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Croire au Père Noël : Jean-Claude, 67 ans, raconte l'envers du décor

Le père Noël s'appelle Jean-Claude

Il en a la voix, l'apparence et surtout la bienveillance. À 67 ans, Jean-Claude est un père Noël perfectionniste et débrouillard. Son traîneau électrique, il l'a construit de ses mains après la mort de son renne quelques années plus tôt. Pour son costume, il se trouve que ce retraité a aussi quelque talent de couture. Depuis la fin du mois de novembre, ce père Noël enchaîne les missions. À Paris et dans le reste de la France, il sillonne les routes pour animer les Noël des comités d'entreprise, les couloirs des centres commerciaux et parfois les centres villes.

Jean-Claude n'a jamais mis les pieds en Norvège, sa femme ne se prend pas pour la mère Noël et il travaille sans lutin. Pourtant, Jean-Claude est le père Noël, le vrai. Après l'avoir interrogé pendant 1h30, l'auteure de cet article commence aussi à le croire. Jean-Claude sait apaiser les craintes des enfants, il sait aussi froncer les sourcils pour calmer ceux qui seraient trop énervés et faire couler les larmes chez nombre de parents et de grands-parents.

Jean-Claude sur son traîneau avec son renne

"C'est vrai, c'est fatigant", avoue-t-il quand nous l'interrogeons quelques jours avant une grande mission au parc Floral de Vincennes à Paris. Embrasser 500 enfants en 15 minutes, il l'a fait. Composer avec les enfants qui ont peur de lui, (environ 4 sur 10 selon ses estimations) ceux qui lui sautent sur les genoux, il l'a fait aussi. "Il y en a aussi qui crient 'Sarkozy'!", s'amuse le fringant retraité. Au fil de ses souvenirs, on découvre que ce sont finalement les adultes qui ont le plus marqué le père Noël. Comme cet homme sans abri rencontré lors d'une mission en extérieur, impressionné d'être face au père Noël, ou cette grand-mère émue aux larmes devant ses petits enfants, "elle n'avait jamais été embrassée par le père Noël".

Il faut arrêter de tirer la barbe du père Noël (surtout quand elle est vraie)

Les adultes réservent aussi de drôles de surprises, comme cette quadra qu'il a fallu éloigner de Jean-Claude à Périgueux, "j'ai vu le moment où j'allais me choper un French kiss", se souvient-il en riant. Ou cette obsession qu'ont certains parents avec la barbe, "jamais un enfant ne tire sur la barbe, sauf si un adulte le lui a demandé", affirme le père Noël. Autant vous dire que c'est assez douloureux. "En fait il y a un test plus gentil pour vérifier si c'est une vraie barbe. Il suffit d'offrir à manger au père Noël, avec une fausse barbe impossible de manger." En matière de barbe, Jean-Claude en connaît un rayon, sa barbe blanche lui a même valu son premier contrat. Un été, un de ses amis le met au défi de la laisser pousser pour faire le père Noël. Cette première fois, le contact avec les enfants a été difficile. "Une petite fille m'a engueulée, elle n'était pas contente de ses cadeaux!" Très rapidement, Jean-Claude a aussi compris que le métier comportait quelques dangers, "je porte un costume rembourré pour amortir les chocs. Un petit de 3 ou 4 ans qui court vers vous et ne s'arrête pas ça peut faire très mal...".

Désormais ces petites anecdotes sont son lot quotidien. "Le père Noël, c'est un pochtron" le défie un jour un petit garçon. "Ce n'est pas vrai, par contre je pue des pieds", lui répond malicieusement Jean-Claude. Un bon père Noël se doit d'avoir une bonne répartie et un cœur bien accroché. Quand il passe la journée avec une petite fille en fin de vie, elle finit par entendre quelqu'un l'appeler par son prénom. "Tu aurais pu me dire que le père Noël s'appelait Jean-Claude", dit-elle finalement à sa mère. "Ensuite, il a fallu expliquer à tous les pères Noël de l'hôpital qu'ils devaient s'appeler Jean-Claude...", se souvient-il avec émotion.

Une Nintendo DS ou une Citroën DS?

Évidemment, cette activité lui apporte un complément non négligeable à sa petite retraite de 1000 euros. Ce grand-père s'est déclaré en autoentrepreneur et demande en moyenne 250 euros par mission, il est même inscrit dans une agence artistique, ID Artistes. Cette somme couvre entre autres les frais de transport, l'entretien de son traîneau, de son costume sur-mesure et parfois de pressing. "Et oui, si je les appelle les sales gosses, c'est pour une raison" raconte-t-il. La fourrure blanche de son costume vire parfois au gris après de longues journées. Il faut alors passer par la case pressing, surtout avant certaines animations dans des palaces parisiens.

Mais, il y a aussi une part de magie. Difficile de savoir quand Jean-Claude parle ou lorsque c'est le père Noël qui a pris le dessus. Quand il raconte, le plus sérieusement du monde, que pour distribuer tous les cadeaux, il a trouvé la solution parfaite : il est capable d'arrêter le temps. Et que penser aussi quand il dit travailler avec la fée à la gomme, capable de corriger les lettres des enfants quand ceux-ci ne sont pas sages. À croire les réactions et les espoirs qu'il provoque, Jean-Claude a bien quelques pouvoirs magiques : "Père Noël, tu vas repartir dans le ciel?", lui demande un jour une petite fille "Tu pourras dire à mon petit frère que je l'aime", poursuit-elle. Et puis, d'autres fois, le père Noël perd de son aura et se retrouve coincé dans sa camionnette sur le périphérique parisien, en costume.

"Je continuerai tant que je pourrai", explique cet infatigable retraité. C'est une activité exigeante, il faut imaginer que la première fois qu'on lui a demandé une Nintendo DS, Jean-Claude s'est demandé ce que pourrait faire un enfant d'une Citroën. Mais le plaisir de voir les sourires éclairer les visages semble effacer la fatigue. Un seul regret "Je suis dans des milliers d'albums de famille", déplore-t-il, "mais je n'ai jamais pu avoir toutes ces photos". A défaut des images, il garde en tête ces souvenirs par milliers et espère un jour publier ses mémoires. En attendant, souvent absent en cette période de réunion familiale, Jean-Claude sait bien qu'il ne peut pas rendre tout le monde heureux. Ses enfants et petits-enfants râlent souvent de ne pas pouvoir profiter de leur père Noël.

Jean-Claude a gardé les plus belles lettres qu'il a reçues au fil des années. Mais il trouve désolant que les lettres qu'on lui envoie soit souvent "sales", "griffonnées" et qu'elles ne consistent qu'en des "images découpées et collées" :

Les lettres reçues par Jean-Claude

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