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BNP, évasion fiscale: les Américains dictent encore leur loi économique

BNP, évasion fiscale: les Américains dictent encore leur loi économique

Malmenés sur le front diplomatique, les États-Unis continuent toutefois à dicter leur loi économique à travers le globe et étendent même leur champ d'action, au risque de susciter certains grincements de dents.

Le cas BNP Paribas en est l'illustration la plus spectaculaire. Après de longues tractations, la banque française devra verser 8,9 milliards de dollars pour des transactions menées hors des États-Unis mais présentant le tort d'avoir été conclues avec des pays sous embargo américain (Iran, Soudan, Cuba).

Seule l'utilisation du dollar a permis aux autorités américaines de s'octroyer une voix au chapitre et d'infliger une amende record à la banque, suscitant l'irritation des autorités françaises.

Dernier à sonner la charge, l'ancien Premier ministre Michel Rocard a fustigé un "détournement de pouvoir" dans une tribune au quotidien Le Monde, où il reproche aux États-Unis une forme "d'occupation" économique fondée sur l'extra-territorialité de leurs normes.

"Les sanctions économiques sont passées d'une réponse aux attentats du 11-Septembre à un outil plus général de politique étrangère", explique à l'AFP, sur un ton plus mesuré, Farhad Alavi, un avocat de Washington spécialiste de la question.

Un autre dossier fait froncer quelques sourcils. Depuis début juillet et l'entrée en vigueur de la loi Fatca, les États-Unis sont en droit d'exiger de dizaines de milliers de banques des informations détaillées sur les comptes de leurs ressortissants à l'étranger.

Cette offensive contre l'évasion fiscale a été adoubée par de nombreux pays mais a également été critiquée pour son unilatéralisme.

"Ce n'est pas fabuleux l'unilatéralisme", admet à l'AFP Pascal Saint-Amans, chargé de la lutte contre les paradis fiscaux à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pourtant ardent défenseur de la loi.

La "Lex Americana" a également fait l'étalage de sa puissance dans le dossier de la dette argentine.

Tranchant un litige lié à la faillite du pays en 2001, la justice américaine vient de contraindre Buenos Aires à suspendre le paiement de ses créanciers tant qu'elle n'aura pas commencé à rembourser des fonds "vautours".

Cette interdiction, qui ne devrait a priori concerner que les titres de dette argentine émis à New York, pourrait en réalité s'étendre aux obligations émises sous le droit britannique, libellées en euros et dénuées de tout lien avec les États-Unis.

Redoutant ce scénario, des fonds d'investissement ont demandé une "clarification" au juge américain chargé du dossier. "Ce tribunal doit clarifier le fait que ses injonctions ne concernent pas le paiement d'obligations libellées en euros", indique leur motion consultée par l'AFP.

A travers ces trois dossiers, les Américains envoient un message "très clair", affirme à l'AFP George Ugeux, un ancien vice-président du New York Stock Exchange : "+Ne jouez pas avec nous+."

Selon cet expert, la première puissance économique mondiale jouit encore d'un "levier considérable" grâce au dollar, principale monnaie de réserve sur le globe.

Froissées par l'affaire BNP Paribas, les autorités françaises ont d'ailleurs appelé l'Europe à se mobiliser en "faisant progresser" l'utilisation de l'euro.

Le patron du groupe pétrolier français Total, Christophe de Margerie, leur a emboîté le pas en déclarant récemment que "rien n'empêchait" le paiement du pétrole en euros alors que le marché des matières premières est actuellement dominé par le dollar.

L'extension de la "Lex Americana", qui peine encore à atteindre la Chine, pourrait avoir d'autres revers. Si les règles américaines s'avèrent trop "contraignantes", les investisseurs pourraient être tentés de "transférer" leurs activités vers d'autres marchés, assure à l'AFP Barry Bosworth, économiste à la Brookings Institution.

Aux États-Unis, ni le Trésor ni les milieux d'affaires ne semblent toutefois tétanisés par un brusque retournement de tendance au détriment du billet vert.

"C'est pot de fer contre pot de terre", affirme M. Ugeux. "Il n'y a pas de consensus européen face aux États-Unis et il ne faut pas oublier que l'euro était menacé de disparition il y a encore quelques mois."

jt/lo/are/myl

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