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Jean-Christophe Maillot offre une "Mégère" sexy et drôle à un Bolchoï meurtri

Jean-Christophe Maillot offre une "Mégère" sexy et drôle à un Bolchoï meurtri

Avec sa version de "La Mégère Apprivoisée", le chorégraphe français Jean-Christophe Maillot offre une création pleine d'humour et d'érotisme à un Bolchoï encore meurtri par les violents conflits qui ont déchiré la prestigieuse institution moscovite de la danse classique.

Le public russe a découvert vendredi pour sa première ce nouveau ballet inspiré de la comédie de Shakespeare, mettant en scène quatre couples qui se cherchent, se fuient, se battent et s'aiment sur scène, sur une musique composée d'extraits de Chostakovitch.

Le chorégraphe des Ballets de Monte-Carlo, qui travaille pour la première fois pour une autre compagnie que la sienne, a été convaincu par Sergueï Filine, le directeur artistique du Bolchoï, de se mettre au service de son théâtre.

"Quitte à ne pas avoir fait quelque chose pendant 20 ans et le faire pour la première fois, autant le faire au Bolchoï! Et je dois dire que j'ai été, pas surpris, mais extrêmement heureux de vérifier que c'est quand même probablement, si ce n'est la plus belle, définitivement, l'une des plus belles compagnies au monde", a confié le chorégraphe à des journalistes avant la répétition générale.

Le vénérable théâtre fait ainsi le pari d'un divertissement, dans lequel les interprètes se battent, s'échangent des claques, s'embrassent et font l'amour sur scène, avec une chorégraphie qui illustre toutes les facettes du sentiment amoureux.

Dans une scène assez osée pour le Bolchoï et qui a suscité de l'émoi dans la salle, le couple qui garde ses vêtements danse et joue une scène de sexe, pudiquement recouverte d'un voile à la fin.

Pas de trace du XVIème siècle de Shakespeare dans cette "Mégère" qui s'attache avant tout à la psychologie des personnages, ni dans les costumes, ni dans le décor épuré d'Ernest Pignon-Ernest.

"La Mégère apprivoisée" de Shakespeare, "ça n'est pas l'histoire d'une femme qui est dressée par un homme. C'est l'histoire d'une femme extraordinaire qui ne supporte pas l'idée d'être amoureuse d'un homme qui n'est pas moins extraordinaire", souligne le chorégraphe.

Catharina, la mégère, dansée par l'espiègle Ekaterina Kryssanova, est une garce qui épuise la patience de ses partenaires, avant d'être "apprivoisée" par Petruchio, Vladislav Lantratov.

Olga Smirnova, grand espoir du Bolchoï, où elle a interprété le rôle principal dans Le lac des cygnes, prête son port élégant et sa douceur au personnage de Bianca.

"Ce spectacle n'existerait pas sans ces danseurs", a souligné Jean-Christophe Maillot.

"Si on fait une métaphore un peu facile, je dirais que ce sont des Ferrari. Les Ferrari à Monaco, je les vois tourner sur une toute petite place, et là j'avais un super circuit, je les ai fait tourner très vite".

Sergueï Filine s'est dit "très heureux" de ce "nouveau travail original et spécialement fait pour et grâce aux danseurs du Bolchoï". Aucune représentation du spectacle à l'étranger n'est cependant prévue pour l'instant, a-t-il dit, précisant vouloir attendre l'accueil du public.

Jean-Christophe Maillot a reconnu que son expérience au Bolchoï n'avait pas été "tout facile". "C'est une grande maison, complexe, avec des danseurs qui travaillent énormément, il y a beaucoup de spectacles, c'est difficile de se concentrer sur tout en même temps".

Il a dû créer ce ballet en 13 semaines, avec des interprètes devant partager leur temps avec d'autres productions, au risque de ne pas parvenir à la perfection à laquelle le public du Bolchoï est habitué.

Pourtant, "il y a dans cette compagnie un merveilleux esprit, malgré tout ce qu'on a entendu", a insisté le créateur, faisant allusion à la série de scandales qui a terni la réputation du théâtre l'an dernier à la suite de l'agression à l'acide commise contre Sergueï Filine.

Cette attaque, qui a pratiquement coûté la vue au directeur artistique de la grande maison, a révélé au grand jour les rivalités féroces et les pratiques apparemment douteuses en cours dans les coulisses.

Le soliste Pavel Dmitritchenko, reconnu coupable d'avoir commandité l'attaque, a été condamné à cinq ans et demi de camp, et un danseur étoile du théâtre, Nikolaï Tsiskaridzé, a été remercié. Le directeur du Bolchoï, Anatoli Iksanov, a été limogé, tandis que le chef d'orchestre Vassili Sinaïski a choisi de démissionner.

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