 2012.

Dans le deuxième volet de ce reportage, les journalistes s'intéressent aux anciennes républiques soviétiques aujourd’hui affaiblies, pour dévoiler la portée réelle des pratiques de groupes internationaux comme Halliburton. Et l'enquête se termine en trois parties en montrant comment ces mêmes pratiques corruptrices se sont élargies à l’Asie et à l’Afrique.

Au rang des personnages corrompus révélés par ces fichiers, on peut compter deux ministres irakiens du pétrole, un intermédiaire lié au dictateur syrien Bashar el-Assad, de hauts responsables du régime libyen de Kadhafi, des figures du secteur pétrolier iranien, des hauts fonctionnaires des Emirats arabes unis ainsi qu’un opérateur koweïtien désigné par un surnom, "the big cheese" [le gros fromage].

Le français Technip, Rolls Royce, Samsung ou Siemens impliqués

Les entreprises occidentales impliquées dans les opérations d’Unaoil au Moyen-Orient font partie des plus prospères et des plus respectées à l’échelle internationale: Rolls Royce, Petrofac, ABB et Elliot au Royaume-Uni; les groupes américains FMC Technologies, Cameron et Weatherford; les géants italiens Eni et Saipem; les sociétés allemandes MAN Turbo et Siemens; le hollandais SBM; et le conglomérat indien Larsen & Toubro. Les documents montrent également que la branche offshore du groupe australien Leighton Holdings s’est compromise.

Les fichiers dont les journalistes ont eu connaissance montrent que certains employés de ces entreprises pensaient recruter un authentique lobbyiste, tandis que d’autres, conscients ou soupçonnant qu’ils finançaient une action de corruption, ont tout bonnement fermé les yeux.

Mais d’autres encore en savaient beaucoup plus. Les journalistes ont constaté qu'une poignée de dirigeants ont non seulement donné leur approbation à cette corruption, mais ont eux-mêmes empoché des rétro-commissions ou donné leur accord pour masquer des dessous de table dans des contrats frauduleux en Irak; un directeur a même négocié le versement mensuel d’un pot de vin en échange d’informations sur les pratiques internes de son entreprise.

Nombre des personnes ainsi démasquées continuent à exercer en toute impunité. Les documents exposent la trahison dont sont victimes les populations du Moyen-Orient. Après le renversement de Saddam Hussein, les Etats-Unis avaient affirmé que les bénéfices du pétrole irakien reviendraient au peuple irakien. La première partie de l'enquête "Fabrique de la corruption mondiale" vient aujourd’hui battre en brèche cette promesse.

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