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Mondial-2014 - Des Allemands fiers mais pas chauvins

Mondial-2014 - Des Allemands fiers mais pas chauvins

Pouvant déjà se targuer d'être la première économie européenne et d'avoir à sa tête "la femme la plus puissante du monde", Angela Merkel, l'Allemagne a ajouté dimanche à son palmarès la coupe du monde de football, ravivant des clichés sur son hégémonie.

Pour certains commentateurs, les foules allemandes en délire brandissant les couleurs nationales, noir-rouge-or, sont un spectacle inquiétant compte tenu de l'histoire tragique du pays.

Le New York Times rendait compte par exemple des manifestations de liesse dans la nuit de dimanche à lundi en expliquant que la victoire en finale contre l'Argentine (1-0) "symbolisait, au moins pour les supporteurs, non seulement la domination du pays sur l'Europe, mais aussi sa prééminence mondiale".

"Ce n'est que du foot", assuraient les commentateurs en Allemagne, estimant que le pays avait autant le droit que quiconque à organiser de telles célébrations nationales.

C'est la coupe du monde 2006, en Allemagne, qui a constitué une rupture. Personne ne s'est alors offusqué de voir la foule bon enfant s'époumoner avec l'hymne national dans des stades pleins à craquer.

Huit ans plus tard, le journal régional Kölner Stadt-Anzeiger estimait que "si le concept de +nation building+ (en anglais dans le texte) n'était pas aussi lié à la construction des nations dans un contexte post-colonial,(...) on pourrait dire que l'Allemagne est en plein dans un tel processus. Les crispations du passé se sont enfin détendues, et pourtant cela ne débouche pas sur un nouveau nationalisme, mais sur davantage d'ouverture sur le monde".

Pour sa part, le politologue Gero Neugebauer estimait que certes "les gens ont attaché des drapeaux sur leur voiture, mais s'ils tombent personne n'ira les ramasser sur le bas-côté".

Joerg Forbrig, du German Marshall Fund, un centre de réflexion transatlantique, estimait quant à lui que "nous ne devrions pas chercher trop de signification dans les célébrations de tout un pays". "Est-ce un nouveau signe de la domination et du pouvoir de l'Allemagne? Cela me semble un peu excessif".

Le président de la République Joachim Gauck, qui était dans le stade avec Mme Merkel, a expliqué que cette victoire lui rappelait la première des trois coupes du monde remportées précédemment par l'Allemagne (de l'Ouest) en 1954 contre la Hongrie.

"Nous sommes de nouveau une nation", avait commenté le sélectionneur de l'époque, alors que l'Allemagne se lançait dans son "miracle économique", neuf ans après la défaite nazie qui l'avait laissée matériellement et moralement en ruine.

Pour le politologue Hajo Funke, le pays était à l'époque encore totalement dans le déni à l'égard du nazisme, et les célébrations de la victoire au Mondial étaient caractérisées par "des tonalités fortement nationalistes".

"A l'époque, les gens se disaient +nous avons le droit d'oublier les crimes du national-socialisme et le fait que des millions d'entre nous y ont participé", affirme-t-il, soulignant que le travail de mémoire avait commencé tardivement.

Même la victoire au Mondial 1990, peu après l'ouverture du Mur de Berlin et avant la réunification avait des relents de nationalisme assez perturbants, selon M. Funke, un spécialiste de l'extrême droite. "Cette fois-ci, c'était vraiment différent. La plupart des gens ont ovationné un football ouvert, un esprit d'équipe, pas la défense du nationalisme".

Néanmoins, le football n'est jamais totalement séparé de la politique, singulièrement dans la couverture médiatique, analysait Hans Kundnani, directeur de recherche au European Council on Foreign Relations, un cercle de réflexion sur la politique étrangère.

"Il y a deux ans, à l'Euro, il y avait eu cette coïncidence troublante, l'Allemagne jouant contre la Grèce le jour même des négociations sur la crise (financière) européenne", rappelait-il.

Après la victoire allemande, un quotidien avait titré "Personne ne nous arrête plus". "C'était le genre de nationalisme" qui prévalait, selon lui.

Il notait également que l'Allemagne avait tendance à considérer la politique internationale et l'économie mondiale comme une forme de compétition sportive. "Merkel parle constamment de compétitivité, et les Allemands se gargarisent du terme +Export-Weltmeister+", champion du monde des exportations.

Toujours est-il que M. Kundnani lui aussi mettait en garde contre une sur-interprétation. "Pendant le match j'ai failli envoyer un tweet pour dire +Nous sommes de nouveau quelqu'un, mais qui sommes nous?".

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