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Berlin se cherche un nouveau régime de ventes d'armes à l'étranger

Berlin se cherche un nouveau régime de ventes d'armes à l'étranger

Le ministre allemand de l'Economie veut encadrer plus strictement les exportations d'armes, une croisade qui irrite son partenaire conservateur et inquiète les industriels, sur fond de sanctions contre la Russie.

Vendre des armes à l'étranger, "c'est très vite faire des affaires avec la mort", a martelé il y a quelques jours Sigmar Gabriel.

Le ministre social-démocrate profite des vacances d'Angela Merkel pour justifier son titre de vice-chancelier, habituellement purement honorifique, et occuper le terrain médiatique sur un dossier qui lui est cher. Dans la même interview il critiquait Français et Britanniques qui font affaire avec Moscou.

Le plaidoyer était déjà un thème de campagne de son parti SPD aux législatives de 2013, mais prend un relief particulier en pleine crise ukrainienne. M. Gabriel, pour qui les sanctions des Européens à l'encontre de la Russie ne vont pas assez loin, a bloqué cette semaine un contrat allemand pour un centre de formation militaire pour Moscou.

Le ministre ne veut pas changer la loi, déjà assez restrictive, mais que ses services soient plus regardants sur la délivrance des autorisations à l'export. Et notamment sur l'identité des pays acheteurs, et leur rapport aux droits de l'Homme.

En 2013, le gouvernement précédent de Mme Merkel a autorisé 5,8 milliards d'euros d'exportations d'armement, dont 62% dans des pays hors de l'Otan, notamment vers l'Algérie, le Qatar, l'Arabie-Saoudite. Ce dernier pays est particulièrement dans le viseur de M. Gabriel.

Mais la croisade du ministre, vue par certains comme une main tendue à l'opposition verte et d'extrême-gauche dans la perspective d'une hypothétique alliance post-Merkel, n'est pas du goût du camp conservateur de la chancelière.

Le chef des conservateurs bavarois Horst Seehofer reproche à M. Gabriel d'agir "sans concept et sans boussole" et de mettre l'emploi en péril. "Les entreprises allemandes vont disparaître du marché ou partir à l'étranger", prévient-il.

Sa région en abrite plusieurs, ainsi Airbus Defence and Space, le fabricant de chars Krauss Maffei Wegmann - en cours de rapprochement avec le français Nexter - ou encore le fabricant de fusées Diehl.

L'industrie allemande de la défense est discrète sur son chiffre d'affaires et préfère parler de la valeur de sa production - 22,6 milliards d'euros en 2011, dernière date pour laquelle des chiffres sont disponibles. Elle revendique près de 100.000 emplois directs, et y ajoute plus de 200.000 emplois chez sous-traitants et fournisseurs, des chiffres qui ne font pas l'unanimité.

Même chose pour son rang dans le monde: pour l'Institut de recherche sur la paix internationale de Stockholm (Sipri) l'Allemagne est le troisième exportateur mondial d'armes derrière les Etats-Unis et la Russie, mais la fédération allemande BDSV est plus modeste: "nous sommes sûrement dans les 10 premiers", selon un porte-parole.

L'armement est bien le seul domaine où les Allemands ne sont pas fiers de leur force à l'export, relevait mardi le quotidien Handelsblatt.

Autant que les ventes de chars ou de missiles, les militants pacifistes s'émeuvent des exportations d'armes légères - les pistolets d'un Heckler & Koch par exemple, grand nom du secteur avec plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel.

Dans un vibrant plaidoyer pour interdire les exportations d'armes, l'ex-chancelier social-démocrate Helmut Schmidt a qualifié à l'automne dernier ces armes légères d'"armes de destruction massive des temps modernes".

De manière générale "je trouve cela aberrant d'envoyer des armes plutôt que des soldats", poursuivait-il.

Le confrère de M. Gabriel aux Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, lui aussi social-démocrate, plaide effectivement depuis plusieurs mois pour que l'Allemagne s'engage plus directement dans le réglement des conflits mondiaux.

Du côté des industriels, "nous voudrions que le gouvernement nous dise quelle sera sa position", réclame instamment le président de la fédération BDSV Georg Wilhelm Adamowitsch. En attendant Reinmetall, empêché d'exporter en Russie, a émis jeudi un avertissement sur résultats et son action a terminé la journée avec une baisse de 2,31% sur un indice MDax en repli de 0,29%.

M. Gabriel va recevoir mi-août les représentants des comités d'entreprises des acteurs du secteur.

mtr/fjb/jr

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