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Montréal : le déversement d'eaux usées terminé, les rejets de polluants continuent

Montréal : le déversement d'eaux usées terminé, les rejets de polluants continuent

Le déversement d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent est terminé, mais la Ville continue d'y rejeter des tonnes de polluants, particulièrement de l'ammoniaque. La station d'épuration des eaux usées n'est en effet pas conçue pour éliminer toutes les substances.

Un reportage de Bahador Zabihiyan

Radio-Canada a analysé l'Inventaire national des rejets de polluants, une base de données d'Environnement Canada. Chaque installation qui pollue un cours d'eau doit soumettre l'information à l'organisme fédéral sur une base annuelle.

La Ville de Montréal, par l'entremise de sa station d'épuration des eaux usées Jean-R. Marcotte, est l'entité qui déverse la plus grande quantité d'ammoniaque, de phosphore, de zinc, de manganèse, de plomb, de cadmium, de cuivre, de chrome, d'arsenic, de mercure et de cobalt dans les cours d'eau du Québec.

De tels rejets sont autorisés et les niveaux sont encadrés. « Les niveaux de rejets sont ajustés à l'évaluation de la capacité du milieu récepteur [les cours d'eau, NDLR] », explique Michèle Prévost, professeure à l'École polytechnique de Montréal.

Depuis 2005, Montréal a rejeté 47 millions de kilos d'ammoniaque dans le fleuve, 80 % proviennent de l'urine et des matières fécales, 20 % des rejets industriels, commerciaux et institutionnels.

« Si vous regardez les cartes des grands points de rejets toxiques dans le monde, Montréal y apparaît à cause de l'ammoniaque », dit Mme Prévost.

L'ozonation n'enlèvera pas l'ammoniaque

Et la quantité d'ammoniaque rejetée dans le fleuve a régulièrement augmenté en 10 ans et elle n'est pas près de baisser. L'ozonation des eaux usées, une technique qui doit commencer à être utilisée en 2018, n'enlèvera pas l'ammoniaque, un produit qui nécessite un traitement biologique pour être éliminé.

L'ammoniaque, qui provient de l'urine, n'est généralement pas toxique pour l'homme lorsqu'elle est diluée dans les eaux du Saint-Laurent, dit Benoit Barbeau, professeur à l'École polytechnique de Montréal. Mais « c'est vraiment un problème de toxicité dans les milieux aquatiques », prévient-il, ajoutant que « c'est un des grands problèmes auxquels il va falloir s'attaquer dans le futur ».

Les rejets d'ammoniaque sont un problème plus important que le rejet de milliards de litres d'eaux usées effectuées par la Ville ce mois-ci, selon M. Barbeau.

« Dans le sens où le déversement d'eaux usées, c'est un évènement ponctuel qui va durer une semaine. L'ammoniaque est déchargée en continu 365 jours par année. »

— Benoit Barbeau, professeur à l'École polytechnique de Montréal

En 2018, la station d'épuration des eaux usées de Montréal sera dotée d'une unité d'ozonation. L'ozonation doit permettre de réduire d'environ 95 % la quantité de bactéries dans les eaux et de diminuer les virus et autres contaminants provenant notamment des industries pharmacologique et cosmétique.

La Ville a décidé que la solution de l'ozonation était celle qui convenait le mieux. Mais il aurait fallu un procédé biologique pour éliminer en plus l'ammoniaque, ce qui aurait généré des coûts plus importants.

Mme Prévost a soutenu le choix de l'ozonation, mais elle se dit surprise que la Ville ne se soit pas davantage penchée sur la question de l'ammoniaque. « Ils vont rester avec ce gros point d'ammoniaque, ce qui est accepté par les ministères concernés, à ma surprise, en disant qu'avec la dilution, les niveaux d'ammoniaque sont acceptables », dit Mme Prévost.

La Ville dit respecter les normes

La Ville de Montréal indique que les rejets d'« azote ammoniacal » par la station municipale respectent toutes les normes fédérales et provinciales. Depuis 2014, la Ville doit aussi mesurer la présence d'ammoniaque pour s'assurer que les rejets ne sont pas toxiques pour « la truite arc-en-ciel et la daphnie [un petit crustacé, NDLR] ». « Les résultats des essais de toxicité aiguë effectués sur l'effluent de la station d'épuration montrent que l'effluent est non létal [aucune toxicité aiguë] », indique Philippe Sabourin, relationniste de la Ville de Montréal.

Phosphore, mercure, plomb

Montréal a aussi rejeté 3,7 millions de tonnes de phosphore depuis 2005. Ce polluant provient des matières fécales et de l'agriculture. « Les valeurs sont stables parce que le traitement en place à la Ville de Montréal pour réduire la matière organique est aussi réglementé pour le phosphore, donc la Ville a des seuils à ne pas dépasser », dit Sébastien Sauvé, professeur en chimie de l'environnement à l'Université de Montréal.

Depuis 2005, la station d'épuration de Montréal a aussi rejeté des tonnes de métaux lourds dans le fleuve Saint-Laurent : 10 000 kg de plomb, 518 kg de mercure ou encore 3000 kg d'arsenic.

« Ce sont des composés qu'on ne voudrait pas là et qui proviennent, dans bien des cas, de sources industrielles et commerciales. Le commun des mortels à la maison rejette peu ou pas de plomb ou de cadmium. »

— Sauvé Sébastien Sauvé, professeur en chimie de l'environnement à l'Université de Montréal

Michèle Prévost, professeure à Polytechnique, indique toutefois qu'il faudrait savoir si les métaux lourds rejetés par la station municipale proviennent des rejets à l'égout des industries ou s'ils étaient déjà présents à l'état naturel dans l'eau.

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