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Damas et Washington combattent le même ennemi, mais chacun de son côté

Damas et Washington combattent le même ennemi, mais chacun de son côté

Le régime de Damas et les États-Unis, qui bombardent tous les deux les jihadistes de l'État islamique en Syrie et en Irak, insistent sur le fait que vouloir anéantir leur ennemi commun ne signifie pas pour autant combattre côte à côte.

"En frappant l'État islamique (EI), Damas signifie aux Américains qu'il n'a pas besoin de leur aviation contre l'EI", affirme à l'AFP Waddah Abed Rabbo, directeur du quotidien al-Watan, proche du pouvoir à Damas.

"Il rappelle au monde qu'il est incontournable pour lutter contre le terrorisme", souligne-t-il.

Le régime nie toute légitimité à la rébellion en Syrie et qualifie toutes ses composantes, qu'il s'agisse des modérés ou des jihadistes, de "terroristes" financés par l'étranger.

Depuis que Washington a commencé à bombarder le 8 août les positions des jihadistes en Irak, Damas soupçonne ce pays, hostile au président Bachar al-Assad, de chercher à élargir son champ d'action jusqu'en Syrie et y frapper tant les jihadistes que l'armée du régime.

"Notre traitons l'Amérique comme un adversaire depuis trois ans et six mois", assure Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre d'études stratégiques à Damas.

"Il est possible que les Américains soient convaincus maintenant de la nécessité de coopérer avec la Syrie, mais cette dernière refuse toute collaboration militaire et sécuritaire sans un accord au niveau politique", ajoute-t-il.

La crise en Syrie a commencé par la répression meurtrière en mars 2011 de manifestations pacifiques anti-régime, poussant à la révolte armée, les pays occidentaux, Washington en tête, appelant à maintes reprises au départ du président syrien.

Début 2014, M. Assad avait assuré que les renseignements occidentaux, inquiets de l'engagement massif de leurs ressortissants dans les rangs de l'EI, avaient sollicité l'aide de la Syrie, mais que Damas avait refusé tant que ces pays soutenaient l'opposition.

Washington a également démenti tout rapprochement avec Damas, la porte-parole du département d'État Marie Harf exprimant lundi son "vif désaccord" avec l'idée soutenant que les deux pays seraient "sur la même longueur d'onde" contre l'EI.

Elle a expliqué qu'en Irak, le gouvernement de Bagdad avait demandé une intervention américaine pour juguler l'offensive jihadiste, alors qu'en Syrie, le régime serait responsable de la montée en puissance de l'EI et d'autres groupes jihadistes.

Mme Harf a jugé "un petit peu trop simpliste" de comparer les deux théâtres d'opérations, tout en reconnaissant que c'était "une bonne chose que des combattants de l'EI soient éliminés" en Irak mais aussi en Syrie.

La guerre en Syrie a débuté par des combats entre rebelles et forces du régime, puis s'est doublée début 2014 d'affrontements entre rebelles et jihadistes. Elle s'est encore compliquée depuis juillet, lorsque des jihadistes ont lancé des attaques meurtrières contre des bases de l'armée.

Rares aussi sont les experts qui croient à un rapprochement entre Damas et l'Occident.

"Au mieux, il peut se produire une reconnaissance tacite que les États-Unis, la Syrie et l'Irak combattent l'EI, mais je doute qu'il y ait coopération explicite et directe entre Assad et les États-Unis", note Jens David Ohlin, professeur à l'École de droit Cornell aux Etats-unis.

L'ancien ambassadeur des Pays-Bas et expert de la Syrie, Nikolaos van Dam, juge aussi peu probable un changement d'alliances.

"C'est difficile pour le régime d'Assad de convaincre les Occidentaux qu'il serait plus fructueux d'unir leurs forces contre l'EI, car ils ont coupé depuis longtemps tout contact avec Damas et ne veulent pas coopérer avec Assad même si ce serait mieux d'un point de stratégique", dit-il.

Cette hostilité a été affichée une fois de plus vendredi lors du vote par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution contre les jihadistes.

Lorsque l'ambassadeur syrien Bachar Jaafari a affirmé que la Syrie était un "partenaire indispensable dans la lutte contre le terrorisme", son homologue britannique Mark Lyall Grant a rétorqué: "Assad est pour une large part responsable du terrorisme, il ne représente certainement pas la solution".

Pour Lina Khatib, directrice de Carnegie Moyen-Orient, "si le régime ne reçoit pas un signal positif de l'Occident, il multipliera les raids contre l'EI et se présentera comme une victime qui est capable de faire face à ses ennemis même si elle ne reçoit aucun soutien international".

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