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En Chine, lutte inégale pour les derniers marsouins du Yangtsé

En Chine, lutte inégale pour les derniers marsouins du Yangtsé

En Chine les marsouins d'eau douce sont désormais encore plus rares que les pandas, et la pollution industrielle précipite la disparition des derniers spécimens. Pourtant des militants ont engagé l'ultime combat contre l'extinction de l'espèce.

Avec son front protubérant sur sa tête ronde et sans bec, le marsouin aptère vit en Chine seulement dans le Yangtsé et dans deux lacs affluents de ce grand fleuve, nommés Poyang et Dongting.

Sa peau est de couleur gris clair et, comme son nom l'indique, il est dépourvu d'aileron dorsal, ce qui le fait ressembler à un béluga.

On estime qu'il en reste moins de mille.

"Il s'agit des derniers mammifères vivant dans le Yangtsé, et ils font office de révélateur du triste état de ce fleuve", commente à l'AFP Hao Yujiang, de l'Institut d'hydro-biologie de Chine.

"Leur nombre a décliné très rapidement", ajoute-t-il, en citant comme raisons la surpêche --y compris au moyen de décharges électriques--, la pollution, les hélices des navires dragueurs de sable ou les nombreux barrages hydroélectriques.

Les défenseurs des animaux n'ont plus vraiment confiance dans les promesses du gouvernement de protéger ce cétacé d'eau douce, désormais officiellement en danger critique d'extinction.

"Vu que le marsouin du Yangtsé n'est pas vraiment bon à manger, pourquoi devrions-nous le protéger?", s'interrogeait ainsi l'an dernier un responsable local, interviewé par la télévision publique CCTV.

Et les militants qui se mobilisent pour sa survie relatent avoir été la cible de mesures pour les en dissuader, pouvant aller jusqu'à la mise en détention.

Liu Bo en fait partie. Vêtu d'une combinaison et d'un gilet de sauvetage orange affichant "Société de protection du marsouin de rivière", il effectue des patrouilles quotidiennes dans son embarcation sur le lac Dongting, scrutant la surface des eaux.

"Là! En voilà un!", s'exclame-t-il tout à coup. "Quand il nous arrive de voir des marsouins, on a le sentiment d'avoir réussi quelque chose", confie-t-il.

"Il y a des années, les marsouins venaient entourer notre bateau et ils nous faisaient la chasse comme des enfants", se souvient-il.

Ce trentenaire, ancien pêcheur, passe désormais ses journées à traquer des équipages qui feraient de la pêche illégale. Mais les dénonciations sont risquées.

Deux compagnons de Liu --He Daming et Li Jinsong-- ont été interpellés en mars et accusés de faire chanter des pêcheurs locaux. Depuis, Li est toujours en détention et He a dû prendre le large, abandonnant sa femme en pleine détresse.

Leur cas illustre le sort malheureux en Chine de nombreux membres d'ONG, souvent vus par les autorités comme des dangers potentiels plutôt que comme des alliés.

La lutte pour protéger les écosystèmes reste par ailleurs souvent considérée comme un combat contre le progrès et le développement.

Car ce sont bien les activités humaines qui risquent d'avoir raison du marsouin du Yangtsé. Ce cours d'eau a subi des modifications environnementales considérables, notamment dues au fameux barrage des Trois Gorges, qui alimente la plus importante centrale hydroélectrique au monde.

Cet ouvrage a enrayé le transport des sédiments, modifié le régime hydrologique et des crues hivernales, et donc perturbé l'habitat de la faune.

Appelé Yangtsé, Chang Jiang ou Yang-Tsé-Kiang, le plus long fleuve d'Asie porte de surcroît très mal son dernier nom de "fleuve Bleu": plusieurs dizaines de milliards de tonnes d'eaux souillées y sont déversées chaque année.

Un cousin du marsouin aptère, le dauphin de Chine, est lui jugé éteint depuis plusieurs années après avoir été victime d'une pollution dévastatrice, de la pêche illégale et du trafic fluvial.

Après une expédition scientifique en 2006, des experts avaient en effet annoncé la très probable extinction de ce dauphin de rivière ("baiji" en chinois), une espèce qui existait depuis quelque 20 millions d'années.

tjh-seb/jug/cac

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