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Les coulisses d'un buzz mondial parti d'une «simple blague»

Les coulisses d'un buzz mondial parti d'une «simple blague»
François Dourlen

Le 25 avril 2013, la rédaction du HuffPost découvre sur Facebook les drôles de photos d’un prof d’histoire-géo de Cherbourg, en France. Avec son iPhone, un certain François Dourlen revisite le quotidien, superpose une image sur son smartphone à la réalité et s’amuse de tout et n’importe quoi.

L’idée est sympathique et les clichés suscitent un tel engouement sur les réseaux sociaux que nous décidons d’y consacrer un article et d’interviewer ce photographe amateur.

Notre article paraît le jour même et depuis, François Dourlen n’a pas arrêté de faire parler de lui. Aujourd’hui, le Cherbourgeois est toujours professeur mais il travaille aussi pour Sony, Disney ou Netflix à travers le monde. Il fait les gros titres de la presse chez les Américains et passe même dans leurs émissions de télévision. Pourtant, François Dourlen considère que tout ça n’est qu’une vaste plaisanterie et a souhaité nous raconter les coulisses d’un buzz qui le fait beaucoup rire et dure depuis trois ans bientôt.

Un buzz mondial

“Dans la semaine qui a suivi la parution de l’article, mon téléphone a beaucoup sonné, se souvient le professeur. M6 dès l’après-midi pour un reportage. Apple aussi! Pour une intervention à l’Apple Store du Louvre. Des blogs ont également repris l’info. La ville de Cherbourg m’a passé des commandes et je continue aujourd’hui encore de faire des photos pour ma ville.”

“Le buzz est parti, les photos se sont retrouvées jusqu’en Russie”, nous a confié François Dourlen d’abord impressionné par l'emballement médiatique.

Mais ce trentenaire porte aujourd'hui un regard beaucoup plus critique sur “le buzz” et ses rouages.

Toujours le même mécanisme

“On reparle régulièrement de mes photos, j’ai donc compris que le buzz est cyclique, analyse-t-il. D’abord il y a ce que j’appelle des “robots journalistes” qui font un nouvel article, sans me contacter, pour des blogs ou des sites spécialisés. Ils ont déjà parlé de mes photos il y a quelques mois, mais ils s’en fichent. Ça relance le buzz sur les réseaux sociaux. Ensuite, des rédactions plus traditionnelles me contactent pour de nouveaux articles qui ont plus de visibilité. Ca peut être pour des magazines, la télévision ou la radio. Et enfin, les propositions commerciales arrivent!”

Ça, François Dourlen ne le cache pas. Depuis avril 2013, ses photos lui ont permis de décrocher de nombreux contrats juteux.

Des contrats juteux à la clé

“Cette année c’est devenu fou, en mars j’ai eu un article dans Time Magazine puis un autre dans Hollywood Reporter, se souvient-il avec fierté."

"Suite à ça, Netflix m’a appelé et je suis allé les rencontrer à Los Angeles en mai! J’ai fait un tour d’Europe pour eux, avec un téléphone plein de visuels de leurs séries et 8 photos à faire dans chaque ville. En cinq semaines j’ai fait Paris, Berlin, Londres, Lisbonne, Madrid et Milan. Puis il y a eu Marvel qui appartient à Disney…”

Si des géants comme Disney veulent se payer François Dourlen, c'est pour ça.

À Londres pour promouvoir Avengers

À Paris pour la série "Orange is the New Black" de Netflix

Des photos vues par des millions de personnes sans qu’elles ne réalisent qu’il s’agit de publicités sur les réseaux sociaux (et surtout sur Instagram où François Dourlen avoisine le million d'abonnés). Et il y a une astuce pour ça…

Des photos volontairement "mal faites"

“Pour Netflix, j’étais un peu impressionné alors je suis arrivé avec un bel appareil photo, mais ils m’ont dit qu’ils préféraient quand c’est fait à l’arrache, comme ce que l’on voit tous les jours sur le Web en fait”, s’étonne encore le photographe amateur.

“Je ne suis pas du tout professionnel, mais ils veulent que mes photos soient volontairement “mal faites”, quand c’est trop soigné les gens ne peuvent pas se dire qu’ils auraient pu le faire eux-mêmes, ça perd de sa valeur”, reconnaît François Dourlen.

Des photos “mal faites” qui rapportent. “On peut gagner plusieurs années de salaire en quelques semaines”, avoue-t-il sans s’autoriser à parler du montant des cachets. “C’est très tabou en France, je ne veux pas paraître prétentieux.”

Un prof qui n’a pas changé de train de vie

D’ailleurs, François Dourlen est toujours prof à Cherbourg. “Je fais toujours ça sur mes week-ends ou pendant mes vacances. Je pourrais largement vivre de mes photos mais je ne suis pas photographe, ça n’est pas mon travail et je préfère rester indépendant, ne pas courir après les contrats et devoir tout accepter.”

Le Cherbourgeois n’a pas changé grand chose à sa vie. “Je voyage plus mais c’est pour le travail et loin d’être des vacances, remarque-t-il. Je mets de l’argent sur un compte pour ma fille, j’ai changé de voiture sans faire de crédit, j’achète du meilleur vin quand je suis invité à dîner chez des amis, j’ai un bel appareil photo, mais c’est tout”, conclut ce personnage qui a parfois l’air de prendre tout cela avec beaucoup de nonchalance.

“Tout ceci est une énorme blague”

Quand François Dourlen parle de ses photos, il faut avouer qu’il est son plus mauvais agent. N’attendez pas de lui un discours bien rodé sur sa démarche artistique ou sur la puissance des réseaux sociaux. Pour lui, tout ceci est une “blague” voire une “imposture”.

“Je le dis: tout ceci est une énorme blague. Je me suis fait connaître pour une blague et j’ai envie de voir jusqu’où ça va aller. Je suis fasciné par les coulisses de mon propre buzz. Voir qui influence qui et les dimensions que ça peut prendre. Mais je ne me prends pas du tout au sérieux, je suis une telle imposture que j’ai du mal à parler de tout ça.”

D’ailleurs, le Français que les marques s’arranchent avoue rendre fou les Américains avec qui il est amené à travailler. “Je fais tout ça par dessus l'épaule, je fais halluciner les gens par mon manque de sérieux parfois”, confesse celui qui se permet de rendre des photos avec trois semaines de retard à Playstation (Sony) et refuse d’assister à la Keynote d’Apple à San Francisco car il a cours le mercredi.

Pourtant, tout cela est loin de lui déplaire. François Dourlen accepte volontiers les interviews et les contrats pour peu que ça le fasse “marrer”.

“Je dis oui à des trucs absurdes parfois mais tant qu’il y a un challenge et que ça me fait plaisir…Là je viens d’accepter de faire la promo d’un soda américain au Mexique par exemple”, hallucine-t-il.

Jusqu’où ira la plaisanterie

Le photographe amateur sent toutefois que la plaisanterie a assez duré et pense qu’il ne tardera pas à publier sa dernière photo.

“J'ai déjà la dernière image car j’avais imaginé tout ça comme une série. En 2013, j’allais la publier mais le buzz a commencé alors je me suis dit que j’allais attendre un peu… Mais ça fait trois ans que ça dure!”

“Tant qu’on me propose des choses intéressantes, je continue. Je veux vraiment aller jusqu’au bout de cette blague”.

Qui sait, peut être verra-t-on un jour ce Cherbourgeois publier une photo volontairement moche depuis la station spatiale internationale, un smartphone à bout de bras.

» Découvrez la série de photos de François Dourlen dans le diaporama ci-dessous:

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La "Réalité revisitée" de François Dourlen

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