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Entre Thaïlande et Cambodge, chassé-croisé de sans-papiers et de joueurs de casino

Entre Thaïlande et Cambodge, chassé-croisé de sans-papiers et de joueurs de casino

A la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge se croisent Cambodgiens fuyant la chasse aux travailleurs illégaux de Bangkok et Thaïlandais adeptes de casinos, interdits dans leur pays.

Quatre jours après le coup d'Etat du 22 mai en Thaïlande, les militaires ont annoncé une offensive contre les salles de jeux, illégales dans le pays.

Trois semaines plus tard, ce sont les travailleurs clandestins qui se sont retrouvés dans la ligne de mire.

Avec pour conséquence un afflux des deux populations à la frontière cambodgienne.

Plus de 220.000 Cambodgiens ont fui les menaces d'expulsion de Thaïlande en une dizaine de jours.

De bien moindre ampleur mais constaté par les professionnels du secteur à Poipet, le mouvement des joueurs thaïlandais est lui aussi visible.

Leurs arrivées se comptaient déjà avant l'accession de la junte au pouvoir en centaines par jour, mais il est difficile d'évaluer l'augmentation, les autorités ne comptant pas les Thaïlandais passant cette frontière.

"De nombreux Thaïlandais viennent, ils disent qu'ils ne peuvent plus parier en Thaïlande", constate une croupière cambodgienne, sous couvert de l'anonymat.

Ces Thaïlandais passent parfois la frontière juste pour quelques heures, Poipet étant à quatre heures de Bangkok.

Ici, on peut parier en bahts thaïlandais, les croupiers parlent thaï et les paris sont ouverts 24 heures sur 24.

Pendant ce temps, en Thaïlande, la junte a ordonné des raids contre des salles de jeux et arrêté des dizaines de personnes prenant part à des paris illégaux, dans le cadre d'une campagne visant à rétablir la "moralité" dans ce pays très majoritairement bouddhiste.

Elle a aussi fait fermer plusieurs sites internet qui permettaient aux Thaïlandais de parier sur les matches du Mondial-2014. A Poipet, la Coupe du monde est retransmise sur grand écran, avec sous-titres en thaï.

"On ne peut pas jouer en ce moment en Thaïlande", explique à l'AFP une joueuse thaïlandaise de 32 ans, tout en pariant l'équivalent de trois euros à une table de baccara.

"La police nous arrêtera si nous jouons (...). Les militaires ont fermé les salles de jeux illégales", témoigne-t-elle, sous couvert de l'anonymat.

Depuis le milieu des années 1990, Poipet, ville frontalière miteuse d'une des régions les plus pauvres du Cambodge, accueille paradoxalement plusieurs casinos.

Les Cambodgiens n'ont, en principe, pas le droit de les fréquenter, les jeux d'argent étant aussi interdits au Cambodge, sauf dans ses dizaines de casinos frontaliers destinés essentiellement aux voisins thaïlandais.

Cela n'empêche pas de nombreux Cambodgiens de venir y jouer malgré l'interdit officiel, et d'y retrouver leurs voisins thaïlandais autour de la même addiction aux jeux.

En Thaïlande, ne sont autorisés que la loterie officielle et des paris sur quelques courses de chevaux.

Et chaque année, des milliers de Thaïlandais se rendent spécialement au Cambodge, au Laos, voire plus loin, pour jouer.

Des bus spéciaux dits "bus casino" partent tous les matins de la capitale thaïlandaise pour Poipet, depuis des points de rendez-vous fixés sur internet.

Certains casinos remboursent le prix du trajet, qui revient entre 200 et 400 bahts (entre 4,5 et 9 euros).

Les retombées pour Poipet sont importantes, avec des emplois créés, des hôtels pour ceux auquel le classique voyage en bus dans la journée ne suffit pas.

Et les jeux d'argent rapportent au gouvernement cambodgien un total de 20 millions de dollars par an en impôts, selon des chiffres officiels de 2011.

Même si Poipet se développe, dans un contexte d'explosion des jeux d'argent en Asie depuis dix ans, le soudain arrivage de joueurs n'est pas forcément appelé à durer.

"Je pense que cet afflux de Thaïlandais allant en masse à Poipet pour jouer est temporaire, parce que la police est devenue stricte", au moins pour un temps, estime Sungsidh Piriyarangsan, universitaire thaïlandais qui étudie depuis près de 30 ans le phénomène de l'addiction aux jeux de ses compatriotes.

Il doute que la junte aille jusqu'à empêcher les Thaïlandais d'aller jouer dans les casinos de l'autre côté de la frontière.

S'il n'existe pas de chiffres récents, l'expert estime que le secteur des jeux d'argent illégaux en Thaïlande génère entre 9 et 12 milliards de dollars chaque année.

suy-ask-apj-dth/abd/pt

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