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Face à l'offensive jihadiste, Bagdad se tourne vers les milices chiites

Face à l'offensive jihadiste, Bagdad se tourne vers les milices chiites

Les autorités irakiennes, un temps en lutte contre les milices chiites, font désormais cause commune avec elles face à l'offensive fulgurante des jihadistes sunnites, au risque de les voir se renforcer et d'aggraver les tensions confessionnelles dans le pays.

Alors que les insurgés se sont emparés en quelques jours de larges pans du territoire irakien à partir du 9 juin, l'armée s'appuie désormais, selon des officiers, sur de nombreux miliciens chiites, réputés pour leur expérience et leur détermination.

Les informations sur cette collaboration sont difficiles à obtenir, certains responsables, jusqu'au porte-parole du Premier ministre Nouri al-Maliki, contestant même qu'elle ait lieu.

Mais selon des officiers, le groupe Asaib Ahl al-Haq, qui a fait sécession de l'ancienne et puissante Armée du Mahdi de Moqtada Sadr, officiellement dissoute en 2008, est l'une des milices les plus actives.

Ses forces combattent aux côtés de la police et de l'armée dans la province de Diyala, au nord-est de la capitale, et sont aussi présentes dans les environs de Bagdad, d'après les mêmes sources.

Des funérailles de membres d'Asaib Ahl al-Haq et d'autres groupes, comme Ketaeb Hezbollah, ont récemment eu lieu dans la ville sainte de Najaf, témoignant de leur participation aux combats contre les insurgés menés par les jihadistes sunnites ultra-radicaux de l'Etat islamique (EI).

Le puissant chef chiite Moqtada Sadr a de son côté annoncé la formation des Saraya al-Salam (les brigades de la paix, en arabe) qui incluront d'anciens combattants de l'Armée du Mahdi et seront chargées de défendre les sites religieux.

Hakim al-Zamili, un parlementaire fidèle à Sadr, a déclaré que les troupes de Saraya al-Salam étaient déployées à Samarra, au nord de Bagdad, pour protéger les lieux saints en coordination avec les forces de sécurité.

Samarra abrite un mausolée chiite, qui attire chaque année des milliers de pèlerins et dont la destruction partielle en 2006 avait provoqué un conflit confessionnel qui avait fait des dizaines de milliers de morts.

Les milices en Irak opèrent désormais beaucoup plus ouvertement que ces dernières années.

Le 21 juin, des milliers de combattants loyaux à Moqtada Sadr ont paradé en armes à Sadr city, un quartier majoritairement chiite du nord de Bagdad, jurant de combattre l'offensive des insurgés sunnites.

Après un défilé de camions équipés de lance-roquettes, les combattants, dans une véritable démonstration de force, ont suivi, vêtus de tenues de camouflage et pour certains de noir, marchant en rang, kalachnikovs, fusils d'assauts et lance-roquettes à la main.

Des combattants ont assuré n'être hostiles à aucune communauté religieuse et ne chercher qu'à défendre le pays.

"Nous sommes une armée de paix. Nous sommes les doigts d'une même main - sunnites, chiites et Kurdes, et nous n'allons pas vendre ce pays", a déclaré l'un d'eux, Ali al-Zayadi.

Néanmoins, les miliciens ne laissaient pas de doute sur leur allégeance. "Nous sommes les fils de Sadr", a affirmé un autre.

Pour les experts, le gouvernement prend un risque en laissant les milices agir ainsi.

"La dernière fois que les milices sont devenues fortes et que Bagdad a dû les contenir, cela a conduit à l'opération Charge des chevaliers", déclare John Drake, expert du groupe AKE, en référence à une opération menée en 2008 contre l'Armée du Mahdi, qui n'a réussi que grâce au soutien américain.

Elle s'est traduite par de "violents combats dans le sud du pays. Le problème maintenant est que le gouvernement n'a plus le même soutien militaire des Américains", ajoute-il.

Une résurgence des milices chiites risque également de provoquer la colère de la minorité arabe sunnite, qui habite principalement dans les secteurs dont les jihadistes ont pris le contrôle et qui avait été visée par des escadrons de la mort durant les violences confessionnelles de 2006-2007.

Washington a dans le passé accusé l'Iran chiite d'entraîner et financer des milices en Irak, Téhéran démentant ces allégations.

"Le (renforcement) des milices chiites sera au minimum un sujet d'inquiétude pour la communauté sunnite, étant donné que ces groupes étaient impliqués dans de nombreux meurtres confessionnels", souligne M. Drake.

"Cela va probablement compliquer la mise en oeuvre par le gouvernement (dominé par les chiites, ndlr) et la communauté internationale d'un dialogue sérieux avec la communauté sunnite et pourrait polariser encore davantage la société irakienne", ajoute-t-il.

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