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Les premiers mois de guerre en Europe: la victoire hésite, et le conflit s'enlise

Les premiers mois de guerre en Europe: la victoire hésite, et le conflit s'enlise

Tous les stratèges européens prévoyaient un affrontement bref et violent, conclu en quelques semaines par l'effondrement d'un des adversaires: le début de la Grande Guerre semble confirmer ce scénario, mais tout va ensuite dérailler. Car aucun des deux camps ne parvient à emporter de victoire décisive, et le conflit va s'enliser dans une impitoyable lutte d'usure pendant quatre ans.

Prise en tenailles entre la France et la Russie, l'Allemagne, qui déclenche les hostilités, a une stratégie élaborée de longue date pour échapper à la guerre sur deux fronts qu'elle redoute: le "plan Schlieffen", qui prévoit d'écraser en six semaines l'armée française en la prenant à revers par le nord, dans une attaque massive via la Belgique, avant de se retourner contre l'armée russe dont Berlin pense qu'elle sera plus lente à se mobiliser et ne constitue donc pas un danger immédiat.

L'état-major français, imprégné du dogme de "l'offensive à outrance" qui domine la pensée militaire de l'époque, a prévu pour sa part dans son "plan XVII" une attaque frontale immédiate et massive de ses fantassins sur la frontière lorraine pour couper l'armée allemande en deux.

Le "plan XVII" va se briser sur l'artillerie et les mitrailleuses allemandes, qui feront une hécatombe: des centaines de milliers de soldats français sont tués ou blessés en quelques semaines durant cette "bataille des frontières", avec un macabre record de 27.000 morts pour la seule journée du 22 août, la plus meurtrière de toute l'histoire de l'armée française.

Du côté allemand, tout se déroule en revanche au début comme prévu: l'armée du Kaiser traverse la Belgique en quelques jours dans un déchaînement de violence, puis repousse inexorablement vers le sud et vers l'ouest des forces françaises au bord de l'effondrement après la terrible et inutile saignée subie en Lorraine.

Fin août, le pari allemand semble en passe d'être gagné. Mais sur le front Est, Berlin a eu une mauvaise surprise: la Russie a lancé beaucoup plus vite que prévu une offensive éclair en Prusse orientale, balayant des défenses allemandes insuffisantes.

Berlin envoie en hâte des renforts le front oriental, relâchant un peu la pression sur les armées françaises qui parviennent à se regrouper à l'est de Paris: facilité par des erreurs du commandement allemand, ce sera début septembre le "miracle" de la bataille de la Marne. Le rouleau compresseur allemand est stoppé à 40 kilomètres de la capitale, désertée par le gouvernement et une partie de sa population, puis les forces du général Joffre forcent celles du Kaiser au rempli vers le nord.

Cette première grande victoire française, associée dans la mémoire des Français à l'image des célèbres taxis parisiens réquisitionnés pour transporter des soldats en hâte vers le front, est chèrement payée: 250.000 morts et blessés de chaque côté.

Mais elle sauve la France et change le cours de l'histoire: car aucune des deux armées, exsangues et à court de munitions après un mois de combats d'une violence sans précédent, ne parviendra plus à prendre un avantage décisif dans les semaines suivantes, malgré de multiples tentatives qui font remonter le front jusqu'à la mer du Nord. Décimés par l'artillerie, responsable de 70% des pertes, les deux camps vont progressivement s'enterrer sur 700 kilomètres d'une ligne qui ne bougera plus guère pendant trois ans, de la Suisse à la mer du Nord. Fin 1914, la "guerre des tranchées" commence à l'ouest, une guerre d'usure que les états-majors n'avaient pas prévue et où se jouera l'issue du conflit.

A l'est, l'Allemagne a davantage de succès, après être parvenue fin août à enrayer l'offensive russe en Prusse orientale lors de la bataille de Tannenberg, sur le territoire de la Pologne actuelle. Ses forces entament dès lors une lente avancée vers l'est qui ne cessera plus, face à un empire russe qui va progressivement se désintégrer.

L'armée austro-hongroise en revanche, mal préparée et mal commandée, subit en septembre une cuisante défaite en Galicie face aux forces russes. Elle restera durant toute la guerre le maillon faible de l'alliance des empires centraux, à laquelle s'est joint fin septembre l'empire ottoman qui isole la Russie de ses alliés occidentaux en fermant les détroits entre le Méditerranée et la mer Noire.

Dans les espaces immenses de la Baltique à la mer Noire, la guerre de mouvement alternant offensives et contre-offensives parfois spectaculaires ne cessera pas jusqu'à l'effondrement du régime des tsars, et l'humiliante paix de Brest-Litovsk que sera forcé de signer le nouveau pouvoir bolchevik en mars 1918.

Mais avant d'en arriver là l'Allemagne sera obligée pendant trois ans de se battre sur deux fronts, scénario qu'elle espérait éviter et qui finira par lui être fatal.

A l'automne 1914, si la guerre a bien tenu ses promesses de violence, tous les combattants, à l'est comme à l'ouest commencent à comprendre qu'elle risque d'être plus longue que prévu et qu'ils ne seront pas de retour chez eux pour Noël comme la plupart l'avaient cru.

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