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Mon premier hiver au Québec : des immigrés racontent

Mon premier hiver au Québec : des immigrés racontent

Grosse tempête de neige, nuits infinies, températures glaciales… Qu’il fasse rêver ou qu’il fasse peur, l’hiver québécois est un vrai mythe à l’étranger. Des immigrés venus de pays plus chauds nous ont parlé de la saison des neiges.

Régine, Haïti

Ma vision de l’hiver québécois avant de vivre ici? La même que la plupart de mes amis en Haïti: qu’il fait froid tout le temps. Qu’on doit porter des pulls à col roulé et que c’est la déprime totale, surtout en fin de semaine - car je pensais que tout le monde restait chez soi à cause du froid. J’imaginais les rues vides, les rares promeneurs étant pressés de rentrer chez eux. Je n’avais aucun intérêt ou aucune forme d’enthousiasme par rapport à l’hiver; c’est l’une des raisons qui a fait retarder mon arrivée ici…

Dès qu’il a commencé à faire froid, je me suis dépêchée d'acheter plein de vêtements très chauds. J’ai surtout pris des chandails de laine à col roulé - j’étouffais à l’intérieur des maisons -, et de gros manteaux rembourrés sans aucune élégance, pensant que plus ils étaient gros plus ils étaient chauds; en réalité j’étais frigorifiée à l’extérieur. Le plus étonnant pour moi a été de voir que les gens continuaient à sortir malgré la température, et n’annulaient pas d’activités à cause de la neige. La deuxième chose, c’est l’habillement: j’avais fait cadeau de toutes mes robes et sandales avant de partir, et j’ai dû m’acheter des vêtements appropriés pour les fêtes de fin d’année - parce que personne ne portait de col roulé mais bien des petites robes comme chez moi!

Un peu plus de trois mois après mon arrivée à Montréal, en novembre, il a commencé à neiger un peu. Au réveil, j’ai vu qu’il y avait selon mes standards une très grosse quantité de neige au sol, mais surtout que la neige continuait à tomber fortement. Je me suis dit que les écoles et bureaux seraient fermés; dans ma tête de fille de la Caraïbe, j’ai pensé que cela se passait comme chez nous lorsqu’il y a de très fortes pluies et donc très peu d’activité. J’ai informé mes filles qu’il n’y avait pas classe. Je n’avais pas besoin d’allumer la télé pour confirmer; rien qu’à regarder par la fenêtre, c’était évident! Et je suis retournée au lit… Mon bureau m’a appelée vers 10h:

-Allô Régine! Ça va? Est-ce que tu es malade?

-Non, pourquoi?

-Parce que tu n’es pas au bureau…

-… au bureau? Je ne comprends pas… Oh, il y a travail?

-Mais oui, pourquoi?

-J’ai vu toute cette neige dehors, donc j’ai pensé... Laisse tomber, c’est beau je m’en viens.

Pour moi c’était - et ça l’est encore, je l’avoue - une aberration totale de prendre les rues dans de pareilles conditions. J’ai quand même décidé que mes filles de 14 ans et 10 ans resteraient à la maison, car je craignais pour leur sécurité. Je travaillais au centre-ville à 15 minutes de chez moi et ça m’a pris plus d’une heure pour arriver! Au bureau, j’ai été étonnée de voir que tout le monde était à son poste comme si de rien n’était, alors que selon moi la situation méritait le même état d’urgence que lorsqu’il y a un cyclone dans les Caraïbes…

Angela, Australie

Je suis venue au Québec pour la première fois en vacances en décembre, quand j’étais au secondaire, et je me souviens qu’il faisait très froid et que les journées étaient courtes. Je n’étais pas assez habillée pour la température, mes orteils étaient gelés... Quand je suis revenue à Montréal pour étudier, je m’attendais à un hiver très froid, sombre et enneigé. Et je me suis dit que la seule façon de bien le vivre était de l’accepter et d’en profiter. Ce qui me faisait le plus peur: glisser sur du verglas et me blesser, au corps ou à la dignité! On s’était fait dire, moi et les autres étudiants australiens, de ne pas marcher les mains dans les poches: il fallait avoir les mains libres pour se rattraper en cas de chute.

Malgré tout, j’étais terriblement excitée à l’idée de voir l’hiver! Dès les premiers flocons, je suis sortie prendre des photos, folle de joie. Pour moi la neige est associée au bonheur. Les skieurs australiens ont toujours peur qu’il n’y ait pas assez de neige, alors qu’au Québec on craint qu’il y en ait trop! J’ai adoré pouvoir essayer d’autres sports d’hiver, comme le patinage en extérieur, le ski de fond sur le Mont-Royal ou le traîneau à chiens. Je me suis bien préparée à la venue du froid: j’ai profité des ventes étudiantes de seconde main et je me suis acheté un gros manteau et de vraies bottes d’hiver. Mes vêtements d’Australie n’auraient pas fait l’affaire… J’ai aussi suivi des cours de patinage à l’automne pour pouvoir profiter des patinoires extérieures en hiver sans trop avoir l’air stupide - ou australienne!

Chez moi à Sydney, tout le monde était étonné que j’aie non seulement survécu, mais aussi adoré l’hiver! On me demandait des choses du genre: combien de degrés au-dessous de zéro fait-il aujourd’hui? Dois-tu porter plus d’une paire de pantalons? Quand es-tu sortie dehors pour la dernière fois? Est-ce un VRAI sapin de Noël dans ton salon? Vas-tu à l’université en ski?

Ce qui m’a le plus surprise dans l’hiver québécois: voir à quel point les nuits sont lumineuses! La neige renvoie les lumières de la ville et donne aux rues un doux éclat... À quel point j’ai eu chaud: les vêtements d’hiver canadiens sont très bien adaptés, et les intérieurs sont de vrais fours avec le chauffage. À quel point je me sentais petite en marchant dans les rues - ça doit être à cause du patinage! À quel point la neige est sale: j’ai été déçue de me rendre compte qu’elle ne reste d’un blanc pur que les premiers jours. À quel point l’hiver dure et à quel point le manque de lumière affectait mon humeur: fin février, mon enthousiasme pour tout ce blanc avait bien diminué. Et à quel point les filles persistent à sortir à moitié vêtues pour aller clubber sur Saint-Laurent! Mesdemoiselles, aucun homme ne vaut la peine d’attraper des engelures ou de tomber en hypothermie...

Mais je ne suis pas un modèle! Le 26 janvier, fête nationale de l’Australie, un ami et moi avons eu la meilleure et la plus stupide idée possible pour marquer l’occasion. Chez nous, les célébrations de la fête nationale se font souvent sur la plage, pour profiter du soleil et la brise rafraîchissante de l’océan. Nous avons donc décidé pour la tradition de recréer cette ambiance et nous avons pris des photos en costumes de bain... dans la neige. Il faisait -25°C, et -38°C en température ressentie!

Djaffar, Algérie

Bien que je sois natif d’une région montagneuse, mon premier hiver au Québec a été particulièrement mémorable. Mais je me suis décidé à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Rien de tel que d'avoir les nerfs solides et le moral au beau fixe avec ces six mois de neige et de froid! De ma Kabylie lointaine, j’avais ouï dire que les hivers du Québec étaient rudes, pénibles et surtout longs. J’ai très tôt adapté mes habitudes vestimentaires en conséquence; le manteau léger et perméable que j’avais ramené du pays était désormais bon à porter en automne, et encore...

Je croyais tout ce qu’on nous disait outre-Atlantique, notamment le fait que les Québécois vivent la plupart du temps sous terre durant les longs mois d’hiver. Je ne voulais surtout pas me cloîtrer dans une espèce d’igloo en attendant que l’hiver prenne congé! Je suis venu avec ma tendre moitié, que j’aurais suivie jusqu’à bout du monde, et ce ne sont pas quelques mois à grelotter qui m’auraient fait changer d’avis. Mais ma curiosité était à son paroxysme: que vais-je faire durant cette saison? Vais-je malgré tout m’y adapter?

La seule précaution importante que j’ai cru bon de prendre a été d’arriver au Québec un 31 août, alors que la chaleur était encore bien présente, pour vivre la fin de l’été et surtout voir comment débutait le fameux hiver dont on nous avait tant parlé. Nous avons l’habitude en Algérie d’hiberner pendant l’hiver: l’activité est au ralenti, les écoles ferment à la moindre petite neige et les gens deviennent subitement introuvables. Au Québec, c’est tout le contraire. Nous avons vu notre voisin plus souvent en hiver qu’en été! Les gens s’amusent autant, si ce n'est plus, durant cette période froide. Jeux extérieurs, balade en traîneau, cabane à sucre… Je n’aurais jamais soupçonné faire autant d’activités à des températures aussi basses.

Durant mes premiers mois d’hiver, lorsque les températures descendaient allègrement en bas des -15°C, j’étais sûr que les transports en commun allaient nous bouder. Un jour, j'ai appelé mon responsable pour lui dire qu’on annonçait 15cm de neige pour le lendemain et que j’allais probablement arriver en retard. J’ai parlé trop vite: le lendemain, le beau manteau blanc avait certes pris ses quartiers, mais ni le bus ni le métro n’avaient connu de chamboulement. Je venais de comprendre que, qu’il vente ou qu’il neige, l’hiver était plus une source d’amusement que de tracas...

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