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Réaction rapide et chance: pourquoi Ebola a moins frappé au Nigeria

Réaction rapide et chance: pourquoi Ebola a moins frappé au Nigeria

Contrairement à la Guinée, au Liberia et à la Sierra Leone où l'épidémie d'Ebola flambe, le nombre de cas reste limité au Nigeria, grâce à une bonne réaction initiale et aussi grâce à la chance, mais rien n'est gagné.

Cependant, les autorités, qui tenaient des propos rassurants ces derniers jours, ont annoncé jeudi un sixième décès, un médecin, sur un total de 15 cas confirmés.

Ce décès, survenu à Port-Harcourt, principale ville de la région pétrolière du sud-est du pays, à 400 km de Lagos où toutes les morts étaient concentrées, peut faire craindre une extension de l'épidémie.

Néanmoins, alors que le Nigeria est le pays le plus peuplé d'Afrique avec 170 millions d'habitants, l'impact de l'épidémie y est faible, par rapport aux trois pays les plus touchés, Liberia, Guinée et Sierra Leone, qui déplorent plus de 1.500 morts, selon l'OMS.

Le fonctionnaire libérien qui a introduit Ebola au Nigeria, en prenant un vol de Monrovia à Lagos, a voyagé un dimanche, le 20 juillet : premier coup de chance, car l'aéroport de Lagos est beaucoup moins fréquenté ce jour-là qu'en semaine.

Deuxième coup de chance: personne n'a, semble-t-il, été contaminé dans l'avion par Patrick Sawyer, alors qu'il était déjà sérieusement atteint et qu'il vomissait, selon des témoignages.

Ensuite, les autorités nigérianes ont bien réagi à ce premier cas, ce qui s'est avéré crucial pour la suite. Dès son arrivée à Lagos, l'homme a été immédiatement détecté comme malade, transféré dans un hôpital privé et placé à l'isolement, contre son gré. Un hôpital privé qui disposait de meilleures infrastructures et de praticiens plus compétents que les hôpitaux publics, dont les médecins étaient alors en grève.

Les premiers soignants qui se sont occupés de lui ont fait preuve d'un grand courage: deux médecins et deux infirmières l'ont payé de leur vie.

Rendant hommage à l'une des docteurs décédés, le ministre de la Santé Onyebuchi Chukwu a raconté qu'elle s'est physiquement interposée alors que M. Sawyer voulait quitter l'hôpital, où il devait mourir le 25 juillet.

Le programme de lutte contre la diffusion du virus a ensuite été mis en place rapidement.

"Il faut reconnaître que le gouvernement a vraiment vite réagi, juste après l'arrivée du premier cas", estime John Vertefeuille, chef d'équipe de l'antenne nigériane du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies, qui aide les autorités sanitaires locales.

Celles-ci se sont inspirées du programme de lutte contre la polio, explique-t-il, et ont mis en place un centre opérationnel d'urgence pour superviser toutes les actions, notamment le repérage et le suivi des personnes potentiellement à risque.

Le fait qu'il n'y ait eu qu'une seule chaîne de contamination, c'est-à-dire que "tous les cas d'Ebola soient liés à ce cas importé du Liberia, et qu'un travail intensif de repérage" ait été mené d'emblée, explique la situation assez bonne du Nigeria, selon le docteur Emmanuel Musa, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'un des superviseurs du centre opérationnel d'urgence.

"La communication est un autre point clé de la riposte" au virus, avance John Vertefeuille, car "la population ne connaît pas Ebola, comment le virus se transmet et comment s'en protéger".

Le gouvernement fait diffuser toutes les heures des spots d'information à la télévision et à la radio, dans les principales langues du pays. Et les opérateurs téléphoniques envoient des sms à leurs abonnés.

Une ligne téléphonique gratuite a également été mise en place par les autorités.

Pour autant, "la situation demeure imprévisible", tempère le Dr Musa.

Par précaution, la rentrée des classes a été retardée d'un mois dans tout le pays, à la mi-octobre.

"La taille et la densité de la population", notamment à Lagos, mégapole la plus peuplée d'Afrique subsaharienne avec plus de 15 millions d'habitants et plaque tournante de l'Afrique de l'Ouest et centrale, sont "un grand défi", reconnaît John Vertefeuille, si jamais l'épidémie venait à redémarrer.

Les imprudences de personnes contaminées sont aussi à redouter. C'est un collègue de Sawyer, qui, fuyant la surveillance des autorités sanitaires, a contaminé le médecin décédé de Port-Harcourt.

Une infirmière ayant soigné Sawyer a elle aussi voyagé dans l'est du pays malgré les consignes, heureusement sans conséquence malheureuse.

Une source médicale confie sous couvert d'anonymat que, malgré les discours rassurants des autorités sanitaires, '"il y a des insuffisances dans tous les domaines": "le repérage et le suivi, la logistique, la mise en place de nouvelles équipes".

"Aucun pays n'a les ressources" pour faire face seul, "le Nigeria a besoin d'aide", plaide cette source.

Au Nigeria, première économie d'Afrique, les dépenses de santé ne se sont élevées en 2012 qu'à 161 dollars par personne, soit 6,1% du produit intérieur brut. Contre 982 dollars par personne, soit 8,8% du PIB, en Afrique du Sud.

bur-de/jpc

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