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Felipe VI face au défi de construire une Espagne "unie et diverse"

Felipe VI face au défi de construire une Espagne "unie et diverse"

Le futur roi Felipe VI a plaidé pour une Espagne "unie et diverse", qui sonne comme un appel à la rénovation d'une Constitution mise à mal par les mouvements indépendantistes en Catalogne et au Pays basque.

"La seule chose que je vous demande, Altesse, c'est de préserver l'unité de l'Espagne", avait demandé sur son lit de mort Francisco Franco à Juan Carlos, monté sur le trône pour mener une délicate transition vers la démocratie après la dictature (1939-1975).

Mais pour beaucoup, la Constitution de 1978, née d'un conscensus entre les partis politiques qui venaient alors d'êtré légalisés, est aujourd'hui insuffisante.

Deux jours après l'annonce par le roi Juan Carlos de sa décision d'abdiquer, le 2 juin, Felipe, dans son premier discours de futur souverain, promettait de mettre toutes ses forces au service d'une Espagne "unie et diverse".

Un discours équivalent à "une main tendue" vers les régions "qui ont une culture différente, une langue propre et un droit civil propre", estime Antonio Torres de Moral, professeur de droit constitutionnel.

"La question de fond derrière tous les problèmes de l'Espagne n'est pas seulement la crise économique, mais la crise identitaire et structurelle qui est très forte", renchérit Fermin Bouza, professeur de sociologie à l'université Complutense de Madrid.

Pays de 48 millions d'habitants, l'Espagne est divisée en 17 régions autonomes dont trois - Catalogne, Pays Basque et Galice - ont une langue propre.

Toutes fonctionnent avec les mêmes institutions que le pouvoir central (un gouvernement, un Parlement et des tribunaux) et disposent de larges prérogatives notamment en matière de santé et d'éducation.

Ce modèle né de la Constitution de 1978 a rompu avec la centralisation de la dictature franquiste, dont le slogan était "Une Espagne, grande et libre".

Au moment de la transition, deux modèles étaient en discussion: le "café pour tous" avec les mêmes droits pour toutes les régions, ou l'"assiette de fromages" où chacune choisissait ce qu'elle voulait. C'est le premier qui fut retenu, avec quelques différences, explique Antonio Torres del Moral.

Mais aujourd'hui, il y a une pression plus forte pour "que plus de différences soient reconnues".

"Cela ne peut être pareil pour tout le monde. Certaines régions peuvent avoir besoin d'autonomie administrative et d'autres d'une autonomie politique", explique-t-il.

Le cas catalan en est l'illustration la plus frappante.

Lorsque le Tribunal constitutionnel rejette en partie en 2010 un nouveau statut d'autonomie élargie voulu par la région, en supprimant la notion de "nation", il met le feu aux poudres.

Car la Constitution de 1978 proclame "l'unité indissoluble de la Nation espagnole" mais "reconnaît et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et régions qui en font partie et la solidarité entre elles".

Depuis, la poussée indépendantiste n'a fait que prendre de l'ampleur. Des centaines de milliers de personnes ont manifesté pour l'indépendance en 2012 et 2013 pour le Jour de la Catalogne, le 11 septembre, et le président de la région, Artur Mas, a convoqué un référendum le 9 novembre prochain, jugé illégal par Madrid.

Au Pays basque, les partis indépendantistes ont gagné en influence politique ces dernières années. Le 8 juin, quelque 100.000 personnes ont formé une chaîne humaine pour réclamer leur autodétermination.

La décision du Tribunal constiutionnel fut "une erreur" dont "on paie les conséquences" aujourd'hui, affirme Fermin Bouza.

Selon lui, même si ses pouvoirs sont limités, le nouveau roi et chef d'Etat peut favoriser le dialogue.

"Les rois ici, même s'ils n'entrent pas dans la politique au sens strict, ont une marge de manoeuvre, parce que finalement ils sont un excellent soutien au ministère des Affaires étrangères et en plus, ils entretiennent traditionnellement des relations avec les pouvoirs, que ce soit l'argent ou les armées".

Felipe VI a la possibilité de dire: "asseyons-nous tous" ou "asseyez-vous. J'apporte la table, les chaises et les stylos", dit-il.

D'autant que les appels à une "deuxième transition" sont de plus en plus nombreux.

"L'Espagne des régions autonomes est une formule usée, incapable de faire entrer les +nationalités et les régions+ dont parle la Constitution", et du coup, "la monarchie est touchée", affirmait avant l'abdication Ignacio Escolar, directeur du journal en ligne eldiario.es, dans un numéro spécial intitulé "La fin de l'Espagne de la transition".

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