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La banque des Brics, une ambition au dessus de leurs moyens ?

La banque des Brics, une ambition au dessus de leurs moyens ?

La nouvelle architecture financière des Brics, lancée lors de leur sommet au Brésil, se pose en alternative à l'Occident, une ambition qui se heurte à plusieurs obstacles pour ce club très hétérogène des puissances émergentes.

Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud ont créé une banque de développement et un fonds de réserve d'urgence, présentés comme une "reconfiguration de la gouvernance économique mondiale".

Érigés en contrepoids à la Banque mondiale (BM) et au Fonds monétaire international (FMI), la banque des Brics, basée à Shanghai, suscite désormais la question d'une hégémonie de Pékin.

"La Chine ne pourra régner sur la banque des Brics de la même manière que les Etats dominent la BM ou le FMI. Les frictions entre la Chine, l'Inde et la Russie sont de longue date", indique David Yang, analyste au cabinet anglo-saxon IHS, l'un des experts consultés par l'AFP.

Au Brésil, l'opposition de droite a même parfois été jusqu'à dénoncer un "néo-colonialisme chinois".

"L'Inde a la crainte d'une domination de la Chine sur la banque et son impact", confirme Tanvi Madan, chargée de ce pays au sein du think tank américain Brooking Institute.

La présidente brésilienne Dilma Rousseff a tempéré les ardeurs anti-occidentales en soulignant que la nouvelle banque n'avait pas vocation à les "éloigner du FMI" mais au contraire aider à le "démocratiser", alors que l'agence chinoise Xinhua saluait une "alternative attendue depuis longtemps".

Le groupe des émergents semble manquer de "cohérence interne", explique Bruno Borges, professeur à l'Université pontificale catholique de Rio. "Le fait d'être si disparates et de poursuivre des objectifs différents explique pourquoi leur champ d'action reste d'ordre général jusqu'à présent", souligne-t-il

Les Brics, 40% de la population et 20% des richesses mondiales, s'entendent en revanche pour déplorer la lenteur de la réforme des institutions internationales, censées leur accorder davantage de droit de vote.

"Il y a l'idée que si les institutions actuelles ne peuvent pas s'adapter, alors les puissances émergentes doivent en créer d'autres. Mais les Brics restent fortement attachées aux structures existantes", souligne Oliver Stuenkel, expert à la Fondation Getulio Vargas de Sao Paulo

Le FMI s'est d'ailleurs lui même déclaré "ravi" de collaborer avec la banque des Brics.

L'autre objectif affiché par ce nouvel organisme est de se consacrer à l'économie réelle et non à la spéculation.

"Le but premier de la banque des Brics est de résoudre le manque abyssal de financement pour les projets d'infrastructure", précise Zhenbo Hou, spécialiste des émergents au centre de réflexion britannique Overseas Development Institute (ODI).

Mais la faiblesse des moyens engagés risquent aussi de limiter la portée de ce projet.

Selon un récent rapport de la BM, le besoin annuel de financement d'infrastructures des marchés émergents dépasse 1.000 milliards de dollars, alors que le capital initial de la banque des Brics s'élève à 50 milliards.

Le capital de cette banque, plus de quatre fois inférieur à celui de la BM, est réduit en raison de leur volonté d'y contribuer à part égales, y compris pour l'Afrique du Sud, plus modeste que ses partenaires.

Quant à la dotation du fonds de réserve de 100 milliards, "elle est bien plus petite que celle du FMI avec ses 1.000 milliards de dollars engagés", ce qui va "limiter son champ d'action aux économies des Brics", selon un rapport de Capital Economics, cabinet de consultants basé à Londres.

Enfin, le club des émergents doit encore clarifier une question cruciale: les critères d'octroi des prêts.

"Leur banque va-t-elle utiliser des méthodes transparentes pour approuver les prêts ? Va-t-elle utiliser les règles comptables et les études financières internationales traditionnelles ?", interroge Edward Verona, du cabinet d'affaires américain McLarty Associates.

Selon M. Verona, la compétitivité de cette banque en "dépend". "Si ces critères sont souples, elle aura moins de problème pour concurrencer la Banque mondiale et les autres banque de développement régionales", estime-t-il.

pz/abl

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