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Kenya: l'opposition manifeste contre le président, en plein regain de tension

Kenya: l'opposition manifeste contre le président, en plein regain de tension

Plusieurs milliers de Kényans ont manifesté lundi à Nairobi contre le président Uhuru Kenyatta, en plein regain de tension dans le pays après de nouveaux raids sanglants près de la côte touristique.

"Uhuru doit partir!", hurlait la foule rassemblée dans un grand parc au coeur de la capitale, autour duquel policiers et soldats s'étaient déployés en nombre.

"Les Kényans veulent que des réponses soient apportées dans les domaines où il y a du désordre", a lancé le chef de l'opposition et initiateur du rassemblement, Raila Odinga, en dénonçant insécurité et vie chère.

Battu à la dernière présidentielle en 2013, l'ex-Premier ministre, vêtu d'une chemise aux couleurs rouge-vert-noir du drapeau kényan, a aussi mis en cause les institutions et la domination du camp Kenyatta: le Parlement (où sa propre coalition siège pourtant) "est une partie du problème, c'est un Parlement voyou", a-t-il affirmé.

Avant son discours, les forces de sécurité avaient tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui leur jetaient des pierres. A Kisumu, fief du chef de l'opposition dans l'ouest du pays, plusieurs centaines de jeunes manifestants en colère ont aussi essuyé des tirs de gaz lacrymogènes.

La manifestation de Nairobi au parc Uhuru ("liberté", en swahili) a une forte charge symbolique. C'était sous le même cri de ralliement, "Saba Saba" ("7/7" en swahili, pour 7 juillet), que l'opposition de l'époque avait, durant les années 1990, organisé des marches pour réclamer le multipartisme.

"La vie est devenue trop dure", confie à l'AFP Mary Achieng, une coiffeuse de 23 ans venue de Juja, un bidonville en banlieue de Nairobi.

Elle espère que la manifestation "entraînera des changements, notamment pour répondre à l'insécurité, à la hausse du coût de la vie et au tribalisme".

L'opposition accuse sans relâche le pouvoir de mener une politique dictée par des considérations ethniques.

La police a annoncé le déploiement de 15.000 agents, alors que le pays est déjà en alerte par crainte des islamistes somaliens shebab, affiliés à Al-Qaïda, décidés à punir le Kenya pour son engagement militaire en Somalie.

Les shebab ont revendiqué deux nouvelles attaques, perpétrées ce week-end dans la région proche de l'archipel touristique de Lamu (sud-est), qui ont fait au moins 21 morts.

C'est dans la même région qu'une soixantaine de personnes avaient été massacrées à la mi-juin.

Ces raids avaient aussi été revendiqués par les shebab. Mais le président Uhuru Kenyatta avait dénoncé des "violences ethniques aux motivations politiques": il avait accusé des "réseaux politiques locaux" liés à des "gangs criminels", mettant notamment en cause - sans la nommer - l'opposition.

Mais, devant ses partisans qui brandissaient des pancartes le présentant comme "le président du peuple", M. Odinga a fermement nié lundi des accusations "puériles". "Le Kenya aujourd'hui ressemble à un Etat policier. La police et l'armée sont partout, pourtant les gens sont tués à Lamu".

Après les attaques du week-end, la police a accusé un groupe séparatiste, le Conseil républicain de Mombasa (MRC), qui réclame l'indépendance de la côte de l'océan Indien.

Depuis des jours, le "Saba Saba" attise les peurs de violences, sur fond de rhétorique guerrière et de divisions ethniques.

"Le Kenya risque l'implosion si tout le monde ne fait pas preuve d'un maximum de retenue", a averti le quotidien Daily Nation.

L'Autorité kényane des communications a publié dans la presse un message où elle met en garde radios locales et utilisateurs de réseaux sociaux relayant des "discours de haine".

De peur que le "Saba Saba" ne débouche sur des violences, des familles à travers le pays ont rejoint ces derniers jours leur région d'origine, pour se mettre à l'abri au sein de leur propre communauté.

Le pays reste traumatisé par les violences qui avaient suivi la présidentielle de 2007, les pires qu'il ait connues depuis l'indépendance de 1963.

Le déchaînement de haines interethniques de fin 2007-début 2008 s'était soldé par plus de 1.200 morts. Et il vaut aujourd'hui au président Kenyatta et à son vice-président - alors dans des camps rivaux - d'être accusés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale.

Le climat est encore alourdi par la mort d'une touriste russe, abattue dimanche par des hommes armés à Mombasa, la grande ville portuaire du littoral. Selon les autorités, elle a été victime de la "délinquance ordinaire", et non de terrorisme.

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