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Dans l'intimité de la grotte Chauvet, 36.000 ans sous la terre

Dans l'intimité de la grotte Chauvet, 36.000 ans sous la terre

Pendant des millénaires, le temps s'est arrêté sur la grotte Chauvet. Jusqu'à sa découverte en 1994 et la révélation d'un millier de dessins de nos ancêtres, dont un bestiaire unique au monde. L'AFP a eu l'opportunité, exceptionnelle, de descendre voir ce trésor.

Pour atteindre cette "pépite planétaire", comme l'appelle Marie Bardisa, conservatrice des lieux désormais inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, il faut d'abord monter un sentier que notre ancêtre Cro-Magnon empruntait jadis, au-dessus d'un méandre abandonné des gorges de l'Ardèche.

"La grotte n'est pas seule dans son environnement, elle est à côté du Pont d'Arc, très important, qui permet de franchir la rivière. L'Aurignacien parcourait de très grandes distances", explique Mme Bardisa.

On longe une terrasse naturelle creusée dans la falaise karstique. Il y a 36.000 ans, l'âge des dessins, la végétation alentour était composée de pins sylvestres, le climat était celui du sud de la Norvège. Aujourd'hui devant l'entrée, par 38 degrés à l'ombre, une pause est nécessaire avant de descendre dans l'antre paléolithique où la température chute à 13°C et où le taux d'humidité frôle 99%.

Surveillée 24/24h par des caméras, une porte blindée de 600 kg scelle la paroi: "on n'entre pas comme ça!", pointe la conservatrice avant de taper un code. Elle et ses deux assistants sont seuls au monde à pouvoir ouvrir le sésame. Pour deux heures de visite, 25 mètres sous terre.

Riche de 425 représentations animales, la grotte Chauvet fut miraculeusement préservée par l'éboulement d'un pan de roche, qui en scella l'accès il y a 23.000 ans. Jusqu'au réveil de la belle endormie, le 18 décembre 1994, par trois spéléologues: Jean-Marie Chauvet, Christian Hillaire et Eliette Brunel.

Une fois entré, il faut enfiler une blouse blanche, des sabots, un casque de spéléologue et un baudrier. "L'idée est de maintenir la cavité dans l'état de confinement dans lequel on l'a trouvée. On veille à l'équilibre atmosphérique, on surveille la prolifération éventuelle d'algues, champignons ou bactéries", détaille Mme Bardisa.

La remontée dans le temps commence. Après avoir rampé dans un boyau, on atteint un escalier. Au bas des marches humides, fraîcheur et silence. Tout est resté vierge. D'immenses draperies calcaires scintillantes. D'innombrables ossements nappés d'argile et de calcite, témoins que des ours ont vécu là, avant et après les hommes. Un crâne de bouquetin aux dents immaculées sourit.

"Le sol est recouvert par des gours, des formations calcaires qui résultent de l'écoulement de l'eau", chuchote Charles Chauveau, assistant-conservateur, éclairant l'obscurité avec de puissants leds.

Les rares visiteurs autorisés dans la caverne - qui n'a jamais été et ne sera jamais ouverte au public - doivent marcher sur une passerelle en acier inoxydable de 60 cm de large, qui rend le moindre mouvement délicat.

Deux panneaux de points rouges apparaissent sur une paroi: des paumes de mains. "Cette technique a été relevée uniquement à la grotte Chauvet. On observe au milieu une main positive avec tous les doigts, réalisée par une personne de petite taille, une femme ou un adolescent", explique l'autre assistant, Paulo Rodrigues.

Ailleurs, un ours rouge à tête tachetée surplombe un animal inédit: la seule panthère représentée de tout l'art pariétal du paléolithique. "Chauvet abrite à elle seule 75% des félins et 60% des rhinocéros" représentés durant la période, souligne Charles Chauveau.

D'étonnants restes de feux, qui semblent éteints d'hier, indiquent qu'on brûlait là du pin sylvestre pour fabriquer des torches et du fusain. L'homme de Cro-Magnon ne vivait pas dans la grotte mais s'y exprimait pour des raisons probablement religieuses, d'après les spécialistes.

Au fond d'une grande salle, telle une scène shakespearienne, un crâne d'ours trône sur une pierre, seule sur le sol. "C'étaient des chasseurs-cueilleurs, le monde souterrain est connoté comme monde surnaturel", explique le préhistorien Jean Clottes, premier spécialiste descendu il y a 20 ans.

Apparaît un splendide panneau de chevaux croqués au fusain. L'Aurignacien s'est servi d'une fêlure dans la roche pour faire apparaître la bouche d'un des quatre équidés. "L'estompe est caractéristique de la grotte Chauvet, elle est particulièrement réussie", relève M. Chauveau. Les artistes "s'adaptaient très souvent aux formes de la paroi", utilisant des techniques sophistiquées "comme le détourage", poursuit M. Clottes.

Non loin, une autre scène détonne: une lionne feule lors d'une parade amoureuse, mécontente qu'un immense lion lui renifle le derrière. Un hibou, esquissé avec les doigts dans l'argile molle de la paroi, veille.

Le fond de la caverne, où le taux de CO2 dépasse 3%, reste hélas inaccessible. Outre un panneau de lions et de rhinocéros en mouvement, s'y cache l'intimité d'une femme dessinée sur une lame de rocher, au contact d'une tête de bison. Fascinant.

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