La nuit du 5 au 6 juillet restera à jamais gravée dans la mémoire d'Éric Mercier. Le pompier volontaire de Lac-Mégantic commençait ses vacances cette nuit-là, mais il n'a pas hésité à se rendre au centre-ville pour combattre l'incendie.
Éric se souvient de tout, comme si c'était hier. C'est lui qui faisait l'inventaire de l'équipement, du personnel, et tentait de calmer les citoyens. « Il y a des gens qui ont perdu leur conjointe et qui étaient à côté de moi. Ils me disaient : "fais-moi travailler. Fais-moi faire quelque chose, il faut je fasse quelque chose". En plus des informations que je prenais, j'essayais de contrôler ça de mon côté », confie-t-il.
Les semaines qui ont suivi la tragédie ont été pénibles. Éric manquait de sommeil et de concentration. En novembre, il a vu son médecin et le diagnostic est tombé : choc post-traumatique.
« C'est là que je me suis effondré, carrément. J'étais inconsolable. Ça n'allait vraiment pas bien à ce moment-là. », raconte-t-il. Éric a été environ six mois en arrêt de travail. Des mois durant lesquels il a vu une thérapeute.
Pas un cas isolé
Éric n'est pas le seul pompier à avoir subi un choc post-traumatique. Mais il croit que plusieurs ont choisi de refouler. « Les pompiers, on est tous des gars. On est un petit milieu macho et on n'ose pas en parler », affirme-t-il. « Il y a des gens qui en souffrent, j'en suis convaincu, mais qui ne le font pas voir ou qui mettent ça en arrière. »
Ce sentiment, Daniel Gendron le connaît aussi. Il était au volant de son ambulance le 6 juillet. « Avec l'ampleur des flammes, on savait que ce n'était pas juste le train qui brûlait. Instinctivement, on savait qu'il n'y aurait pas de blessés. S'il y en avait eu, on aurait reçu un appel dans les 10 premières minutes », se souvient Daniel.
L'ambulancier n'a donc pas fait son travail habituel cette nuit-là. « À partir de là, notre chef d'équipe nous a demandé de fermer les rues principales avec les véhicules, car la Sûreté du Québec avait juste deux véhicules », ajoute-t-il.
La période la plus difficile est venue plus tard, lorsque l'aide psychologique a commencé à se faire plus rare.
« C'est sûr qu'entre confrères de travail, on a appris à s'épauler, mais il faudrait que ça vienne de plus haut. Il faudrait que des gens qui sont plus hauts que nous, les paramédicaux, comprennent ça et entendent ce qu'on a à dire », croit Daniel.
Daniel a dû arrêter de travailler en février. En plus des souvenirs douloureux de la nuit tragique, il a perdu sa maison. Il a été exproprié parce que sa résidence se trouvait dans le nouveau centre-ville en construction. Sa famille et lui sont donc passés d'une grande maison à un appartement.
« Comment on fait? On perd tout assez vite et il faut se remettre sur pied très vite parce qu'il y a des enfants là-dedans », confie le père de famille.
Depuis, Daniel tente de reprendre une vie normale, mais il est toujours suivi par un thérapeute et entrevoit un retour au travail dans les prochaines semaines.
Éric, lui, va mieux. Il vient de décrocher un poste à temps plein comme pompier dans une autre ville.
Entraide
Malgré les séquelles et les jours plus difficiles, Éric et Daniel retiennent une chose : le dévouement des premiers répondants.
« À 4 h 30, quand les Américains sont arrivés, quand tu vois huit camions arriver, tu te dis que c'est gros. C'est gros et tu as de l'aide de partout », raconte-t-il, en larmes.
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