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«Damnatio Memoriae»: la déchéance cyclique de l'humanité selon Sébastien Dodge (ENTREVUE/ VIDÉO)

«Damnatio Memoriae»: la déchéance cyclique de l'humanité selon Sébastien Dodge (ENTREVUE/ VIDÉO)

Véritable plongée au cœur de Rome la barbare, Damnatio Memoriae catapultera les spectateurs du Théâtre d’Aujourd’hui en 192 après Jésus-Christ, alors que l’empereur Commode revient d’une longue guerre pour asseoir son pouvoir. Cruauté et violence seront le pain quotidien des Romains, jusqu’à ce que la rébellion s’enclenche et que les monarques s’enchaînent.

Les 40 premières minutes de la pièce écrite et mise en scène par Sébastien Dodge illustrent l’ère de Commode le sanguinaire, avant de laisser place à l’inévitable déchéance de Rome. « Après avoir montré la période où régnait Commode, qui est remplacé par la garde prétorienne lors d’un coup d’État, on ouvre la voie à la succession d’une trentaine d’empereurs en 25 ans. Jusqu’à ce que la chrétienté prenne le pas sur la société, à la fin du spectacle », explique le créateur.

Auteur d’une satire sur la guerre et d’un western historique (La Guerre, Dominion), Sébastien Dodge tenait à raconter ce sombre épisode de l’humanité. « J’aime parler du côté damné de l’homme qui aime se court-circuiter dans ses efforts et détruire tout ce qui l’entoure. À mon avis, plusieurs aspects de la société occidentale actuelle font échos aux réalités de l’Empire romain. On vit dans une société du spectacle où le divertissement est vidé de substance et de réflexion, comme les divertissements sanglants des Romains. »

Bureaucratie trop lourde, corruption contagieuse, systèmes de pouvoir encrassés, société croulant sous un complexe militaro-industriel, élite détachée du peuple et citoyens désengagés de la vie politique sont quelques-uns des parallèles dressés par l’auteur entre les époques. « Du temps des Romains, les gens étaient plus soucieux de leur richesse, de leurs villas et de leur personne, comme plusieurs le sont aujourd’hui », ajoute-t-il.

Spirale infernale de l’humanité

Damnatio Memoriae est portée par une plume convaincue que la nature de l’homme est de reproduire un cycle de carnage et de destruction au fil des siècles. « Si on est le moindrement intéressé par l’histoire, on remarque que les mêmes erreurs sont constamment reproduites et qu’on ne tire pas de leçons du passé. Même quand on est informé des pièges et des écueils de certains modes de pouvoir, on finit par tout répéter. »

« Le projet de changer le nom du pont Champlain démontre bien mon point. Les Québécois accordent trop peu d’importance à l’histoire, ce qui est ironique sachant que la devise du Québec est "Je me souviens". On est en train de donner raison à celui qui disait que les Canadiens-Français sont un peuple sans histoire… »

Livrant un pastiche de l’histoire romaine, où le burlesque se transforme invariablement en farce macabre, Dodge se garde bien d’offrir des solutions aux problèmes de société. « C’est une forme de constat satirique qui donne un nouvel éclairage sur une frange du passé, mais pas plus. Au théâtre, c’est difficile de provoquer une prise de conscience. Le public qui vient voir les pièces est généralement déjà sensible à ce genre de questionnements. Tant mieux si quelques personnes décident de faire bouger les choses après avoir vu le spectacle, mais je ne pense pas que ça va changer quoi que ce soit à grande échelle. Le théâtre n’a plus assez d’impact de ce genre. »

Œuvre à grand déploiement, Damnatio Memoriae compte 65 personnages, dont 50 empereurs, qui seront interprétés par un groupe d’acteurs fort polyvalents, dont Sophie Cadieux, Renaud Lacelle-Bourdon et Éric Paulhus.

« On met en scène des empereurs à toutes les sauces: des enfants, des obèses et des plus classiques. C’est un beau défi pour les comédiens de se réinventer chaque fois. Après la période de Commode, on accélère le temps et on n’arrête plus. Ils doivent sauter d’un personnage à l’autre, parfois avec seulement deux ou trois répliques pour les incarner, avant de changer de costume et de revenir. »

Lui-même acteur, Sébastien Dodge a choisi de ne pas participer à ce joyeux bordel. « Je n’avais pas envie de jouer, en plus de l’écriture et de la mise en scène. C’aurait été trop. Je suis impliqué dans un long processus de création depuis presque deux ans. Après la première, je vais vouloir me détacher. »

La pièce Damnatio Memoriae sera présentée au Théâtre d’Aujourd’hui du 11 au 30 novembre 2014. Cliquez ici pour plus de détails.

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