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Le Mondial rapproche pour la première fois le Brésil de ses frères latinos

Le Mondial rapproche pour la première fois le Brésil de ses frères latinos

Le Mondial a été pour les Brésiliens une occasion inédite d'être en contact avec des dizaines de milliers de latino-américains qu'ils connaissent généralement assez mal en raison de l'isolement de ce pays lusophone dans un continent hispanophone.

Avec ses 200 millions d'habitants, soit près d'un tiers de la population d'Amérique latine, le Brésil aux dimensions continentales semble se suffire à lui-même: il a une riche culture musicale, un grande production littéraire, une vaste culture gastronomique et avant tout une langue différente du reste de la région.

Mais à la fin d'un mois de passion footballistique, l'expérience de millions de Brésiliens en contact direct avec leurs voisins de langue espagnole - Mexicains, Colombiens, Chiliens, Argentins, Equatoriens, Costariciens, Uruguayens - pourrait avoir changé.

"Comme anthropologue, et du haut de mes 77 ans, je vois la relation du Brésil avec les autres pays d'Amérique latine comme très faible. Nous avons peu de contacts avec les latino-américains", déclare à l'AFP Roberto DaMatta, l'un des plus importants anthropologues brésiliens, auteur de dizaines de livres et articles sur l'identité brésilienne.

"Et cela fait partie de notre complexe de colonisé, de ne pas avoir l'Amérique latine comme référence", ajoute-t-il.

"Par exemple, les latino-américains veulent aller étudier en Europe ou aux Etats-Unis, sortir d'ici", dit-il.

Un exemple curieux: sur les radios brésiliennes il est très rare d'entendre des chansons en espagnol.

"Cet échange a été très beau", déclare à l'AFP Kamile Piccoli, une Brésilienne de 18 ans qui a travaillé dans un hôtel de Sao Paulo pendant la Coupe.

"Parfois on faisait des fêtes à l'hôtel et les Chiliens, les Mexicains et les Argentins mettaient la musique de leur pays que l'on ne connaît pas du tout ici. Eux par contre, ils connaissent Caetano Veloso ou Chico" Buarque, grands noms de la musique brésilienne.

"Ce qui se passe au Brésil arrive dans tous les pays aux dimensions continentales", affirme l'historien brésilien Daniel Strum, 42 ans. "Et par rapport à l'Amérique latine, il y a en plus la barrière linguistique", souligne-t-il.

"Au Brésil, on parle toujours des (voisins) sud-américains et rarement des Colombiens ou Equatoriens, par exemple", renchérit son ami géologue André Stern, 39 ans.

Tous deux habitent Sao Paulo et se promènent à Vila Madalena, le quartier bohème, qui rassemblait supporters et touristes pendant le Mondial.

Dans les rues animées du quartier on entend tout autant le portugais que l'espagnol et toutes ses gammes d'accents latino-américains.

Dans un bar, des Argentins - que les Brésiliens appellent non sans une certaine ironie "hermanos" (frères) - commentent la prochaine finale entre leur pays et l'Allemagne. Il y a aussi un groupe d'Uruguayens qui ne sait pas encore qui il soutiendra pour la finale Argentine-Allemagne dimanche, et aussi un Chilien. Il y a quelques semaines, on voyait aussi de nombreux Mexicains, Costariciens et Colombiens venus soutenir leur sélection.

"Le Brésil n'a jamais connu une aussi grande concentration de latino-américains en un seul mois", a déclaré à l'AFP le ministre brésilien du Tourisme, Vinicius Lages.

D'après les chiffres les plus récents du ministère qui vont jusqu'en 2012, les Argentins, Américains et Allemands sont ceux qui visitent le plus le Brésil.

Il n'y a pas encore de chiffres définitifs sur le flux de voyageurs pour la Coupe, mais on estime que les latino-américains représentent la moitié des plus de 600.000 étrangers venus pour cette compétition, selon M. Lages.

"Nous voulons augmenter le tourisme régional et l'expérience de la Coupe a été très bonne dans ce sens. Cela a été une rencontre du Brésil avec le reste du continent, quelque chose de plus profond qu'un simple voyage touristique", s'est-il félicité.

Outre Sao Paulo, une ville déjà cosmopolite de onze millions d'habitants, le Mondial s'est déroulé dans onze autres villes dont Curitiba (sud) et Manaus (nord). Cuiaba (centre-ouest), la plus petite des villes hôtes avec 542.000 habitants, a reçu 100.000 touristes.

"C'est un échange très intéressant surtout dans les villes les plus petites et éloignées qui n'ont pas l'habitude de recevoir des étrangers", a souligné Roberto DaMatta.

"Il est difficile d'évaluer la profondeur de cet échange mais je pense qu'il en restera quelque chose", a-t-il dit.

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