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Marc Cassivi réplique aux chevaliers de l'apocalypse linguistique (ENTREVUE)

Marc Cassivi réplique aux chevaliers de l'apocalypse linguistique (ENTREVUE)
Alain Roberge

Réponse aux critiques du chiac de Lisa Leblanc, des rimes franglaises des Dead Obies et du joual privilégié par Xavier Dolan dans Mommy. Réplique aux dérapages de certains grands défenseurs de la langue française et autres promoteurs de l’identité québécoise. Incursion dans le parcours de vie d’un immigrant italien de septième génération, né en Gaspésie et ayant grandi dans un territoire montréalais à majorité anglophone. Mauvaise langue est un essai à la fois cinglant et plein d’humanité qui invite les lecteurs à poser un regard nouveau sur le fait français et son auteur, Marc Cassivi.

Bien qu’il dise réfléchir à la situation de sa langue maternelle et à l’identité depuis 30 ans, le chroniqueur de La Presse a hésité quand on lui a proposé d’écrire sur le sujet. « Comme je ne suis pas un linguiste ni un sociologue, je me demandais ce que je pouvais apporter de pertinent comme point de vue. Puis, en repensant à mon expérience personnelle, j’ai eu un flash : je pouvais aborder le sujet avec un angle partiellement biographique. »

Qu’il soit question de sa gardienne anglophone, de Sesame Street, de son éducation dans l’ouest de l’île ou de ses amours platoniques dans la langue de Shakespeare, l’auteur explique pourquoi son esprit s’est ouvert très tôt à nos compatriotes anglophones.

Bien qu’il soit lui-même attentif à la présence du français, il tient un discours à des années-lumière de ceux qu’il surnomme les « chevaliers de l’Apocalypse linguistique », les « monomaniaques du français et de la patrie », les « thuriféraires du nationalisme ethnique » et le « Cercle québécois des réactionnaires. »

« Mon livre est un réquisitoire contre les gens qui essaient de nous faire croire à une insurrection contre le français, comme si on était au bord du gouffre et que l’anglais avait envahi Montréal. C’est un discours que j’entends beaucoup, et pas seulement de la part des baby-boomers. Des chroniqueurs comme Mathieu Bock-Côté, Christian Rioux et bien d’autres s’expriment en ce sens. Je sais que ça va faire réagir. Mais s’ils ont envie de répondre, ils peuvent écrire un livre eux aussi et apporter d’autres pierres à l’édifice. »

D’une manière ou d’une autre, sa thématique ne peut faire autrement que d’attiser les passions. « La langue est quelque chose de viscéral pour nous. C’est un sujet qui peut mettre le feu. Évidemment, le français est fragile au Québec et il faut faire respecter la Charte de la langue française. Mais en relatant mon parcours dans un milieu anglophone, j’avais envie de dédramatiser et d’inviter les gens à s’ouvrir au reste du monde. »

Et n’allez surtout pas lui dire qu’il n’aime pas le Québec, parce qu’il ose pointer du doigt les excès de ses compatriotes. « C’est paradoxal, car plusieurs personnes ne croient pas que je suis indépendantiste. Moi, je veux briser la conception du nationalisme identitaire blanc, franco et catholique qu’on perçoit énormément dans le “nous”, qui a été très incarné dans la Charte des valeurs du PQ. J’en ai beaucoup contre ça. Selon moi, on peut être souverainiste et avoir envie d’une plus grande ouverture. »

En s’affichant si clairement souverainiste, le journaliste s’attaque également au vieux cliché voulant que tous les employés de La Presse soient des fédéralistes purs et durs. « Je crois que cela témoigne de la pluralité d’esprit de mon employeur de laisser un chroniqueur s’exprimer ainsi. Je veux briser le mythe voulant que les équipes de Radio-Canada et de La Presse sont forcément libérales et dans le camp du “non” ».

À ceux qui restent persuadés de son non-amour pour le Québec, il se plaît à rappeler la riposte qu’il avait lancée à l’écrivain et politicien français Maurice Druon, qui avait livré une salve de lieux communs sur l’accent et la culture des Québécois en 2006.

« Dans mon rapport à la France, j’ai le réflexe très québécois de me demander s’ils nous méprisent ou s’ils se moquent de nous. C’est un réflexe de minoritaires dont je suis très conscient. Lors des nombreux séjours que j’ai réalisés en France, j’ai souvent été confronté aux commentaires sur l’accent et le Québec. J’aime profondément le Québec, mais malheureusement, certaines personnes vont toujours rester bornées et croire le contraire. »

En contrepoids à ceux qui l’accusent de tous les maux, Cassivi peut se réconforter avec les jeunes générations qui mettent fin, selon lui, au fameux complexe face à l’anglais. « Dans le livre, je parle entre autres du parcours de Xavier Dolan pour illustrer mon propos, car il est un des exemples de cette génération qui peut travailler en français ou en anglais, à l’étranger ou ici, tout en ayant un sentiment d’appartenance très fort au Québec. »

« Je crois que Xavier est souverainiste, mais il n’a pas peur de livrer un discours en anglais et de bien le parler. À l’inverse, quand j’étais jeune adulte, j’ai dû masquer mon accent, car je parlais trop bien anglais au goût de certains. Tout comme Rebecca Makonnen et Anne-Marie Withenshaw se font constamment reprocher de trop bien parler anglais… »

Ironiquement, parmi ces jeunes générations décomplexées se trouvent ses deux garçons, qui sont pour l’instant unilingues francophones. « À la maison, on essaie de les mettre en contact avec l’anglais. Pourtant, le plus vieux est très réfractaire à l’idée. Il n’aime pas ses cours d’anglais, il n’a jamais accroché sur la télé en anglais et il n’est pas à l’aise à se rendre dans un camp d’anglais. J’espère que ça ne deviendra pas un problème. Mais comme on vit dans le Mile-End, un quartier très bilingue, les garçons n’auront probablement pas le choix de s’ouvrir à l’anglais. »

Le livre « Mauvaise langue » est présentement en librairies.

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