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Pas facile de faire son «coming out», encore moins sur son lieu de travail

Pas facile d'être homo, encore moins au boulot
Ron Chapple via Getty Images

Des milliers de personnes vont défiler ce samedi 28 juin à l'occasion de la Marche des Fiertés Lesbiennes, Gaies, Bi, Trans (LGBT), afin de prôner l'égalité des orientations sexuelles et des identités de genre, ainsi que leur liberté d'agir comme bon leur semble.

L'an dernier, les participants étaient encore euphoriques suite à la victoire que fut le mariage pour tous, mais en même temps traumatisés par le climat d'homophobie latente dû notamment à la Manif pour tous. Un an plus tard, l'affirmation de sa sexualité reste un acte délicat, souvent périlleux. Il l'est encore plus dans certains milieux, parfois hostiles, tels que le lieu de travail.

Homophobie qui peut être latente, peur d'être discriminé, rejeté par ses collègues, faire son coming out ou affirmer sa sexualité au quotidien au boulot est loin d'être aisé. Comment, lorsqu'on se sent prêt à sortir du placard, le dire à ses collègues, ou à sa hiérarchie? Faut-il s'assurer d'avoir du soutien parmi ses collègues? Ou vérifier que son entreprise n'a pas d'antécédents discriminatoires?

Car l'homophobie au travail peut être plus oppressante encore que dans la vie privée. Selon le président de l'association SOS Homophobie Yohann Roszéwitch, contacté par Le HuffPost, le lieu de travail est très propice aux discriminations: "les actes homophobes sur le lieu de travail sont constants depuis des années même si avec le débat autour du mariage pour tous, l'homophobie qui était latente s'est décomplexée. Dans la rue, on peut changer de magasin, ou d'endroit, mais on est obligé de retourner au travail tous les jours, de faire face à ses collègues".

Outre les témoignages d'homosexuels, nombreux, qui rapportent des comportements et des discussions homophobes parmi leurs collègues de travail, Yohann Roszéwitch nous affirme qu'il existe toujours, malgré la loi qui réprimande ces faits, des refus de promotion ou de progression pour la simple raison que la personne est homosexuelle. Pas simple, dans ces conditions, d'être "out".

Peur d'être mis au placard

Sylvain, 28 ans, qui a accepté de témoigner pour Le HuffPost, travaille depuis un peu plus de deux ans dans son entreprise actuelle, "un milieu très masculin avec une image pas vraiment à l'aise avec l'homosexualité". A ce jour, il a fait son coming out à une seule de ses collègues. Il avoue avoir "peur de plein de choses":

"Peur d'être mis au placard, de subir des agressions homophobes et que ma hiérarchie, les ressources humaines ne s'impliquent pas pour m'aider. Mon entreprise n'a signé aucune charte, aucun engagement contre les discriminations sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, je ne connais personne de sensibilisé sur le sujet."

Bien que les discriminations soient condamnées par la loi, cela ne signifie pas qu'elles ont disparu de la circulation, ni qu'elles ne hantent pas certains individus. Sur le site de l'Express, Catherine Dard, ancienne secrétaire générale de l'association L'autre Cercle expliquait en 2011 avoir attendu 10 ans après avoir été embauchée pour faire son coming out, après s'être fait virer en 1979 à cause de son homosexualité.

Aujourd'hui heureusement, ce risque est moindre. Julie (le prénom a été changé), 26 ans, affirme même au HuffPost que son "amie est couverte par la mutuelle d'entreprise, gérée directement par les ressources humaines". Une avancée de taille par rapport à l'ambiance de son job précédent "nettement moins bonne, régulièrement sexiste, parfois homophobe, peu respectueuse".

Même son de cloche chez Yohann, 22 ans, qui n'a plus peur d'être discriminé, du moins, depuis qu'il est passé en CDI:

"Honnêtement, je ne pense pas que mon homosexualité pourrait jouer en ma défaveur quant à mon évolution professionnelle au sein de cet entreprise même s'il était hors de question de parler de mon homosexualité à quiconque avant d'être embauché en CDI, par précaution. Le regard des autres m'importe assez peu finalement."

Le regard des collègues

L'une des angoisses principales, quand il ne s'agit pas de discriminations directement liées à son travail, c'est celle du rejet des collègues. Malheureusement donc, sortir du placard nécessite l'assurance que l'homosexualité sera bien reçue.

Ce qui est d'autant plus compliqué que bien souvent, l'hétérosexualité est présupposée. Exemple de Yohann: "lorsque j'ai été interrogé lors de mon arrivée dans l'entreprise pour le journal interne, on m'a demandé si j'étais célibataire, j'ai répondu que je ne souhaitais pas répondre, on m'a alors demandé en plaisantant si je ne voulais pas 'en profiter pour passer une annonce dans le journal pour trouver une copine'..."

Sylvain a lui aussi vécu plus ou moins la même chose, mais cette fois avec une issue positive: "J'ai une collègue à qui j'avais parlé de mon copain mais qui n'a pas percuté et qui disait toujours "elle". Je ne savais pas comment m'en sortir, je me demandais même si ce n'était pas volontaire pour me mettre mal à l'aise. Et un jour elle m'a demandé son prénom. Ca s'est très bien passé et ça nous a fait rire."

Un témoignage sur le site Rue89 soutient cette idée: "C’est quelque chose que beaucoup d’hétéros ont du mal à comprendre, même lorsqu’ils sont parfaitement gay-friendly: ce besoin impérieux de faire savoir qu’on est homo au travail. Car il ne s’agit pas tant de le faire savoir, que de démentir être hétéro."

C'est pourquoi le poids du coming out est aussi celui des collègues, qui parfois inconsciemment enfoncent le clou.

En parler de façon naturelle

C'est peut-être la raison pour laquelle, lorsqu'on leur demande comment ils conseillent de s'y prendre pour faire son coming out, ils sont tous unanimes: il ne faut pas l'annoncer, simplement le glisser naturellement dans une conversation.

Julie, lors de son premier coming out, a en tout cas procédé de la sorte: "lors d'une formation où une collègue m'a interrogée sur la répartition des tâches ménagères à la maison. J'ai dit que je vivais avec une fille et qu'on se partageait équitablement les tâches. Ma collègue n'a pas relevé, et la conversation s'est poursuivie comme si de rien n'était."

Sylvain, s'il estime qu'il faut "attendre d'être à l'aise avec son homosexualité avant d'en parler avec ses collègues", et même s'il ne veut rien ériger en principe absolu, pense "qu'il vaut mieux en parler de façon naturelle, dans la conversation, de la même façon que les hétéros font leur coming out en entreprise d'ailleurs".

Que ce soit sur son lieu de travail ou ailleurs, il n'existe pas de règle universelle pour réussir un coming out. "Ce qui est certain, affirme le président de SOS Homophobie, c'est que faire son coming out libère quelque chose en termes de bien-être. C'est beaucoup plus sain de pouvoir parler ouvertement de ses activités du week-end, comme le font les hétérosexuels." Malheureusement, il sait bien que selon les situations, les conséquences peuvent être moins gaies. Le conseil qu'il donne? "Trouver des personnes ouvertes." En attendant de vivre dans "le meilleur des mondes".

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