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Droit de vote des détenus: Londres essuie une nouvelle condamnation de la justice européenne

Droit de vote des détenus: Londres essuie une nouvelle condamnation de la justice européenne

Le Royaume-Uni a subi mardi une nouvelle condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme pour sa législation privant du droit de vote ses détenus condamnés, un dossier qui empoisonne depuis près de dix ans les relations entre Londres et le Conseil de l'Europe.

Les juges de Strasbourg ont donné raison à dix requérants, des détenus qui se plaignaient de n'avoir pas pu voter aux élections européennes de 2009 du fait de la législation britannique controversée. Ils ne leur ont toutefois pas accordé d'indemnités.

Mais au-delà de ces cas spécifiques le bras judiciaire du Conseil de l'Europe (qui réunit 47 Etats, dont ceux de l'UE) a marqué sa volonté de reprendre la main dans cet épineux dossier qui a déjà valu plusieurs condamnations au Royaume-Uni, la première remontant à 2005.

Depuis, les requêtes de détenus se sont accumulées: plus de 2.000 affaires pour ce motif sont aujourd'hui pendantes devant la CEDH. En 2010, face à cet afflux, la Cour avait même rendu un "arrêt pilote" enjoignant le Royaume-Uni de modifier sa législation.

La jurisprudence de la CEDH est simple: un pays n'a pas le droit d'interdire le vote de manière systématique pour les condamnés, comme le fait la Grande-Bretagne, sans tenir compte de la nature et de la gravité des infractions commises. D'autres pays comme la Russie et la Turquie ont aussi été condamnés pour des raisons similaires.

Mais malgré les rappels à l'ordre, les Britanniques font de la résistance, considérant que les juges de Strasbourg outrepassent leur rôle en s'immisçant dans un débat de société relevant selon eux de la souveraineté de chaque pays.

"Le gouvernement a toujours été clair sur le fait qu'il pense que le droit de vote des détenus est un sujet qui doit être tranché au Royaume-Uni", a réagi mardi un porte-parole du ministère de la Justice après cette nouvelle condamnation.

Le Premier ministre David Cameron, qui n'a pas caché que l'idée d'accorder le droit de vote aux prisonniers le rendait "malade", a toujours été clair sur ses intentions. "Les détenus n'auront pas le droit de vote sous ce gouvernement", avait-il insisté devant la Chambre des communes fin 2012.

L'année précédente, les députés britanniques avaient déjà rejeté par un vote massif l'injonction de la Cour de Strasbourg de modifier leur législation, du côté des conservateurs comme des travaillistes.

En novembre 2012, le gouvernement britannique a tout de même rédigé un avant-projet de loi ouvrant plusieurs possibilités, allant du statu quo à l'autorisation de voter pour les détenus condamnés à moins de quatre ans de prison. Mais, après avoir reçu le rapport d'un comité parlementaire, il doit toujours présenter son projet de loi final, qui devra ensuite faire l'objet d'un vote du parlement.

La CEDH a pris acte mardi de ces "récents progrès". Mais "étant donné que la loi n'a toujours pas été modifiée, la Cour conclut à la violation" de la Convention européenne des droits de l'homme, selon son arrêt rendu mardi par cinq voix contre deux.

Ce dernier n'est pas définitif: les parties disposent de trois mois pour demander un éventuel réexamen par son instance suprême, la Grande Chambre.

Face à l'inflexibilité britannique, le Conseil de l'Europe et la CEDH ont longtemps fait preuve de patience, accordant plusieurs délais à Londres pour obtempérer. La Cour avait même décidé en mars 2013 de suspendre l'examen des affaires pendantes, avant de le reprendre cette année.

L'arrêt rendu mardi "montre que la Cour maintient sa position, mais c'est un arrêt a minima, qui montre qu'on est encore dans une attitude de temporisation" vis-à-vis de Londres, a commenté Nicolas Hervieu, juriste en droit public (Université Paris Ouest) et spécialiste de la CEDH.

Il relève notamment que la Cour "aurait pu rappeler plus fermement que le Royaume-Uni continue de ne pas vouloir exécuter ses précédents arrêts" et, surtout, que les juges ont choisi de ne pas accorder d'indemnités aux requérants. "Or, s'il y a bien un levier très important pour faire bouger les choses, c'est le levier financier", a-t-il estimé.

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