Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Des millions de Birmans soutiennent Suu Kyi qui veut changer la Constitution

Des millions de Birmans soutiennent Suu Kyi qui veut changer la Constitution

L'opposition birmane a recueilli des millions de signatures en soutien à l'amendement de la Constitution qui empêche sa chef Aung San Suu Kyi de devenir un jour présidente. Une démonstration de force avant les législatives cruciales de 2015.

La lauréate du prix Nobel de la paix a sillonné le pays, appelant devant des milliers de personnes l'armée à accepter de réduire son rôle en politique.

Alors que sa Ligue nationale pour la démocratie (LND) se pose en autorité morale dans une Birmanie qui émerge de décennies de dictature militaire, la pétition lancée en mai avait récolté quelque 3 millions de signatures début juillet.

"Dans un pays démocratique, la volonté du peuple est importante", a souligné à l'AFP Nyan Win, porte-parole du parti.

La campagne, qui se termine ce samedi, se concentre sur une clause qui assure de fait un droit de veto à l'armée pour changer la Constitution de 2008.

Le texte controversé rédigé par l'ancienne junte stipule ainsi que tout amendement constitutionnel doit être adopté par plus de 75% du Parlement, alors qu'un quart des sièges sont réservés aux militaires d'active.

Nyan Win espère que cette clause sera modifiée lors de cette session du Parlement qui se termine fin juillet, et que cela ouvrira la porte à d'autres changements.

Mais difficile de prévoir l'impact réel de la campagne très médiatisée de la LND.

Les délibérations de la commission créée pour réviser la Constitution ne seront pas influencées par la pétition, a assuré à l'AFP un de ses membres.

Selon lui, ce groupe, dominé comme le Parlement par les militaires et le parti au pouvoir soutenu par l'armée, devrait publier ses premières recommandations dans les prochains jours, mais uniquement à partir des suggestions soumises avant la date limite de décembre dernier.

Certains pensent que la commission a déjà décidé de ne pas soutenir le changement d'un autre article, qui empêche Suu Kyi de devenir présidente.

Cette clause, qui aurait été rédigée spécialement contre elle, stipule qu'un Birman ayant un époux ou des enfants étrangers ne peut accéder à la magistrature suprême. Or Suu Kyi était mariée à un Britannique, aujourd'hui décédé, et leur deux fils sont britanniques.

Grâce aux réformes lancées par le gouvernement, l'ancienne prisonnière politique est désormais députée. Elle ne cache pas sa volonté d'être présidente et a appelé en mai les militaires à soutenir la pétition.

Mais si la réforme n'est pas à la hauteur de ses espoirs, l'opposante pourrait envisager de ne pas participer aux élections de 2015, a estimé Derek Tonkin, ancien ambassadeur britannique dans plusieurs pays d'Asie du sud-est.

"Beaucoup dépendra du tempérament de Aung San Suu Kyi elle-même", a-t-il indiqué à l'AFP, soulignant que la fille du héros de l'indépendance birmane était convaincue d'être "née pour gouverner".

Si les Etats-Unis ont apporté leur soutien aux efforts de Suu Kyi pour devenir présidente, en Birmanie, "il n'y a pas de soutien au changement de cet article" en dehors de la LND, selon l'analyste Renaud Egreteau.

"Personne ne veut que le prochain président ait une femme chinoise ou un mari musulman", a ajouté le chercheur.

L'ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1948, vit depuis longtemps dans l'ombre de son voisin chinois. Elle a également été secouée depuis 2012 par des violences meurtrières entre bouddhistes et musulmans, faisant craindre une déstabilisation du processus de transition démocratique.

Si les législatives de 2015 sont libres, la LND a toutes les chances de les remporter, ouvrant la voie à l'élection par le Parlement d'un président issu du parti.

Mais dans un pays contrôlé d'une main de fer par les militaires pendant près d'un demi-siècle, l'incertitude est toujours de mise.

La pétition a permis à la LND de prouver qu'elle était "une force politique", a noté Egreteau. Mais elle a aussi rendu les élites nerveuses.

Les élus du parti majoritaire sont conscients du risque de perdre leur siège. Et l'armée, si elle ne veut pas reprendre le pouvoir, voit son influence au Parlement comme partie intégrante de son rôle de "gardien" du pays et ne veut "aucun changement majeur", a insisté le chercheur.

"Tout le monde pense qu'après 2015, beaucoup de choses seront différentes. Mais personne ne sait comment".

bur-klm/dr/abd/ros

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.