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Artur Avila, un Brésilien dans l'exception mathématique française

Artur Avila, un Brésilien dans l'exception mathématique française

Né à Rio et naturalisé français depuis l'an dernier seulement, Artur Avila, lauréat de la médaille Fields, l'équivalent du prix Nobel de mathématiques, illustre à sa façon l'excellence et les spécificités de la recherche française dans ce domaine.

Douzième mathématicien français à décrocher la fameuse médaille, attribuée par lot tous les quatre ans, Artur Avila se démarque en effet à plus d'un titre de ses prédécesseurs.

A l'instar de Cédric Villani et du Franco-Vietnamien Ngô Bau Chau, médailles Fields en 2010, tous sont passés, à un moment ou à un autre de leur carrière, par la prestigieuse Ecole normale supérieure (ENS) de la rue d'Ulm, à Paris, héritière d'une longue tradition intellectuelle et d'un système de sélection des élites instauré dès le début du XIXe siècle.

"L'école française mathématique a toujours été très bonne, ce qui a pour effet d'attirer les jeunes générations vers cette discipline. Ensuite, les mécanismes de sélection des élites dans notre pays accordent aux mathématiques une place privilégiée. Résultat: les élèves les plus brillants s'orientent souvent vers cette discipline", résume Martin Andler, du Laboratoire de mathématiques de Versailles, cité dans le journal du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Spécialiste des maths du chaos, Artur Avila, 35 ans, a quant à lui connu un parcours plus atypique. Et il n'a découvert la France et son glorieux passé mathématique que sur le tard, d'abord en simple touriste.

Il n'est encore qu'un lycéen de 16 ans lorsqu'il remporte en 1995 la médaille d'Or des Olympiades internationales de mathématiques, ce qui lui vaut d'être repéré par un professeur de l'Institut de mathématiques pures et appliquées (IMPA) de Rio de Janeiro. Tout en terminant le lycée, il entame un master à l'IMPA, où il restera pour sa thèse jusqu'en 2001.

C'est durant cette période qu'il découvre l'Europe, puis Paris. "Il y avait une forte tradition de collaboration scientifique entre la France et le Brésil, en particulier à l'IMPA, mais je ne connaissais pas encore l'excellence de l'école française en mathématiques", avoue le jeune homme dans une interview au journal du CNRS.

Et s'il a ensuite eu envie de rester à Paris, "c'est d'abord pour des raisons personnelles", souligne-t-il, sans en dévoiler davantage sur sa vie privée.

Artur Avila échoue à deux reprises au concours d'entrée du CNRS, en 2001 et 2002. Coup de chance, Jean-Christophe Yoccoz, lui-même médaille Fields en 1994 et qui fut scientifique "coopérant" à l'IMPA de Rio dans le cadre de son service militaire, obligatoire à l'époque, le prend sous son aile et décroche pour lui un poste au Collège de France.

Le temps pour le brillant Brésilien de rentrer enfin au CNRS en 2003 et de se consacrer entièrement à la recherche, une spécificité française saluée tant dans l'Hexagone qu'à l'étranger.

"Ce type de postes est rare, voire inexistant, dans les autres pays", relève le Britannique John Ball, de l'Institut de mathématiques de l'Université d'Oxford.

Selon lui, "la disponibilité de nombreux postes de chercheurs à plein temps, donc sans charge d'enseignement, comme ceux du CNRS a offert aux chercheurs l'occasion de profiter de périodes de concentration prolongée précieuses pour la création et le développement de nouvelles mathématiques".

Alors que les universités et instituts américains préfèrent souvent s'attacher les cerveaux talentueux - Français compris - à grands renforts de bourses, le système français joue aussi la carte de la coopération avec des pays moins favorisés, en Afrique, Asie ou Amérique du Sud.

Artur Avila gagnera sur les deux tableaux. Médaille de bronze du CNRS en 2006, il obtient la même année une bourse de l'Institut mathématique Clay américain, une référence mondiale, qui lui permet de travailler là où bon lui semble.

Il choisira l'IMPA, dans sa ville natale, avec lequel le CNRS ouvrira la même année une "unité mixte internationale" de recherche, qui lui permet de son propre aveu de "faire des maths à la plage", en maillot de bain, durant une bonne partie de l'année.

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