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Des bières, des canards et l'écho de la guerre sur une plage à Donetsk

Des bières, des canards et l'écho de la guerre sur une plage à Donetsk

La détonation d'un obus qui explose se fait entendre dans le lointain, ramenant à la tragique réalité les quelques habitants du bastion rebelle de Donetsk venus admirer le coucher de soleil sur une plage du centre-ville, avant que ne reprennent les palabres sur la guerre.

Petite oasis de sable et d'herbe en bordure d'un lac dans ce fief des séparatistes de l'est de l'Ukraine assiégé par l'armée, la plage est un endroit prisé des habitants. Du moins, de ceux qui ont choisi de ne pas fuir cette cité désormais quasi-déserte à cause des bombardements.

Chaque soir, des retraités y jouent aux échecs, des enfants s'amusent sur un mur d'escalade et des amis boivent ensemble bière ou vin sur l'une des terrasses des bars locaux qui servent jusqu'à la nuit tombée.

Alexandre, 76 ans, explique que même en ces "temps difficiles", il est bon de prendre un moment pour une partie d'échecs avec son ami Viktor, 67 ans, un informaticien à la retraite.

Mettant leur jeu de côté, ils admettent que la tranquillité de la plage est une illusion et bientôt les discussions reprennent sur la guerre qui frappe la région depuis plus de quatre mois.

"Nous y pensons jour et nuit, mais il faut trouver un moyen de se débarrasser du stress", raconte Alexandre, un ancien homme politique communiste qui a quitté son parti après avoir perdu foi dans la société sans classes.

"C'est très tendu ici", acquiesce Viktor. "Si j'étais plus jeune, je serais un citoyen plus actif et, je ne le cache pas, je défendrais mon pays (contre les séparatistes)".

"Donetsk n'est pas seulement la République populaire (unilatéralement proclamée par les rebelles, ndlr). Il y a aussi des gens qui sont pour une Ukraine unie", renchérit Alexandre.

De tels propos ne sont pas sans risques dans une ville contrôlée par les insurgés, même sur la plage.

Deux combattants armés viennent à intervalles réguliers s'asseoir au bord de l'eau. Ils allument un ordinateur portable et regardent ensemble une vidéo, riant aux éclats.

D'autres habitants présents sur la plage disent soutenir les rebelles.

Karina, une ancienne policière aux cheveux bouclés, boit une bière dans un bar sans éclairage, où seul brille un vieux jukebox.

Elle raconte qu'elle aimerait aller se battre aux côtés des séparatistes, mais qu'elle ne supporterait pas de quitter son compagnon.

Tandis qu'elle parle, une détonation se fait entendre non loin, imposant un silence momentané.

"Ce sont peut-être les rebelles qui tirent à partir de leurs positions sur la rive opposée", lance Karina.

L'eau du lac est tellement polluée que les poissons ont subi des mutations, affirme un chauffeur de taxi du quartier. Des jeunes ne se privent pourtant pas de piquer une tête pendant que des pêcheurs attrapent de petits poissons argentés.

Sur un banc à l'ombre, Lioudmila, ingénieur à la retraite, retire ses sandales.

"On vient ici pour oublier la guerre. Ici, on peut se reposer, y échapper. Nous vivons dans des temps si difficiles, si déplaisants. C'est affreux", explique-t-elle.

Irina, une jeune femme portant un haut blanc tricoté au crochet, nourrit les canards avec de petits morceaux de pain.

"J'appelle ça la +thérapie canards+", s'amuse-t-elle. "Tout le monde est très stressé et il faut faire quelque chose contre ça. C'est pour ça que les gens viennent ici : c'est un îlot de paix".

as-pop/neo/bds

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