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Antoine et Marie de Jimmy Larouche: les séquelles de l'agression sexuelle (VIDÉOS/PHOTOS)

: les séquelles de l'agression sexuelle

En 2013, Jimmy Larouche nous offrait un troublant premier long-métrage, La cicatrice, qui traitait d’intimidation. Deux ans plus tard, le cinéaste rapplique avec Antoine et Marie, une œuvre tout aussi poignante et percutante, qui raconte l’histoire d’une agression liée à la drogue du viol. Mais sans la raconter minutieusement de A à Z, car Larouche ne donne aucune réponse toute cuite dans le bec aux spectateurs dans ce film peu bavard, mais qui résonnera néanmoins fort dans les cœurs et les esprits.

«Pour moi, ce film commence à la fin, a expliqué Jimmy Larouche, qui autoproduit et autofinance en entier ses projets. Il commence quand les gens partent avec, qu’ils le ramènent chez eux et qu’ils réfléchissent à ce qu’ils viennent de vivre. Mon objectif, c’est de leur faire vivre cette expérience, d’être drogué et de ne pas savoir ce qui est arrivé, mais de savoir qu’ils ont vécu quelque chose de dur. Les réponses, on les trouve chez soi, dans la réflexion qui suit.»

Le film Antoine et Marie de Jimmy larouche


Antoine et Marie, dont la première montréalaise, très courue, avait lieu au Cinéma Excentris mercredi, suivent donc les destins parallèles de Marie (Martine Francke) et Antoine (Sébastien Ricard). La première est en couple, heureuse, parfaitement saine d’esprit. Le second est taciturne, peu démonstratif envers son épouse (Isabelle Blais) et sa fille (Véronique Perron) et abonné à la pornographie. Au lendemain d’un 5 à 7 avec ses collègues, Marie se réveille sans aucun souvenir des dernières heures, mais devine à peu près ce qui s’est passé. A-t-elle été agressée? Lui a-t-on administré la drogue du viol? Que vient faire Antoine dans ce peu reluisant tableau? Cette douloureuse nuit entraînera d’importantes répercussions dans la vie de Marie. Guy Jodoin et Pierre-Luc Brillant incarnent également des protagonistes de premier plan dans Antoine et Marie.

«Moi, je suis une personne choyée, a plaidé Jimmy Larouche. J’ai reçu beaucoup d’amour, toute ma vie, de mes parents, mes amis. Il y a plein de failles dans notre société, et j’ai la chance de faire ce que j’aime le plus au monde, c’est-à-dire des films. Quand vient le temps pour moi de choisir un sujet, c’est la seule manière que j’ai de rendre, un peu, à la société, ce qu’elle m’a donné. D’essayer de faire quelque chose d’un peu bénéfique. Je trouverais ça dur de faire un film avec des robots qui se transforment!»

Coup de cœur professionnel

Il y a quelques semaines, Antoine et Marie n’avait pas encore commencé son trajet vers les salles de cinéma que, déjà, certaines critiques parlaient de Martine Francke comme de la grande révélation de l’opus. «Vous allez (re)découvrir une actrice qui n’avait pas encore obtenu de rôle à la hauteur de son talent», clamait essentiellement, avec raison, le concert d’éloges. La principale intéressée partage l’honneur avec son réalisateur.

«Ça me touche, a confié la comédienne. Ça fait quand même 20 ans que je fais ce métier, et c’est ce qui paie mon hypothèque (rires). Mais c’est certain que c’est un rôle très puissant, tellement fort, de par sa sensibilité, sa justesse, sa profondeur. J’ai eu la chance de pouvoir me déployer dans beaucoup de scènes.»

«Jimmy m’a fait confiance ; on a été loin ensemble, dans l’infiniment petit, l’infiniment intime, l’infiniment juste, profond et grave, mais tout ça, avec sobriété. Je pense que c’est ce qui est payant pour ce film. C’est un sujet grave, mais traité avec un œil sensible face à la femme et à la douleur», a continué Martine Francke.

Cette dernière était de la distribution de La cicatrice, première offrande de Larouche. Tous deux ne se connaissaient pas avant de fraterniser sur le plateau de tournage, mais une grande complicité professionnelle est née de cette rencontre.

«En tournant La cicatrice, j’avais trouvé que tout était facile, que ça allait de soi, que c’était évident. Avant même d’avoir vu La cicatrice au complet, j’avais dit à Jimmy : «Je ne sais pas comment s’annonce la suite de vie artistique et cinématographique, mais je serais vachement heureuse de poursuivre un travail gargantuesque avec toi, de faire une œuvre immense, de me plonger dans du grandiose. J’ai le feeling qu’on peut être grandioses, toi et moi!» Mais je ne savais pas si c’était réciproque de son côté», s’est remémoré l’actrice.

«Sur La cicatrice, je l’ai trouvée excellente, avec le très peu qu’elle avait à faire, a relancé Jimmy Larouche. Elle n’avait pas un grand rôle, mais Martine est cinématographique. Elle était restée dans ma tête. Quand le projet d’Antoine et Marie a commencé à germer, elle a toujours été ma Marie. Quand elle m’a lancé sa proposition, de retravailler ensemble sur un projet avec plus de viande, plus de chair, je lui ai répondu que ça tombait bien, et que Marie, c’était elle.»

«Martine est très connue, mais, au cinéma, non seulement ce n’est pas facile pour les femmes, mais si tu n’es pas la saveur du moment, c’est dur d’avoir un premier rôle. Moi, en faisant des films à 100% indépendants, je peux me permettre ça. Personne ne me dit que ça ne vendra pas assez. C’est avec elle que je voulais tourner, c’est avec elle que je tourne, et j’ai eu raison!», s’est enorgueilli le créateur.

«La chimie qui opère, artistiquement, entre lui et moi, est immense», a encore signalé Martine Franke.

Manque de solidarité

Pour se préparer adéquatement au défi qui l’attendait avec Antoine et Marie, Martine Francke a discuté avec des femmes qui ont dû composer avec la souffrance d’une agression. Ces échanges l’ont sincèrement bouleversée.

«Ces femmes qui se sont fait violer, agresser, m’ont ouvert leur intimité de douleur et m’ont donné énormément de matériel. Elles m’ont ouvert leur cœur, et ça m’a tellement aidée! J’avais besoin d’entendre ces témoignages, parce que je me sentais loin de cette réalité, que je ne vis pas. Donc, pour pouvoir interpréter finement et justement ce personnage, il fallait que je me nourrisse de témoignages. Ces femmes ont été assez généreuses pour me donner leur réalité, leur douleur.»

«C’est comme quand quelqu’un nous raconte la guerre, a illustré Martine Francke. On ne l’a pas vécue, mais, à partir de ce moment, on ne voit plus la guerre de la même façon. Quand une personne te raconte sa vie brisée après l’acte horrible du viol, tu ne vois plus le viol ; tu le comprends de l’intérieur. C’est ce qui s’est passé pour moi.»

Sébastien Ricard a lui aussi été interpellé de différentes façons par le synopsis d’Antoine et Marie.

«J’ai tout de suite aimé le scénario, a commenté l’acteur. Ça s’appelle Antoine et Marie, et ça n’annonce pas du tout ce qui se passe dans le film. Cette dimension me plaisait beaucoup ; ce n’est pas seulement une thèse contre le viol. C’est l’histoire d’une communauté, de ses ratés, de son manque de solidarité. C’est aussi l’histoire d’un homme qui souffre énormément, pour d’autres raisons que Marie, et qui n’arrive pas à communiquer certaines choses. Cette idée de deux destins parallèles, qui ne se croisent jamais, le fait qu’on ne montre jamais le viol… Tout est dans l’intériorité. Les personnages portent le drame avec eux. Et Jimmy a un immense talent pour les dialogues.»

Antoine et Marie prendra l’affiche dans les salles du Québec ce vendredi, 19 juin.

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Tapis rouge du film Antoine et Marie

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