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Les chauffeurs de Gaza défient la mort au tournant

Les chauffeurs de Gaza défient la mort au tournant

Mohammed al-Khatib sait qu'il met sa vie en danger chaque fois qu'il prend le volant pour parcourir les routes de Gaza et approvisionner en eau potable les réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza.

A 23 ans, il a déjà vécu deux guerres contre Israël, celles de 2008-2009 et de 2012. Mais il n'a jamais assisté à un tel déferlement de violences, de bombes et de morts, dit-il.

"Dès que je conduis, j'ai peur, j'ai les nerfs à vif", confie le chauffeur dans le hangar de la petite usine de dessalement alors que les bombardements israéliens grondent au loin.

Son chargement est précieux. 90% de l'eau du robinet n'est plus potable à Gaza. L'eau de mer dessalée est devenue une ressource de première nécessité pour les habitants de Gaza, en particulier les réfugiés.

Malgré la demande, l'usine a du mal à fonctionner. Les chauffeurs ne se bousculent pas pour prendre la route car les véhicules de transport sont des cibles fréquentes de l'aviation israélienne.

Mohammed al-Khatib est épuisé par la tâche et la fatigue nerveuse.

"Parfois je vais livrer une maison et je découvre qu'elle a été bombardée", explique t-il.

"Par exemple la famille Mata... je viens régulièrement remplir le réservoir d'eau de leur maison. Un jour, j'y suis allé, et il n'y avait plus de maison".

Les frappes ne sont pas seulement le lot de son quotidien professionnel. Trois de ses amis ont été tués et plusieurs blessés. D'habitude, lui et les siens vivent à huit dans sa maison du nord de Gaza, mais aujourd'hui 30 de ses proches y ont trouvé refuge.

"Mohammed a bon coeur", lance son patron Hossam Houneif en souriant.

"Dès qu'il prend son service, si sa femme entend un bombardement, elle l'appelle et lui dit +rentre à la maison+ et c'est ce qu'il fait", explique le patron de l'usine d'eau potable.

"Un de mes employés n'est venu travailler qu'une seule journée depuis le début de la guerre, sa famille a trop peur pour sa vie et l'empêche de sortir de chez lui", dit-il.

Située au fond d'une allée sableuse empruntée par des ânes, l'usine d'Hossam Houneif est modeste et ressemble plus à un entrepôt.

Des camions viennent chaque matin faire le plein d'eau et s'en vont ensuite faire la tournée des écoles et des maisons du nord et du centre de la bande de Gaza.

Les routes sont accidentées, parfois même défoncées de cratères percés par les bombes.

Selon l'organisation caritative Oxfam, un tiers des 1,8 million de Palestiniens de Gaza sont aujourd'hui privés d'eau potable.

Dans les quartiers les plus dévastés de Gaza, comme celui de Chajayia, l'eau ne coule qu'une ou deux heures par jour dans les robinets.

Le fils du propriétaire de l'usine, un étudiant en informatique de 24 ans, prête main forte à son père depuis le début de la guerre.

"Au début je n'avais pas trop de problèmes. Mais quand les tanks et les soldats sont entrés (dans la bande de Gaza), les gens ont commencé à évacuer et là, ça s'est compliqué", relate Mahmoud Houneif.

"Des gens m'arrêtaient au milieu de la route pour me dire +s'il-vous-plaît, mon enfant n'a pas bu+ et ils essayaient de s'emparer de l'eau à l'arrière du camion".

Il extirpe de son pantalon son téléphone portable et montre la vidéo d'un incident qui l'a marqué, un bombardement sur la route juste sous ses yeux pendant l'une de ses tournées.

"La peur. La mort. Voilà ce que j'ai ressenti", raconte le jeune étudiant.

L'usine de son père n'est pas non plus à l'abri.

"Hier, une bombe a été lâchée à 100 mètres d'ici", déclare son père.

"Mais nous devons continuer à travailler. Nous sommes une entreprise mais nous menons aussi une mission humanitaire".

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