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Grande-Bretagne: "Une Ferrari? Non, un vélo", dit le "Mamil"

Grande-Bretagne: "Une Ferrari? Non, un vélo", dit le "Mamil"

Longtemps confidentiel, le cyclisme a pris une dimension telle en Grande-Bretagne qu'il a favorisé l'éclosion d'une nouvelle espèce mammifère: le "Mamil", homme d'un certain âge qui préfère acheter un vélo plutôt qu'une Ferrari.

Abréviation pour "Middle aged man in Lycra", le Mamil est un mâle à partir de 35 ans qui, lorsque l'embonpoint guette, se met à porter des shorts cyclistes fluo et des maillots moulants, pas toujours flatteurs, et tente de conjurer le temps qui passe à bord de bolides généralement hors de prix.

"Ce sont des gens souvent aisés qui, avant, auraient acheté une Porsche et investissent aujourd'hui dans un vélo en carbone à 3000 livres", explique à l'AFP Michael Oliver, spécialiste du marketing qui revendique la paternité du mot "Mamil", devenu si populaire qu'il a fait son entrée dans le dictionnaire.

Véritable phénomène, les "Mamils" inondent les routes de campagne comme les ronds-points des grandes villes. Ils ont leurs marques (Rapha), leurs bars et leurs lieux de pélerinage, comme le mythique Mont Ventoux en Provence.

Prétextant le coût des transports, ils enfourchent le vélo pour se rendre au travail et se douchent au bureau. L'été venu, ils emmènent la famille sur les routes du Tour ou à Majorque, la Mecque de l'entraînement, pour transpirer dans les mêmes maillots que Bradley Wiggins et Christopher Froome.

Ils bricolent sans cesse sur leur engin, se rasent les jambes comme les coureurs et se distinguent par un amour obsessionnel pour le matériel.

"Généralement ce sont de vrais geeks", sourit Michael Oliver, décrivant une population toujours à l'affût de la dernière nouveauté et prête à dépenser des fortunes pour un guidon, un GPS ou une énième paire de freins.

"C'est le nouveau golf. Certains deviennent complètement obsédés. Contrairement à des nations traditionnelles comme la France ou la Belgique, le cyclisme n'est pas un sport de classe ouvrière au Royaume-Uni mais de classe moyenne, pratiqué par des gens prêts à dépenser beaucoup d'argent", souligne Richard Moore, auteur de plusieurs livres sur le Tour de France.

Stephen Wheatley, 59 ans, l'admet sans fard: "oui le vélo coûte cher... Mais toujours moins qu'entretenir une maîtresse", ajoute cet expert en développement d'entreprise, parti jeudi de Londres avec cinq copains pour assister au départ du Tour à Leeds.

"Accro au vélo", Stephen n'aime pourtant pas le terme de "Mamil". Ni les moqueries qui l'accompagnent, comme lorsque le Premier ministre David Cameron a dit mercredi qu'il était prêt à tout pour promouvoir le Tour de France "sauf porter du Lycra."

"Jamais on ne s'appelle comme ça entre nous, c'est un peu insultant", note Stephen, qui ne suit d'ailleurs pas tous les codes vestimentaires de la tendance: "Si je n'avais pas mon maillot Grappa (le nom de son club, baptisé ainsi en souvenir d'une "virée mémorable en Italie"), je mettrais du noir. A mon âge je me sentirais un peu ridicule dans le maillot de Bradley Wiggins ou d'Andy Schleck."

Mais il revendique tout le reste, à commencer par une obsession dévorante pour les accessoires: "Certains pensent que ma femme me trompe avec le facteur tellement je commande des choses sur e-bay".

Il montre fièrement son vélo de marque Gios, assemblé de ses propres mains. Il en taira le prix mais glisse, en guise d'indice: "Lorsque, à ma mort, ma femme voudra vendre mon vélo, dites-lui d'ajouter un zéro par rapport au prix que je lui ai indiqué".

Noël Edwards a payé plus de 8000 euros pour le sien, livré au dernier Noël. Il possède en outre un vélo pliable pour parcourir tous les jours les douze kilomètres qui le séparent de son bureau, à Londres. Sa femme, assure-t-il, "comprend".

Secrétaire général de son club, Gateway Cycling, il se souvient avec émotion de la poignée de mains échangée avec Bernard Hinault sur les Champs-Elysées en 2007 lorsqu'il avait gagné un concours organisé par un magazine de vélo.

Lui aussi est obsédé par le matériel. Et, même si à bientôt 61 ans il se considère comme "lourd et vieux", il ne compte pas s'arrêter de sitôt: "Je ne serai jamais bon, mais je suis meilleur qu'avant".

jk/gv

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