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Triste ramadan en Centrafrique qui espère une trêve

Triste ramadan en Centrafrique qui espère une trêve

"Par la grâce de Dieu, le mois de ramadan va se dérouler normalement!" Comme les derniers musulmans de Bangui retranchés dans le quartier PK-5, dignitaires religieux et chefs de milice espèrent une trêve aux violences intercommunautaires qui ensanglantent la Centrafrique.

Le ramadan "est la période pendant laquelle le musulman s'abstient de tout acte contraire à la volonté de Dieu et à la tolérance qui caractérise l'islam. Je ne vois pas quel musulman digne de ce nom peut se permettre de commettre de tels actes", a rappelé dimanche l'imam Omar Kobine Layama, président de la Conférence islamique de Centrafrique.

Pour lui, malgré les tueries des milices chrétiennes anti-balaka et des ex-rebelles Séléka majoritairement musulmans, "il n'y a pas de conflit interreligieux en Centrafrique".

"Ce sont les politiciens et pêcheurs en eaux troubles qui attisent la haine entre les communautés et font croire à un conflit entre chrétiens et musulmans", accuse l'imam.

Les milices anti-balaka qui traquent les musulmans, civils ou combattants de la Séléka, les forçant à fuir quand elles ne les assassinent pas, se sont aussi voulu oecuméniques pour l'occasion.

"Il est hors de question que des actes puissent être posés par quelques individus pour perturber cette période. Nous avons demandé à tous les responsables des anti-balaka de veiller à cela, pour accompagner nos frères musulmans qui entament une grande prière", a assuré le "coordonnateur national" des anti-balaka, Patrice-Edouard Ngaissonna.

Au PK-5, un ancien grand quartier commerçant devenu l'enclave où sont retranchés les derniers musulmans de Bangui, l'ambiance n'est plus celle d'antan, quand les chrétiens participaient à la rupture du jeûne.

Protégés par les forces militaires internationales, la Misca (force de l'Union africaine) et Sangaris (armée française), beaucoup de musulmans refusent de partir. Mais la méfiance et la peur rongent les esprits traumatisés par les attaques de voisins chrétiens, devenus pour certains des ennemis mortels.

Le commmerçant Ismaël Abbas Waïbou se veut pourtant optimiste. "Par la grâce de Dieu le mois du ramadan va se dérouler normalement. Inch Allah! Actuellement les soldats, de la Misca, les policiers et gendarmes centrafricains font du bon travail au PK5. Pourvu que cela dure!"

Selon lui, "personne ne vient plus jusqu'ici, devant l'Etoile", un bar-dancing très fréquenté du PK5, "mais il y a des taxis, des taxis-motos et des piétons qui vont et viennent. C'est un bon signe et si personne n'est inquiété, Allah le miséricordieux veillera sur le mois du ramadan".

A la tête d'un Etat dépassé par les massacres faisant régulièrement des dizaines de morts, le Premier ministre André Nzapayaké avait appelé ses compatriotes à une trêve pour la Coupe du monde de football.

Il a réitéré son appel pour le ramadan, "une période de paix et d'amour, une période de partage. Une période pendant laquelle on s'entraide, on vient en aide aux plus faibles. Une période pendant laquelle le plus grand sacrilège est de faire mal ou du tort à l'autre. J'ai hâte de retrouver la bouillie sucrée au goût citronné et les petites gâteries des joyeuses soirées ramadanesques".

D'autres chrétiens ont des souvenirs similaires.

"Pendant cette période, on leur apportait des crudités en guise de soutien au jeûne, et à la fin les musulmans nous offraient la bouillie, les gâteaux", regrette un enseignant, Jérôme Sambanda.

"C'était vraiment la belle époque, c'était une nation fière de sa diversité. Mais aujourd'hui il y a des irréductibles", déplore Antoinette Kémako, cadre dans le secteur de la santé.

Depuis le renversement en mars 2013 du président François Bozizé par la rébellion Séléka, la Centrafrique vit une crise sans précédent. Les exactions des groupes armés contre les civils ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.

"Ils ne sont pas prêts à renoncer aux violences. Au contraire, ils veulent maintenir le pays dans une situation de tension", estime Mme Kémako. "Au détour d'une ruelle, la mort vous attend, de façon atroce, cruelle".

Aucun incident n'a été signalé au PK5 pour le premier jour et la première nuit du ramadan.

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