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Allemagne: une frénésie pour le football née après la défaite nazie

Allemagne: une frénésie pour le football née après la défaite nazie

Comme le montre la foule vibrant pour la "Nationalmannschaft" devant les écrans géants de Berlin depuis le début du Mondial, l'Allemagne entretient une passion unique pour le football... Une frénésie apparue après le traumatisme de la défaite nazie.

A quelques heures d'un huitième finale de Coupe du monde pour l'équipe allemande, les drapeaux noir-rouge-or sont omniprésents dans les rues de Berlin. Sur le toit ou les rétroviseurs des voitures, aux fenêtres, voire sur les vêtements, l'Allemagne exhibe fièrement ses couleurs.

Comme lors de chaque Coupe du monde depuis celle de 2006 à domicile, une zone réservée aux supporteurs d'une capacité de 100.000 personnes dès le début du tournoi (200.000 pour la demi-finale et la finale) a été mise en place en face de la Porte de Brandebourg, en plein coeur de la capitale. On y vient même en famille et chaque victoire provoque des scènes de liesse jusque tard dans la nuit.

Sur le petit écran, les audiences sont phénoménales. 32,57 millions de téléspectateurs ont regardé la victoire historique (7-1) contre le Brésil en demi-finale, devenue l'événement le plus suivi de tous les temps à la télévision allemande.

"L'équipe nationale actuelle est la plus belle idée que les Allemands peuvent avoir d'eux-mêmes. Charmante, combattante, ambitieuse, couronnée de succès, mais aussi sensible, modeste et cool", écrivait jeudi le quotidien Die Welt.

Une belle image de l'Allemagne, permettant au peuple de ressentir un sentiment de fierté et d'appartenance nationale... C'est bien ce que le sport et singulièrement le football ont apporté à la République fédérale après le traumatisme de la défaite militaire du régime nazi.

"Nous sommes de nouveau quelqu'un", s'était exclamé l'entraîneur allemand Sepp Herberger, après la victoire surprise (3-2) le 4 juillet 1954 de l'équipe allemande en finale du Mondial à Berne (Suisse) face à la Hongrie réputée invincible.

Cette phrase est restée dans toutes les mémoires. Neuf ans après la fin de l'Holocauste, les Allemands, à peine sortis des ruines de la Deuxième Guerre mondiale et désireux de se réintégrer dans la communauté internationale, relevaient la tête.

"Le miracle de Berne", immortalisé par le film du réalisateur allemand Sönke Wortmann sorti en 2003, a marqué des générations d'Allemands. L'ex-chancelier Gerhard Schröder avait confié qu'après avoir vu ce match dans un bistrot, alors qu'il était âgé de 10 ans, pour la première fois il s'était "senti Allemand".

"C'était comme une libération, pour les Allemands, de ce qui leur pesait sur la conscience après la guerre", selon l'historien Joachim Fest.

"En Allemagne de l'Ouest, après 1954, le football obtenait un statut symbolique et devenait une expression privilégiée de l'identité collective du jeune Etat ouest-allemand et de ses habitants", selon l'historien Wolfram Pyta, professeur à l'Université de Stuttgart. Une place que ce sport n'avait jamais eue avant la Seconde Guerre mondiale.

La fidélité du public à la "Nationalmannschaft" ouest-allemande a été récompensée depuis par l'un des plus beaux palmarès du football mondial, avec trois finales gagnées (1954, 1974, 1990) et une présence quasi-constante dans le dernier carré.

Parallèlement, l'équipe de RDA, la soeur communiste bien moins brillante, avait remporté la médaille d'or olympique en 1976. Mais dans ce pays, d'autres sports, comme la natation ou l'athlétisme, furent mis à l'honneur.

"Au grand dam des dirigeants communistes, le public de RDA vibrait en réalité pour l'équipe de l'Allemagne de l'Ouest", remarque Gunter Gebauer, professeur à l'université libre de Berlin.

En 1990, juste après la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989 et avant la réunification le 3 octobre, l'Allemagne remporte sa troisième Coupe du Monde. "C'était une euphorie nationale, portée par l'équipe allemande", se rappelle M. Gebauer.

La ferveur footballistique connaît un nouveau pic en 2006, lorsque l'Allemagne en liesse organise la Coupe du monde. Arrivée "seulement" troisième alors qu'elle rêvait du titre, elle fut louée pour le bon accueil réservé aux touristes.

"Ce fut une grande joie, l'image de l'Allemagne à l'étranger avait changé, nous n'étions pas aussi coincés qu'on en avait la réputation, nous savions faire la fête", relate M. Gebauer.

Jamais, depuis la fin du régime nazi, les Allemands n'avaient osé manifester leur identité nationale comme ils l'ont fait en 2006, entonnant sans complexe l'hymne national dans les stades.

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