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Les conservateurs empêtrés dans leur gestion de la crise des migrants (VIDÉOS)

Crise migratoire, de drame à enjeu électoral

La campagne conservatrice est en gestion de crise dans la foulée des révélations selon lesquelles le gouvernement du Canada a refusé d'accueillir des membres de la famille Kurdi quelques semaines avant que trois de ses membres ne se noient en mer Méditerranée. Dans une entrevue accordée à Reuters, le père éploré affirme en outre que le gouvernement lui a offert la citoyenneté canadienne au cours des dernières heures, après avoir appris la mort de sa femme et ses fils.

Toutes ces révélations bousculent la campagne des conservateurs. Le chef Stephen Harper vient de tenir un point de presse, que nous vous résumerons d'ici quelques minutes, après avoir annulé un événement de campagne en fin de matinée.

Le candidat conservateur dans Calgary-Sud-Est et ministre du Multiculturalisme du Canada, Jason Kenney, a lui aussi annulé l'« annonce importante sur les efforts déployés par les conservateurs pour protéger l'intégrité du système d'immigration du Canada et la sécurité nationale », qui devait avoir lieu jeudi après-midi. Aucune explication n'a été fournie.

Le ministre de l'Immigration Chris Alexander avait été le premier à réagir en début de journée, en annonçant qu'il « suspendait » sa campagne pour retourner s'occuper de ce dossier à Ottawa. « Je rencontre des responsables à la fois pour vérifier les faits dans le dossier de la famille Kurdi et pour recevoir une mise à jour sur la crise des migrants », a-t-il déclaré dans un bref communiqué, où il ne manque pas de vanter l'approche du Canada en matière d'immigration.

Arrivé à l'aéroport d'Ottawa, le ministre Alexander ne s'est cependant pas rendu immédiatement à son ministère; il est longuement demeuré dans la zone de sécurité, parlant au téléphone cellulaire et évitant du coup d'affronter les journalistes qui l'attendaient.

Mercredi soir, le ministre Alexander avait critiqué les médias pour ne pas avoir mis cette crise des migrants « en manchette, là où elle devrait être ». « Je suis intéressé de savoir pourquoi c'est le premier débat que nous ayons eu là-dessus à Power & Politics », a lancé M. Alexander à l'animatrice Rosemary Barton, qui a immédiatement répliqué qu'elle l'avait déjà interviewé à ce sujet, à titre de ministre.

La compassion, « vous en avez ou vous n'en avez pas », dit Trudeau

En point de presse jeudi matin à Brossard, le chef libéral Justin Trudeau n'a pas attendu que les journalistes lui posent des questions pour aborder le sujet. Aussitôt son annonce sur le pont Champlain faite, il s'est attaqué longuement à l'attitude du gouvernement Harper dans le dossier des migrants. Il a d'ailleurs réagi de manière lapidaire à la décision de M. Alexander de « suspendre » sa campagne pour gérer cette crise.

« On ne découvre pas soudainement la compassion pendant une campagne électorale. Vous en avez ou vous n'en avez pas. »

— Justin Trudeau, chef du Parti libéral

« Ce gouvernement a ignoré les plaidoyers des organisations non gouvernementales, des partis d'opposition et de la communauté internationale, qui croient tous que le Canada devrait en faire plus », a accusé le chef libéral, après avoir réitéré que son parti favorise l'accueil de 25 000 réfugiés syriens supplémentaires, comme il le fait depuis le printemps dernier.

« Ce qu'on a vu pendant 10 ans, sous M. Harper, c'est un gouvernement qui s'éloigne des valeurs auxquels nous tenons si [chèrement] en tant que Canadiens, Québécois : l'ouverture, le respect, l'intégrité », a poursuivi M. Trudeau. Il importe, dit-il, « de comprendre que l'immigration et l'ouverture est une façon non seulement d'aider les gens en détresse, mais de bâtir des communautés, des sociétés, une économie plus forte ».

« M. Harper est encore pris dans une idéologie qui préfère miser sur la peur de l'autre que de comprendre qu'on a bâti un pays fort en acceptant, en accueillant et en respectant l'autre. [...] Je suis désolé qu'on en soit venu à ce point-ci dans [notre] histoire. »

Mercredi, le chef conservateur Stephen Harper a affirmé que la réinstallation de réfugiés à elle seule ne pouvait résoudre le problème des migrants en Europe. Il soutenait qu'il fallait aussi attaquer le problème en fournissant de l'aide humanitaire, et en luttant contre le groupe armé État islamique. Les offensives de ce mouvement djihadiste en Syrie et en Irak ont contribué à alimenter ce phénomène, déjà bien présent en Méditerranée.

Des images « insoutenables » pour Mulcair

À Toronto, le chef néo-démocrate a tenté de demeurer au-dessus de la mêlée en soutenant qu'il serait « très facile de commencer à assigner des blâmes », mais qu'il fallait surtout agir pour alléger les souffrances de migrants. Thomas Mulcair croit que le Canada pourrait « faire plus » en accueillant 10 000 réfugiés immédiatement, tel que le lui demandent les Nations unies.

« C'est sûr que le ministre Alexander a des réponses à donner. Mais là, la question n'est plus là. La question qui se pose, c'est : "c'est quoi l'origine de cette défaillance collective internationale, et qu'est-ce que nous avons l'obligation de faire collectivement pour trouver des réponses?" »

— Thomas Mulcair, chef du Nouveau Parti démocratique

« Ça sufit de voir ces images-là. Ça suffit surtout que des familles soient si désespérées qu'ils soient rendus là, à prendre ces risques-là avec des enfants », a-t-il encore ajouté.

« Soyons généreux, soyons ouverts, comme nous l'avons été avec les boat people » provenant du Vietnam, a dit M. Mulcair. Selon lui, les photos du jeune Alan Kurdi « définissent une époque », comme la photo d'une jeune Vietnamienne gravement brûlée par du gaz napalm, tentant de fuir le long d'une route, avait marqué les esprits lors de la guerre du Vietnam. « Comme père, comme grand-père, je trouve ça insoutenable. »

Thomas Mulcair a souligné que les réfugiés qui fuient des pays en guerre, comme la Syrie et l'Irak, tombent souvent dans un « piège bureaucratique ». Quittant leur domicile sans papier, a-t-il expliqué, ils ne peuvent être considérés comme des réfugiés en vertu des règles des Nations unies, ce qui nuit à leur réinstallation dans un pays tiers.

Le Bloc québécois propose aux autres partis de faire une « trêve électorale ». « Plutôt que de jeter le blâme sur les uns ou les autres, il me semble que nous devrions tous parler d'une même voix. Il ne s'agit pas d'une question partisane ou électorale, il s'agit d'un impératif humanitaire. Ce que nous proposons, c'est que le Canada ouvre immédiatement ses portes à au moins 10 000 réfugiés. Pas en 2018, dès maintenant », a lancé dans un communiqué le candidat du parti dans Québec, Charles Mordret.

« L'intervention militaire contre l'État islamique est nécessaire, mais cela ne nous dispense pas de nous occuper de la question des réfugiés », a ajouté le chef du Bloc, Gilles Duceppe. « Il faut faire notre part sans attendre, en offrant un appui logistique et en ouvrant nos portes aux réfugiés immédiatement. C'est un devoir humanitaire. »

Stephen Harper a prévenu mercredi qu'il y avait une limite à ce que le Canada peut faire sans s'attaquer au groupe armé État islamique. « Nous avons déjà accepté de réinstaller 20 000 réfugiés irakiens et quelques milliers de réfugiés syriens et nous prévoyons en faire plus », a-t-il affirmé mercredi lorsqu'un journaliste lui a demandé si le Canada a la responsabilité morale d'en faire davantage.

« Mais, vous savez, [...] bien que nous en faisons davantage, nous ne pouvons pas perdre de vue que la réinstallation des réfugiés ne peut à elle seule résoudre ce problème, nulle part au monde », a-t-il ajouté. « Il n'y aura pas de solution aussi longtemps qu'il y a des organisations comme le soi-disant État islamique, qui crée littéralement des millions de réfugiés et menace de massacrer des gens partout dans le monde », a-t-il ajouté.