Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Angelina Jolie subit l'ablation des ovaires et des trompes: traitement efficace pour prévenir le cancer?

Chirurgie préventive contre le cancer: est-ce vraiment utile?
Reuters

Elle a de nouveau pris tout le monde de court. Deux ans après sa double mastectomie, l'actrice Angelina Jolie a annoncé mardi 25 mars qu'elle avait eu recours à une nouvelle opération pour se prémunir du cancer. Dans les colonnes du New York Times, l'actrice, à la fois sex-symbol et femme engagée, a révélé avoir subi une ablation des ovaires et des trompes.

Cette opération, qui a suivi la chirurgie préventive du sein et que la star a médiatisée pour "alerter les autres femmes", a aussi été réalisée à titre préventif. On appelle cela la chirurgie prophylactique. Angelina Jolie n'était atteinte ni d'un cancer du sein, ni d'un cancer des ovaires mais une anomalie génétique la prédisposait à ces cancers. Si l'actrice américaine a opté pour l'option de la chirurgie préventive, comme c'est le cas d'autres femmes, cela veut-il dire que les médecins sont capables de "prédire" l'apparition d'un cancer?

Angelina Jolie, un cas bien particulier

"Dire qu'on peut 'prédire' à une personne un cancer est au mieux une illusion romantique, au pire un mensonge marketing", tranche sans ambiguïté le Professeur François Eisinger. "Il faut bien insister là-dessus, on ne peut pas dire à quelqu'un qu'il aura ou non un cancer", ajoute l'oncogénéticien, responsable du Département d’anticipation et suivi des cancers (DASC) de l'Institut Paoli-Calmettes à Marseille en France.

Alors comment expliquer les opérations préventives pour lesquelles a opté Angelina Jolie? Si elle y a eu recours, c'est bien que ses médecins ont anticipé un cancer du sein ou des ovaires. Pour comprendre, il faut savoir que tout le monde n'est pas égal face à cette maladie.

Certaines personnes sont porteuses d'anomalies génétiques qui les prédisposent à certains cancers. C'est le cas d'Angelina Jolie, porteuse du gène défectueux BRCA1. Or, une femme porteuse de BRCA1 a environ 40% de chance de développer un cancer des ovaires, indique le Dr Alexandra Leary, oncologue au centre Gustave Roussy à Villejuif, en France. Soit un pourcentage beaucoup plus élevé que pour la population générale des femmes. Si dans le cadre d'un cancer du sein (lié à une anomalie génétique), le suivi rapproché de la patiente peut être une alternative à la mastectomie, ce n'est pas le cas pour le cancer des ovaires.

"A l'heure actuelle, la surveillance dans le cadre de ce cancer n'est pas efficace donc on ne peut pas promettre de pouvoir le détecter à un stade précoce", poursuit le Dr Leary. C'est ce qui explique que l'ablation des ovaires fait consensus et est largement recommandée, en particulier à partir d'une certain âge lorsque le projet parental est accompli. Soulignons que la chirurgie prophylactique, popularisée par Angelina Jolie, ne concerne pas seulement les cancers des seins ou des ovaires. Elle est également pratiquée pour certains cancers de l'appareil digestif ou de la thyroïde.

La "loterie" du cancer

Il s'agit donc plutôt de prévention que d'anticipation. D'autant que même les porteurs d'anomalies génétiques ne vont pas obligatoirement déclarer de cancer. "Il y a trois facteurs dans l'apparition d'un cancer: l'hérédité, la vie qu'on mène et le hasard. L'apparition du cancer est une loterie. On ne peut pas dire qui va gagner ou perdre dans cette loterie", rappelle le Pr Eisinger. Mais, souligne-t-il, "nous sommes capables de compter les bons et les mauvais numéros de la loterie. Personne n'est protégé mais personne n'est condamné non plus".

En effet, grâce à une discipline appelée l'oncogénétique, la prise en charge des personnes prédisposées génétiquement au cancer peut être adaptée. A défaut de pouvoir lire dans les gènes l'avenir médical du patient, les médecins peuvent en revanche "identifier les personnes qui ont besoin de plus de précautions. Quand les risques observés dépassent un certain seuil, on prend alors les précautions nécessaires", indique le responsable du DASC.

"Notre rôle est d'optimiser les décisions que l'on prend. On hiérarchise les risques: il faut gérer les risques importants, négliger les risques plus faibles et ne pas se tromper. Une fois les risques identifiés, on a à notre disposition une boîte à outils pour lutter contre ces risques: la prévention, le dépistage, la chirurgie préventive et les soins. Les décisions sont ensuite prises en fonction de la fiabilité et de l'impact de chacun de ces outils", détaille l'oncologue qui précise également que chaque type de cancer appelle une prise en charge différente. "En 2015, on ne sait toujours pas prévenir le cancer des ovaires, on ne sait pas le dépister avec efficacité. Ce qui explique que l'ablation des ovaires est une nécessité", rappelle-t-il à son tour en guise d'exemple. "Peut-être que dans 10, 15 ou 20 ans nous aurons d'autres outils", espère-t-il.

L'espoir de la piste médicamenteuse

Parmi ces "autres outils", la piste médicamenteuse est actuellement étudiée par la recherche. "Il est vrai que la chirurgie prophylactique est une solution radicale", analyse le Dr Jean-Pierre Fricker, oncogénéticien, responsable de l’unité d’oncologie génétique, prévention et dépistage du centre Paul Strauss à Strasbourg. "Pour le cancer du sein notamment, il existe déjà des médicaments capables de réduire les risques d'apparition du cancer. C'est une alternative qui pourrait, on l'espère, faire baisser considérablement et effectivement les risques", indique-t-il.

Si les personnes prédisposées génétiquement à un cancer peuvent compter sur l'oncogénétique pour évaluer leur risque, qu'en est-il pour la population en général? Là encore pas de miracle ni d'oracle, mais un seul outil, souligne le Dr Fricker: le dépistage. Et c'est à chacun d'en faire la démarche.

INOLTRE SU HUFFPOST

Le broccoli

Les aliments qui limitent les risques de cancer

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.