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Turquie: le candidat de l'opposition contre le "fantasme" d'une présidence forte

Turquie: le candidat de l'opposition contre le "fantasme" d'une présidence forte

Le candidat de l'opposition à la présidentielle de dimanche en Turquie, Ekmeleddin Ihsanoglu, dénonce comme un "fantasme" la présidence forte vantée par l'ultra-favori Recep Tayyip Erdogan, et prêche à l'inverse pour un exercice apaisé du pouvoir.

Depuis des semaines, ce professeur d'histoire respecté et fin connaisseur de l'islam a fait campagne en prenant le contrepied de son principal adversaire.

Aux grandes ambitions et à "l'hyper-présidence" martelées devant des centaines de milliers de partisans par le Premier ministre islamo-conservateur, M. Ihsanoglu a opposé de sa voix douce et en petits comités sa préférence pour une magistrature suprême neutre, dans le cadre parlementaire actuel.

Une présidence forte "n'est pas dans l'intérêt du pays, c'est pour cette raison que la Turquie va rejeter ce régime", confie le candidat commun du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et du Parti de l'action nationaliste (MHP, nationaliste) dans un entretien accordé à l'AFP.

C'est peut-être le "souhait personnel (de M. Erdogan) ou son fantasme (...) certaines personnes, même certains hommes politiques ou intellectuels peuvent penser que c'est une bonne chose, mais notre pays ne l'acceptera pas", insiste-t-il.

A la tête du pays depuis 2003, M. Erdogan est contraint d'abandonner la direction du gouvernement à l'issue des législatives de 2015. Il a répété son intention de profiter de la première élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct pour renforcer les pouvoirs du chef l'Etat, jusque-là limités.

Sa vision d'une Turquie dirigée depuis le palais présidentiel irrite les détracteurs du Premier ministre, qui l'accusent de vouloir devenir le "nouveau sultan" du pays.

"Aujourd'hui, la démocratie (turque) est confrontée à un autre problème: l'accumulation de tous les pouvoirs dans une seule main, d'une part, et la disparition du principe de séparation des pouvoirs", prévient M. Ihsanoglu.

Le chef du gouvernement islamo-conservateur a essuyé en juin 2013 la fronde de millions de manifestants qui ont dénoncé sa dérive autoritaire et islamiste.

Mais, malgré un scandale de corruption inédit et un discours agressif qui a polarisé le pays, il a remporté haut la main les élections locales de mars dernier, soutenu par la majorité conservatrice et religieuse du pays qui a largement profité de la croissance de l'économie turque depuis son arrivée au pouvoir.

Ancien chef de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu veut précisément mettre un terme à cette stratégie de la tension.

"Ce qui m'a poussé à accepter d'être candidat c'est qu'aujourd'hui, la Turquie est précipitée dans un environnement chaotique, désunie, divisée", déplore ce septuagénaire aux fines lunettes et à la moustache blanche, aux allures de grand-père tranquille.

"La première chose que je ferais (si j'étais élu) serait de dire aux 76 millions de Turcs que je suis le président de chacun d'entre eux", insiste-t-il, "comme le ferait un chef de famille qui rassemblerait les siens pour un déjeuner ou un dîner (...) je rassemblerais 76 millions de personnes à la même table".

A l'inverse de M. Erdogan, la tête d'affiche du CHP et du MHP souhaite aussi réhabiliter les principes de la séparation de l'Etat et de la religion, chers au père fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk, qu'il juge en péril.

"Nous souhaitons que la Turquie moderne se réunisse autour des principes prônés par Atatürk, nous voulons apporter la sérénité au pays, parce que pour les gens, le plus important, c'est de vivre en paix et en confiance", affirme M. Ihsanoglu.

Même s'il a reçu vendredi le soutien officiel de la communauté alévie, une minorité musulmane progressiste de Turquie, le candidat commun de l'opposition reste à la peine face au rouleau compresseur Recep Tayyip Erdogan.

L'enquête publiée jeudi par la société privée Konda lui accorde 34% des suffrages contre 57% des voix à M. Erdogan et 9% au candidat des Kurdes Selahattin Demirtas.

str-BA/pa/pt

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