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Le mariage de l'Ukraine avec l'UE, un coup dur pour Moscou

Le mariage de l'Ukraine avec l'UE, un coup dur pour Moscou

La signature vendredi par l'Ukraine, mais aussi la Géorgie et la Moldavie, d'un accord d'association avec l'Union européenne constitue un coup dur pour les ambitions géopolitiques de la Russie, qui a tout fait pour l'éviter.

Quelques minutes à peine après la signature à Bruxelles de cet accord qui vise notamment à supprimer l'essentiel des barrières douanières entre les pays de l'UE et ces trois ex-républiques soviétiques, les officiels russes ont réagi sur un un ton menaçant.

Un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, a immédiatement averti que ces signatures auraient des "conséquences graves" sur les relations commerciales de ces pays avec la Russie.

Un influent parlementaire, Alexeï Pouchkov, a souligné que les pertes pour l'économie de l'Ukraine se monteraient à 30 à 40 milliards de dollars par an du fait de la disparition de son régime d'échanges privilégiés avec son grand voisin.

Un argument que Moscou avait déjà brandi l'année dernière pour convaincre le pouvoir ukrainien de l'époque de renoncer, en novembre, à cet accord avec l'UE. La volte-face a été à l'origine de la chute du président Viktor Ianoukovitch, de son remplacement par le pro-occidental Petro Porochenko, du rattachement à la Russie de la Crimée et d'une insurrection prorusse dans l'Est que Kiev et les Occidentaux considèrent comme attisée par Moscou.

Du point de vue économique, la Russie craint l'arrivée de produits fabriqués dans l'UE, via l'Ukraine.

Timour Nigmatoulline, analyste financier chez InvestCafe, nuance néanmoins cette menace.

"Ces trois pays ne représentent que 4,9% du commerce extérieur de la Russie. (...) L'effet sera négligeable pour la balance commerciale russe", affirme-t-il.

C'est surtout sur les plans stratégique et militaire que la fin de la coopération avec les industries de l'est de l'Ukraine porterait un coup aux ambitions russes.

Le vice-Premier ministre russe chargé de ce secteur, Dmitri Rogozine, s'est employé ces dernières semaines à expliquer comment la Russie allait remplacer les équipements produits dans ces régions, par exemple les turbines d'hélicoptères et celles des navires de guerre.

La signature de l'accord d'association constitue surtout un coup dur pour le projet de Vladimir Poutine de voir entrer l'Ukraine dans l'Union économique eurasiatique, créée avec deux autres poids lourds de l'ex-URSS, le Bélarus et le Kazakhstan, tant pour constituer un nouveau géant économique que pour consolider l'influence de Moscou dans l'ancienne Union soviétique.

"La réaction de la Russie ne pouvait être que négative. Il y aura des annonces effrayantes à la télévision russe sur ce qui attend la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine", estime Konstantin Kalatchev, président du Groupe d'experts politiques.

"La réalité est que les leviers de pression de la Russie ne sont pas si nombreux", ajoute-t-il cependant.

La Géorgie, déjà amputée après une guerre avec son voisin russe en 2008 des deux territoires séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, est moins vulnérable, le Kremlin ayant plus ou moins intégré sa volonté de se rapprocher de l'UE.

La Moldavie, un petit pays pauvre aux portes de l'UE, a aussi sur son territoire une région séparatiste prorusse, la Transnistrie, qui a affiché sa volonté de rejoindre la Russie. Un scénario qui reste toutefois peu probable, selon les experts.

Pour l'Ukraine néanmoins, la Russie représente toujours environ le quart - tout comme l'UE - de ses échanges commerciaux, malgré une diminution déjà considérable.

Moscou est un partenaire commercial très important notamment pour les industries lourdes (métallurgie mais aussi chimie, aéronautique et défense) de l'Est russophone, en proie à une insurrection séparatiste.

La stratégie de la Russie consiste notamment à "discréditer l'Ukraine quant à sa fiabilité en tant que partenaire dans la distribution du gaz russe en Europe", et à imposer la construction du gazoduc South Stream, qui la contourne par la mer Noire, explique Maria Lipman du centre Carnégie à Moscou.

Ce projet de gazoduc a toutefois été bloqué en juin par la Commission européenne.

Le géant russe Gazprom a en outre coupé le gaz à l'Ukraine, qui ne veut pas honorer ses dettes tant que le prix n'aura pas été abaissé, faisant planer la menace d'une nouvelle "guerre du gaz" si la crise n'était pas réglée d'ici à l'automne.

Si les mesures russes de rétorsion n'ont quasiment aucune chance d'infléchir la volonté des trois pays de se rapprocher de l'UE, "la Russie garde les moyens de suivre la politique de la carotte et du bâton", souligne Maria Lipman.

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