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Que se passera-t-il si la majorité échappe aux conservateurs?

Que se passera-t-il si la majorité échappe aux conservateurs?
CP

Il est temps de parler de ce qui arrivera au lendemain du 19 octobre.

La 42e élection générale fédérale risque en effet de donner lieu à une situation pour le moins complexe. Selon les plus récents sondages, le Parti conservateur est le mieux placé pour rafler le plus grand nombre de sièges, mais la majorité lui semble hors d’atteinte.

Sachant que Thomas Mulcair et Justin Trudeau ont tous deux indiqué qu’ils n’appuieront pas un éventuel gouvernement Harper, l’on est en droit de se poser des questions. Des questions qui demeurent pour l’instant sans réponse.

Le Parti conservateur effectue une remontée dans les sondages, principalement en Ontario où il a repris le premier rang, mais aussi en Colombie-Britannique dans une moindre mesure.

Le NPD perd du terrain lentement mais sûrement dans toutes les provinces, y compris au Québec et surtout en Ontario, où il se classe maintenant troisième. La « course à trois » de la mi-août est bel et bien terminée. L’horizon est plutôt sombre pour les néo-démocrates, même s’ils ont de bonnes chances de conserver la plupart de leurs sièges au Québec, avec un Bloc québécois ne recueillant au maximum que 20 % des intentions de vote.

La probabilité de voir Thomas Mulcair devenir premier ministre diminue de jour en jour. Le chef du NPD a fait meilleure figure au débat télévisé francophone que dans les deux débats de langue anglaise; or rien n’indique qu’il pourra en tirer profit, puisque Gilles Duceppe a très bien performé lui aussi.

Le Parti libéral semble maintenant plafonner après avoir progressé tout au long de la campagne. Justin Trudeau ne peut en aucun cas remporter l’élection sans l’Ontario, province où Stephen Harper a pris les devants. Les sondages de circonscription menés dans cette province ne sont guère plus favorables aux libéraux, et à moins que la méthodologie d’Environics ne soit en cause, M. Trudeau a toutes les raisons de s’inquiéter.

L’analyse des résultats de l’élection précédente ainsi que des plus récents sondages nationaux et de circonscription nous a permis de faire les prédictions suivantes. Le vainqueur de chacune des 338 circonscriptions a été déterminé en tenant compte des variations régionales et de la popularité du candidat sortant. L’intervalle de confiance et la probabilité qu’un parti remporte le plus grand nombre de sièges ont été obtenus à partir de 5000 simulations reflétant l’incertitude des sondages, la répartition inégale du vote et la nature de notre système électoral. Tous les scénarios possibles ont été envisagés.

Nous voyons que les troupes de Stephen Harper sont bien placées pour rafler le plus grand nombre de sièges. Or, le scénario le plus optimiste leur accorde 156 sièges, soit 13 de moins qu’il n’en faut pour former un gouvernement majoritaire.

Le plus récent sondage d’Ekos accorde une avance considérable aux conservateurs – si considérable qu’elle pourrait leur valoir 169 sièges. Or, Ekos est la seule firme à dresser ce constat. D’autres sondeurs vont même jusqu’à placer les conservateurs au troisième rang.

Alors, laissons de côté la volatilité des sondages, et demandons-nous ce qu’il adviendra en cas de gouvernement conservateur minoritaire.

Stephen Harper est déjà familier avec ce genre de situation, puisqu’il a dû négocier avec les partis d’opposition après les élections de 2006 et de 2008. La nouveauté est que le Parti libéral et le NPD ont tous deux d’excellentes chances de remporter 100 sièges ou plus, tandis que le Bloc québécois risque de disparaître. Pour légiférer, M. Harper devra obtenir l’appui du Parti libéral ou du NPD – deux formations qui ont clairement rejeté cette possibilité.

En toute logique, le Parti libéral et le NPD pourraient former une coalition formelle ou informelle, et ainsi reléguer le Parti conservateur au rôle d’opposition officielle. Mais les choses ne sont pas si simples.

Justin Trudeau écarte toute possibilité de coalition et affirme que le parti obtenant le plus grand nombre de sièges aura la « première chance » de former un gouvernement. Pour sa part, Thomas Mulcair semble un peu plus ouvert à l’idée de partager le pouvoir.

La formation d’une coalition en bonne et due forme – comprenant des ministres issus des deux partis – est hautement improbable et très inhabituelle en politique canadienne. L’on peut toutefois envisager une sorte d’accord en vertu duquel le Parti libéral ou le NPD s’engagera à ne pas défaire le gouvernement durant deux ans, en échange de certaines concessions comme l’ajout de mesures particulières au budget.

Or, si un tel accord voit le jour, le gouverneur général ne va pas nécessairement confier les clés du pouvoir à Thomas Mulcair ou Justin Trudeau. La tradition veut que le premier ministre sortant se voie offrir en priorité l’opportunité de former un gouvernement. Si Stephen Harper réussit à conserver 130 sièges et obtenir une pluralité des voix exprimées, vous pouvez être certains qu’il tentera sa chance.

Un tel scénario nous mènerait au discours du Trône et à un vote de confiance que M. Harper perdrait assurément. La tradition ne prévoit aucune marche à suivre après coup, mais plusieurs scénarios sont possibles.

Stephen Harper pourrait demander au gouverneur général David Johnston la permission de déclencher une autre élection. L’obtiendrait-il? Probablement. En revanche, le gouverneur général pourrait demander aux chefs d’opposition si l’un d’entre eux souhaite former un gouvernement. Le précédent existe, mais M. Johnston exigerait probablement une alliance explicite entre le Parti libéral et le NPD.

Il se pourrait aussi que nous vivions une crise similaire à celle de 2008. La tentative de coalition entre libéraux, bloquistes et néo-démocrates s’était alors butée à la prorogation du Parlement. Nous verrions encore une fois les partis politiques débattre de Constitution tout en essayant de convaincre l’opinion publique du caractère démocratique de leur solution. Chaque parti aurait certainement de très bons arguments.

Enfin, il se pourrait que Stephen Harper attende quelques semaines ou quelques mois avant de prononcer un discours du Trône. Ce délai lui permettrait de convaincre un parti d’opposition de l’appuyer. En cas d’échec, nous devrions aller encore une fois en élection.

Si vous croyez qu’un délai ne fait aucune différence, sachez que quelques mois représentent une éternité en politique. La prorogation de 2008 en est la preuve.

Pour conclure, aucun parti n’est actuellement en mesure de former un gouvernement majoritaire ni ne l’a été depuis le début de la campagne, bien que les conservateurs bénéficient d’un nouvel élan qui les place dans une position avantageuse.

Le scénario du gouvernement minoritaire conservateur laisse présager une grande instabilité politique. Même si Stephen Harper obtient une pluralité des voix le 19 octobre, il ne formera pas nécessairement le prochain gouvernement et ne pourra probablement pas exercer le pouvoir longtemps en cas de succès.

Bryan Breguet a un baccalauréat ès sciences en économie de la politique et une maîtrise ès sciences en économie de l’Université de Montréal. Il a fondé en 2010 TooCloseToCall.ca où il fournit des analyses et projections électorales. Il a collaboré avec le National Post, Le Journal de Montréal et l’Actualité.

Stephen Harper, chef du Parti conservateur du Canada

Les chefs en campagne, élections fédérales 2015

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