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Expropriation : des Gaspésiens gagnent contre Hydro-Québec

Expropriation : des Gaspésiens gagnent contre Hydro-Québec
Hydro-Québec

Oléoducs, gazoducs, pylônes, routes. Les projets qui nécessitent des expropriations sont nombreux. Deux propriétaires de New Richmond, expropriés par Hydro-Québec pour les besoins d'une ligne de transport d'électricité, obtiennent gain de cause contre la société d'État.

Un reportage de Maxime Poiré

Comment un citoyen qui doit céder son bien contre son gré peut-il se défendre adéquatement contre ceux qui veulent passer sur sa terre?

Raynald Murphy, de New Richmond, en Gaspésie, ne décolère pas contre Hydro-Québec. La société d'État a dû passer sur sa terre afin de construire une nouvelle ligne de transport d'électricité en provenance du parc éolien de New Richmond.

Contrairement à 32 autres propriétaires, Raynald Murphy ne s'est pas entendu de gré à gré avec la société d'État. Hydro-Québec l'a donc exproprié.

Raynald Murphy estime qu'Hydro-Québec a coupé 450 pins rouges dans sa plantation. Hydro lui a offert une indemnité de 600 $, ce qui revient à 1,33 $ par arbre.

Cette offre suit les règles d'une entente conclue avec l'Union des producteurs agricoles (UPA) afin de calculer les indemnités à verser aux propriétaires. Elle ne tient toutefois pas compte du fait que Raynald Murphy coupe son bois lui-même et qu'il s'en sert pour gagner sa vie comme artisan.

« Ils ne veulent pas payer, ils te menacent, puis ils t'exproprient. Ils t'enlèvent ce que tu as. »

— Raynald Murphy

Qui va payer l'expert?

Cette même entente avec l'UPA prévoit aussi que les citoyens peuvent retenir les services d'un professionnel, payé par la société d'État, pour les aider à évaluer leur propriété.

Raynald Murphy voulait connaître la valeur de son boisé en fonction de la plus-value qu'il lui donne en transformant lui-même ses arbres en planches et en bardeaux.

Il a voulu engager l'ingénieur forestier Paul Robichaud, mais lorsque ce dernier a communiqué avec Hydro-Québec, il a reçu une réponse pour le moins étonnante : « On me dit : "on paye, mais tu dois faire le même rapport qui a été fait déjà. [...] Si vous faites un rapport comme ça, bien on n'assumera pas les frais parce que ce n'est pas selon nos ententes." »

Chez Hydro-Québec, on nous a répondu que le cas de Raynald Murphy a été traité en vertu de l'entente avec l'UPA, qui assure l'équité des dossiers.

Voisins et alliés

Sur la terre voisine, Léopold Audet est consterné. Autour de son ruisseau, tout a été coupé à blanc et une partie de son terrain a été endommagée lors des travaux. Lui aussi a été exproprié, et il conteste l'offre de 2000 $ d'Hydro-Québec.

« J'ai décidé de me battre pour montrer aux jeunes que ces grosses machines n'avaient pas tous les droits. »

— Léopold Audet

Les deux voisins ont contesté l'indemnité que la société d'État avait décidé de leur verser. Sans avocat et sans expert, ils se sont retrouvés au palais de justice de New Carlisle. Et surprise, le tribunal leur a donné largement raison.

Raynald Murphy a reçu beaucoup plus d'argent pour son boisé. Son indemnité est passée de 600 à 28 569 $. Celle de Léopold Audet a bondi de 2000 à 12 238 $.

Dans sa décision, le tribunal a majoré les sommes parce qu'il a reconnu un déséquilibre des forces en présence, les deux hommes ayant dû se défendre seuls face à une équipe d'experts engagés par Hydro-Québec.

Faut-il revoir les règles du jeu?

L'Ordre des évaluateurs agréés est d'avis que des changements s'imposent pour que les propriétaires soient mieux représentés.

Le président de l'Ordre, Richard Côté, constate que les expropriants, comme Hydro-Québec, le ministère des Transports ou les municipalités, ont beaucoup d'experts. Il souligne que les citoyens expropriés devraient avoir accès à ces spécialistes .

« Dans certaines situations, on se rend compte que ce n'est pas du tout le cas. Et nous, comme ordre professionnel, ça nous interpelle de façon importante. »

Un dossier qui n'en finit plus

Hydro-Québec a obtenu la permission de porter en appel les deux causes.

« Nous avons demandé une révision de cette décision-là parce qu'Hydro-Québec n'était pas à l'aise, n'était pas d'accord avec les indemnités qui avaient été accordées lors de cette décision. »

— Gary Sutherland, porte-parole d'Hydro-Québec

Raynald Murphy croit quant à lui que sa victoire et celle de Léopold Audet font mal à Hydro-Québec. « Nous autres, explique Raynald Murphy, on ouvre une petite porte puis ils n'aiment pas ça. ll y a un petit peu de lumière pour les citoyens du Québec, puis ils fessent dedans à coups de pied pour être sûrs de la fermer tout de suite. »

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