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Zunera Ishaq s'étonne que son niqab devienne un enjeu électoral

Zunera Ishaq s'étonne que son niqab devienne un enjeu électoral
CP

La Pakistanaise d'origine Zunera Ishaq est devenue un personnage central de la campagne électorale, bien malgré elle. Jamais, dit la jeune femme, elle n'aurait pensé que sa cause monopoliserait l'espace public.

Arrivée au Canada en 2008, elle se bat depuis deux ans pour prêter serment à visage couvert, malgré l'interdiction du gouvernement.

« C'est tellement étrange pour moi que mon voile soit devenu un tel enjeu électoral, parce que ça n'a rien à voir. Il n'y a pas d'enjeu. C'est seulement un choix personnel, ma vie, de pouvoir vivre ma foi ici », a-t-elle raconté dans une entrevue de 20 minutes à la radio de CBC.

Pour écouter l'entrevue de Zunera Ishaq à CBC (en anglais), cliquez ici.

Elle se dit « blessée » par les déclarations contre le niqab du gouvernement conservateur, qui, selon elle, a comme seul but de faire des gains politiques. Stephen Harper a notamment affirmé que le niqab était le produit d'une culture « anti-femmes ».

« C'est très décevant d'entendre ça du chef du gouvernement. C'est ce genre de déclaration qui engendre du négativisme contre un petit groupe de Canadiens qui sont très pacifiques, ouverts et loyaux à ce pays. C'est ce genre de déclaration qui sépare les gens en deux groupes. C'est injuste. »

Le regard des autres

Elle dit d'ailleurs constater que le regard des autres a changé depuis que l'enjeu du niqab a fait irruption dans la campagne, il y a quelques semaines. Elle raconte que certains lui disent : « retourne dans ton pays ».

« Les gens me regardent, leur physique me dit qu'il y a quelque chose qui cloche. Avant que ça devienne un enjeu, je ne sentais pas ça. La haine et le négativisme ont été engendrés par le gouvernement qui a amené cet enjeu sur la place publique. » — Zunera Ishaq

Pour elle, les véritables enjeux électoraux ne manquent pourtant pas. « Il y a tellement de choses dont on devrait s'occuper : les pertes d'emplois, la crise des réfugiés et bien plus encore », croit celle qui étudie pour enseigner en Ontario.

Depuis l'âge de 15 ans

Zunera Ishaq porte le niqab depuis l'âge de 15 ans. À l'époque, son père était inconfortable avec l'idée. Sa mère et ses soeurs ont tenté de la décourager. « Mais j'ai senti que c'était mon devoir religieux », explique-t-elle.

« Je veux qu'on comprenne que c'est mon choix, que je suis à l'aise avec ça, que je ne suis pas opprimée du tout et que je me sens beaucoup mieux, libre et confortable, en poursuivant cette démarche. » — Zunera Ishaq

C'est pourquoi elle se bat depuis 2013 pour pouvoir prêter serment à visage couvert. La Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale lui ont donné raison, non sur le fond, mais sur la directive ministérielle visant à interdire aux femmes de prêter serment en étant voilées. Le gouvernement demande maintenant l'avis de la Cour suprême du Canada.

En attendant, Zunera Ishaq espère pouvoir prêter serment avant le scrutin du 19 octobre. Elle attend toujours une invitation de Citoyenneté et Immigration Canada.

Mme Ishaq précise qu'elle accepterait de se dévoiler pour s'identifier - ce qu'elle a déjà fait par le passé - mais qu'elle ne comprend pas pourquoi elle devrait montrer son visage à plusieurs personnes lors de la prestation du serment de citoyenneté.

Un sujet central de la campagne électorale

La question du niqab a fait une irruption fracassante dans la campagne électorale, éclipsant les autres enjeux pendant trois semaines.

Le Parti conservateur s'est engagé, s'il était réélu, à déposer dans les 100 jours un projet de loi pour forcer la prestation du serment de citoyenneté à visage découvert. Plus récemment, Stephen Harper a affirmé qu'il pourrait aussi interdire à ses fonctionnaires de porter le niqab, marchant ainsi dans les traces du Québec, qui doit bientôt adopter une loi sur les services publics à visage découvert. C'est ce que demande le Bloc québécois.

Le chef libéral, Justin Trudeau, pour qui l'enjeu constitue une question de protection des droits des minorités, a accusé les deux formations de pratiquer une « politique de peur et de division ».

Mis dans l'embarras, le chef néo-démocrate, Thomas Mulcair, qui ne s'oppose pas au niqab si la femme qui le porte accepte de s'identifier à visage découvert avant la cérémonie, comme le stipule la réglementation actuelle, a dû défendre sa position. Accusant les conservateurs d'hypocrisie dans ce dossier, il a affirmé qu'ils s'en servaient comme « arme de distraction massive ».

Des sondages montrent qu'une majorité de Canadiens et une très grande majorité de Québécois s'opposent à la prestation du serment de citoyenneté le visage voilé.

Depuis 2011, seules deux femmes ont refusé de se dévoiler pour obtenir leur citoyenneté.

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